Comment s’inscrire dans la tendance végétale

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S’il y a encore quelques années, se passer de viande était une prise de position marginale, aujourd’hui la démarche questionne de plus en plus de clients, au-delà des simples cercles végétariens et vegans. Plus qu’une tendance, c’est donc un enjeu de fond auquel les restaurateurs doivent répondre de façon pertinente.

Deux ans après l’expérience éphémère du « grand veggie » (un burger où la viande était remplacée par une galette de légumes), McDonald vient d’annoncer le lancement en Allemagne de son premier sandwich 100 % végétalien, c’est-à-dire ne contenant aucun produit d’origine animale. Cette démarche de la part de la firme américaine est un exemple fort de la prise de conscience par les professionnels des bouleversements qui se jouent dans les assiettes des consommateurs. En septembre 2018 le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), publiait, comme tous les trois ans, une grande étude sur le comportement alimentaire des Français. On y note notamment une baisse de 12 % en dix ans de la consommation de produits carnés, appuyée par l’affirmation, pour 35 % des son dés, d’une volonté de limiter la présence de ces mêmes aliments dans leurs repas. Une approche que l’on range désormais sous l’appellation « fl exit arien », pour décrire une personne mangeant de manière raisonnée et occasionnelle de la viande.

Un enjeu qui concerne tout le monde

Si les raisons de ces nouveaux comportements sont multiples (prise de conscience écologique, choc lié aux récents scandales alimentaires, motivations de santé, volonté d’économiser, etc.), l’important pour le restaurateur est de comprendre que ces alter natives centrées sur le végétal ne représentent plus seulement un marché de niche, mais bien un enjeu global et d’avenir. Car si la proportion des purs végétariens et vegans reste faible en France, ceux qui sont sensibles à ces évolutions sont beau coup plus nombreux. C’est ce que confirme Rudy Guénaire, fondateur des restaurants Paris New York, spécialisés dans les burgers gourmets, pour qui proposer une offre vegan et végétarienne est tout à fait naturel : « Nous possédons notre propre ferme en Bretagne afin de fournir de la viande exceptionnelle, en toute maîtrise. Et c’est parce que nous connaissons la rareté d’untel produit qu’il nous paraît logique d’en offrir une alternative. C’est pareil pour notre clientèle. Ce ne sont pas systématique ment les végétariens qui sont concernés, tout le monde teste et approuve nos menus sans viande. Notre burger axé autour d’un gros champignon portobello frit est d’ailleurs un best-seller ! »

Le burger végétarien de PNY. « Préparer des mets végétariens et surtout vegan demande une rigueur supplémentaire en cuisine. Rien de vraiment contraignant, simplement de l’organisation sur les plans de travail, les cuissons etc. », témoigne Rudy Guénaire.

Le burger végétarien de PNY. « Préparer des mets végétariens et surtout vegan demande une rigueur supplémentaire en cuisine. Rien de vraiment contraignant, simplement de l’organisation sur les plans de travail, les cuissons etc. », témoigne Rudy Guénaire.

Ne pas oublier la gourmandise

Aujourd’hui, les plats végétariens ou vegans doivent en effet être de vraies propositions culinaires, car l’époque où un assemblage de garnitures constituait la seule alternative pour satisfaire cette clientèle est révolue. Les consommateurs savent désormais que la cuisine sans viande peut être très gourmande. C’est le leitmotiv de David Cygler, responsable des ventes chez Tereos, groupe spécialisé dans la transformation de matières premières végétales et qui, avec sa récente filiale Épi & Co, exploite les protéines de blé via divers produits qui se veulent une alternative aux protéines animales : « Le phénomène fl exit arien couvre de nombreuses pistes de réflexion sur la manière dont on se nourrit et, notamment, sur la qualité et la composition de ce que nous choisis sons de consommer. C’est pour cela que nos produits ont une liste d’ingrédients courte et certifiée sans OGM, sans conservateur ou autres additifs. L’autre pilier d’Épi & Co, c’est la gourmandise. La cuisine végétarienne ne doit pas être synonyme de frustration ; c’est pour cela que l’on propose sur notre site des recettes afin de guider les restaurateurs. Cela va des classiques de la cuisine française revisités à des salades et, même, du snacking. Ce n’est pas parce que ce sont des protéines de blé que l’on ne peut pas les cuisiner ! »

Les médaillons de protéines de blé d’Epi & Co déclinés façon basquaise.

Les médaillons de protéines de blé d’Epi & Co déclinés façon basquaise.

Commencer par un défi ?

Cependant, il n’est pas toujours évident pour les restaurateurs de se lancer dans ces nouveaux territoires gustatifs sans être accompagnés. C’est tout le travail de la plate-forme VegOresto, chapeautée par l’association L 214 (association de protection animale) qui, en plus de recenser les établissements vegans ou vegan-friendly en France (1 370 à l’heure actuelle sur leur site inter net), lance aussi des défis vegans depuis 2015. Le but : challenger un restaurateur qui ne propose aucun menu sans viande en lui demandant de créer, le temps d’une soirée, une carte 100 % végétalienne.

Bérénice Riaux, chargée de mission pour L 214, nous en dit plus : « Je n’étais pas spécialement confiante au début et, pourtant, avec déjà plus de 600 défis, l’initiative a été très bien accueillie. Souvent, pour un chef, la cuisine sans viande, c’est sur demande et, donc, avec les moyens du bord. Là, ça les stimule et ça les fait réfléchir.D’autant qu’on leur précise bien de ne pas proposer de salade de fruits en dessert, par exemple, car c’est le cliché absolu ! Suite à ces soirées, deux tiers des participants se sont engagés à ajouter un menu vegan permanent à la carte. Cela va du gastronomique au bistrot en passant par le room service d’un hôtel, mais aussi parfois,des chaînes. Avec ces dernières,le travail est plus long, mais on peut y arriver. » Parmi les franchises traditionnelles qui ont développé des cartes très ouvertes, Vapiano se démarque. La directrice générale Kelly Kliebhan précise : « Le fait maison, la transparence, les produits frais font partie de l’ADN de Vapiano, mais aussi de la gastronomie végétarienne. Ça a été une démarche logique. Sur nos 22 pizzas, par exemple, 7 sont végétariennes De plus, notre concept tourne autour la customisation : c’est une souplesse qui plaît beaucoup aux végétariens. »

L’initiative VegOresto, c’est par ailleurs un suivi, avec notamment un groupe Facebook privé où des restaurateurs expérimentés dans la cuisine végétalienne partagent recettes et conseils pour les novices. C’est aussi une newsletter régulière avec des idées pour s’approvisionner. En effet, la question des fournisseurs est par fois un frein, comme le confie Rudy Guénaire : « Pour les menus vegan, c’est encore une galère de se procurer certains produits, comme le fromage, par exemple. » Bérénice Riaux sou ligne alors le rôle de facilitateur de VegOresto : « Nous avons conscience que très souvent, les professionnels n’ont pas le temps de chercher de nouveaux fournisseurs et cela peut les couper dans leur élan si leur partenaire traditionnel n’a pas les produits demandés. C’est pour cela que l’on essaye de leur mâcher le travail avec cette news letter. On noue égale ment des partenariats avec des grossistes pour pouvoir envoyer des échantillons, etc. »

Le nouveau restaurant PNY sur le faubourg Saint-Antoine.

Le nouveau restaurant PNY sur le faubourg Saint-Antoine.

La révolution Beyond Meat ?

Les produits Beyond Meat ne vous disent peut-être rien, pourtant aux États-Unis, la marque vient de faire son entrée en bourse, en étant valorisée à plus de 3,8 Md$. Son credo ? Des steaks et des saucisses à base d’ingrédients végétaux et un mimétisme quasiment parfait avec les produits d’origine animale. Depuis la fin 2018, la firme s’installe discrètement sur le Vieux Continent, en ciblant d’abord la restauration. Paris New York a fait partie des premiers à pouvoir en proposer : « C’est bluffant, insiste Rudy Guénaire. Jusqu’ici, nous étions rarement satisfaits par les steaks végétaux. Beyond Meat change la donne. Au-delà de notre menu vegan, tous nos burgers peuvent désormais être choisis avec ce steak. » Morgan Tsihlis de Prevogel, distributeur des steaks Beyond Meat, souligne également le caractère exceptionnel du produit : « Il coche toutes les cases : il reproduit l’apport en protéines d’une viande, son goût, son aspect, il est sans OGM, sans gluten, sa fabrication consomme 80 % d’eau en moins que celle d’un steak traditionnel et il est très bon. C’est un produit d’avenir. Alors certes, il est encore cher, mais nous n’en sommes qu’aux balbutiements, ici. En tout cas, la demande est énorme, même chez les particuliers ; nous avons été obligés de créer une plate-forme spécifique. »

Quelques mois après l’arrivée en France du steak, Beyond Meat va bientôt commencer la distribution de ses saucisses végétales.

Quelques mois après l’arrivée en France du steak, Beyond Meat va bientôt commencer la distribution de ses saucisses végétales.

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