Une seconde vie pour les légumes moches

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Donner une autre chance aux fruits et légumes déclassés, mais ne présentant aucun défaut de qualité. C’est la mission fixée par Simon Charmette et Thibault Kibler avec leur start-up Atypique qui propose aux chefs des produits destinés à être jetés.

Atypique vend aux chefs les fruits et légumes présentant des défauts de taille, de poids ou de forme.
Atypique vend aux chefs les fruits et légumes présentant des défauts de taille, de poids ou de forme. Crédits : Atypique / Au Coeur du CHR.

Depuis janvier 2022, Atypique a sauvé 400 tonnes de fruits et légumes. La start-up, qui fonctionne comme un grossiste, lutte ainsi contre le gaspil­lage alimentaire en structurant la filière des produits déclassés pour un défaut de calibre, de forme ou de poids. À l’origine du projet, Simon Charmette, diplômé de Polytechnique et fils d’agriculteurs drô­mois. L’exploitation tenue par sa famille a elle-même été confrontée au problème du gaspillage dans les champs d’une partie des produits, c’est ce qui l’a poussé à s’y consa­crer quotidiennement.

En effet, une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) montre que 32 % du gaspillage alimentaire a lieu en phase de production. Selon Atypique, chaque année en France, 11 % de la récolte est gaspillée directement dans les champs, soit environ 1,3 million de tonnes et un manque à gagner estimé à 2 Md€.

Partenariat avec les agriculteurs

Simon Charmette a ensuite été rejoint par Thibault Kibler, un ingénieur qui a quitté son entreprise du jour au lendemain pour devenir son associé.« Nous n’avons jamais souhaité créer un nouveau marché. Partis de rien, nous avons tout construit pour remanier l’existant et ainsi sauver un maximum de fruits et légumes», raconte ce dernier. Pour mener à bien cet objectif, Atypique achète directement aux exploitants agri­coles leurs écarts de tri ou leurs produits non récoltés pour les réintroduire ensuite sur le marché. Le fournisseur détermine le prix de vente de son stock déclassé. S’il est souvent fixé par le bas, il doit être cohérent et justifier la récolte.

iSimon Charmette et Thibault Kibler ont créé Atypique, un nouveau circuit logistique B 2 B vertueux pour écouler les fruits et légumes déclassés.
Simon Charmette et Thibault Kibler ont créé Atypique, un nouveau circuit logistique B 2 B vertueux pour écouler les fruits et légumes déclassés. Crédits : Atypique / Au Coeur du CHR.

« L’objectif pour un agriculteur est d’essayer de valoriser toute sa production. Qu’elle soit abîmée ou non, une carotte a coûté le même prix à la produc­tion», déclare Cassandra Zanzi, respon­sable du commerce et de l’administratif à la ferme d’Arnaud. Implantée à Coutiches (59), cette exploitation est partenaire d’Atypique à qui elle vend ses produits. La ferme adresse toutes les semaines aux équipes d’Atypique une liste de propositions de ce qu’elle est susceptible de pou-voir sortir de ces entrepôts en produits dé-classés. « L’objectif est bien de fidéliser les agriculteurs et de leur permettre de désengorger leurs stocks », explique Thibault Kibler. Les produits sont ensuite vendus aux chefs 20 à 50 % moins cher par rapport aux concurrents et au marché de Rungis, qui régit la commercialisation.

Le grossiste ne se positionne cependant pas sur des produits de niche comme les asperges ou les artichauts, mais sur des fruits et légumes de saison. À ce jour, la start-up compte une quarantaine de références de fruits et légumes, avec un réseau de 342 producteurs membres. Après celui de la région lyonnaise, un deuxième entrepôt a été inauguré en Île-de-France au mois de septembre 2022. « Nous vendions déjà en Auvergne–Rhône-Alpes, en PACA et en Bourgogne–Franche-Comté, mais nous avions constaté au mois de juin 2022 que 15 % de nos volumes partaient vers la capitale, donc nous avons décidé de nous y ins-taller. Nous allons certainement procéder prochainement à des tests sur Lille et Rennes », précise Thibault Kibler. De 500 kg de fruits et légumes réinjectés par semaine à ses débuts, Atypique est passé à 20 tonnes en un peu plus d’un an.

Un engagement responsable

L’offre proposée à la restauration collective et commerciale, aux structures associatives et à la vente au détail, est composée de produits français et homologués. Près de 95 % sont labellisés Agriculture biologique (AB), Haute Valeur Environne-mentale (HVE) ou détiennent une Indication géographique protégée (IGP).

« Nous pourrions nous satisfaire de produits d’origine française sans être automatiquement bio. Avec Atypique, nous faisons maintenant un effort de qualité dont nous acceptons de payer le surcoût », témoigne Patrick Augagneur, responsable des achats et de site chez Alterrenative restauration. Ce petit-fils d’agriculteur a fait approuver la démarche auprès des équipes de cuisine de son établissement. C’est tout un défi , puisque le personnel doit gérer des arrivages inattendus, dont les formes sont bien souvent atypiques.

Ces fruits et légumes « imparfaits » demandent parfois quelques adaptations et une manipulation plus longue. « Il a fallu convaincre les équipes de cuisine et les amener à une plus grande souplesse face aux produits. Les arrivages ne sont pas standard et les cotations non précises, nous avons donc changé nos habitudes », précise-t-il. L’intitulé des menus a aussi dû être modifié afin de coller au maximum aux produits reçus.

Atypique adresse toutes les semaines une mercuriale à Patrick Augagneur, dans laquelle les volumes disponibles sont recensés. « Je n’évolue pas à l’aveugle dans l’achat. Pour les produits à défaut, nous savons à l’avance l’anomalie et dans 80 % des cas une photo est associée au produit », ajoute Patrick Augagneur. Enfin, Atypique offre tous les mois un diplôme aux restaurateurs partenaires afin qu’ils puissent valoriser les kilogrammes de fruits et de légumes sauvés.

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