Bollinger, une maison créative

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Le domaine champenois Bollinger, né en 1829, dispose de plusieurs dizaines d’hectares de vignobles, de différents cépages et cultive des parcelles remarquables. Sa cave de réserve unique et son implication environnementale lui permettent aujourd’hui de proposer des assemblages d’exception.

Maison Bollinger
La maison Bollinger est engagée dans une démarche environnementale, sociale et sociétale depuis deux ans. Crédit DR.

À la fin de cette décennie, Champagne Bollinger fêtera ses 200 ans. Pour autant, ce domaine champenois continue de proposer aujourd’hui des vins faisant preuve de créativité. Implantés dans la Marne, ses vignobles en pinot noir sont basés à Aÿ et sur les communes de Tauxières, Louvois, Avenay et Verzenay ; tandis que les cépages en chardonnay se trouvent à Cuis (Côte des Blancs), et à Champvoisy pour le meunier. Au total, Bollinger détient 179ha de vignes, dont près de 104ha de grands et premiers crus – en pinot noir – de la Montagne de Reims. Depuis 1829, la maison élabore des vins au style puissant, raffiné et complexe. Ce style Bollinger repose sur « un socle solide, enraciné autour de cinq réalités tangibles » : le vignoble de la maison, le cépage pinot noir, les vins de réserve en magnums, les tonneaux et le temps. Bien qu’elle approche de son bicentenaire, cette maison familiale longtemps incarnée par Élisabeth Bollinger (entre 1941 et 1971) veut s’adapter à son époque, en s’engageant notamment dans une démarche responsable.

Alors qu’elles ont commencé cette année dans la moyenne décennale, autour du 8 septembre, les vendanges se font désormais plus tôt sur le vignoble de Bollinger, « n’en déplaise aux climatosceptiques », note un vigneron de la maison. « Nous avons eu un climat un peu trop chaud pour démarrer les vendanges, avec des grappes qui étaient trop grosses : un record de poids sur les grappes, précise ce dernier. Nous avons eu finalement un rendement un peu trop chargé. Une maturation qui a été très délicate, avec des cépages atteints parfois par la pourriture. » Avec sept jours de fortes chaleurs faisant surchauffer les baies noires, ces dernières vendanges ont été par moments très éprouvantes pour les organismes, observe-t-on en interne.

iLa réserve Bollinger
La réserve Bollinger. Crédit DR.

Outre ce constat, la maison Bollinger a présenté sa nouvelle cuvée PN, exclusivement réalisée avec du pinot noir et issue principalement du cru d’Aÿ. Cette cuvée, PN AYC 18, sera commercialisée à la fin de l’année au prix caviste de 125€ TTC. « Nous avons globalement six vignobles de pinot noir qui peuvent prétendre à entrer dans cette composition de PN. Mais avec le jeu des années, des vins de réserve, nous avons une exploration illimitée », estime Denis Bunner, chef de cave chez Champagne Bollinger. Majoritaire dans l’ensemble de la gamme PN, le pinot noir est « l’essence même de Champagne Bollinger et constitue l’un de ses piliers », souligne la maison champenoise, dont 60% du vignoble sont issus de ce cépage. Mais cette quatrième édition de Bollinger PN, en monocépage donc, a pour ambition notamment de mettre en valeur les spécificités du terroir d’Aÿ, cru principal de l’assemblage PN AYC 18, élaboré majoritairement avec le millésime des vendanges 2018. Une année marquée en Champagne par une récolte précoce (premier prélèvement le 13 août), un hiver pluvieux, un printemps doux et un été qui fut chaud et sec.

Dans le verre, cette nouvelle édition de PN, composée d’un assemblage de quatre millésimes dont le plus ancien date de 2009, offre plusieurs arômes à l’ouverture : notes de miel, de pâte de fruits et d’agrumes confits. « Les grands amers arrivent seulement après, donc cela rebondit entre salinité, fruits, et grands amers. C’est un vin qui raconte une histoire, l’histoire de son assemblage », complète Denis Bunner. Cette cuvée disponible en fin d’année 2023 s’intègre dans une volonté « de faire découvrir la particularité du champagne Bollinger », affirme Charles-Armand de Belenet, directeur général de la maison. PN AYC 18 s’appuie principalement sur le terroir d’Aÿ, bien que des crus de Tauxières et de Verzenay entrent aussi dans son assemblage. Par ailleurs, l’utilisation des vins des magnums de réserve dans l’assemblage de cette dernière édition de PN lui apporte une complexité aromatique supplémentaire.

Luxueuse cave de réserve

La maison Bollinger possède un trésor dans sa cave. Cette dernière conserve notamment une partie des meilleurs vins de chaque vendange annuelle. Mais au lieu de stocker ses vins de réserve dans de grandes cuves, Bollinger les embouteille « cru par cru, année par année », dans des magnums (représentant 30 à 40% de la réserve). La cave Bollinger regroupe ainsi près de 900.000 bouteilles de réserve, dont le vieillissement peut s’effectuer jusqu’à 15 ans. « Le vin évolue différemment en magnum. Alors que dans une cuve en inox, il faut résulfiter, explique le chef de cave, Denis Bunner. Nous avons une moyenne d’âge de 10 ans pour les assemblages. » Les vins de réserve conservés en magnum résultent d’un procédé unique : une légère prise de mousse est effectuée avant que les bouteilles soient scellées. « Cette “micro champagnisation” permet ainsi de stabiliser les arômes des vins durant toutes les années qu’ils passeront en cave, attendant patiemment d’être utilisées », indique la maison de Champagne.

Outre la conservation de vins en magnums, Bollinger effectue des assemblages de champagnes non millésimés depuis 1892. Les bouteilles Special Cuvée, emblématiques de ce savoir-faire Bollinger, sont héritières d’un procédé où l’assemblage est constitué en majorité de vins de réserve… dont 10% au moins sont préservés en magnums. Une Special Cuvée offre un assemblage délicat, composé en majorité de vins de réserve (conservés entre 5 et 15 ans) et plus de 85% de grands et premiers crus. Des crus premium élaborés à partir des trois principaux cépages champenois : pinot noir (60%), chardonnay (25%) et meunier (15%). Avec un dosage de 7 à 8g de sucre résiduel par litre, Special Cuvée révèle au nez une complexité aromatique de fruits mûrs et d’épices, tandis que des arômes de poire, de brioche et des notes de noix fraîches se libèrent aussi à la dégustation.

iCote aux enfants
Une vinification en vendange entière est pratiquée à partir des vignes de la Côte aux Enfants. Crédit DR.

Focus sur la précieuse Côte aux Enfants

Cette parcelle attire l’œil : une petite colline de craie blanche au cœur du vignoble d’Aÿ. Sur moins de 4ha, la Côte aux Enfants fut reconstituée patiemment par Jacques Bollinger au début du XIXe siècle « alors que plus de cinquante propriétaires se les partageaient ». Plusieurs hypothèses existent concernant l’origine de son nom. Des gamins allaient peut-être y récupérer des sarments, les enfants seraient les seuls à avoir suffisamment d’agilité pour travailler dans cette pente… Enfin, il est possible qu’elle fut nommée « Côte aux enfers », par « les femmes chargées de remonter […] la terre emportée par les intempéries ». Depuis une décennie, cette parcelle crayeuse bénéficie de nouvelles pratiques culturales qui contribuent à un travail qualitatif de la vigne. « L’abandon des herbicides a ainsi marqué le retour du désherbage mécanique qu’un cheval de trait ardennais accomplit avec précision dans ce terrain pentu, sous la conduite d’un professionnel », explique Bollinger. Par ailleurs, depuis 2015, la maison met en œuvre sur cette Côte « une vinification en vendange entière, dont les vertus sont bien connues dans les meilleurs crus de Bourgogne ». Une pratique qui consiste « à mettre les raisins en cuve pour fermentation sans les érafler ni les fouler », permettant « d’apporter une complexité aromatique et une plus grande structure au vin ».

Certification environnemental

Bientôt bicentenaire, cela n’empêche pas Bollinger de regarder vers l’avenir. Alors que la maison avait annoncé sa nouvelle charte environnementale et sociétale l’an dernier et « conformément à ses objectifs », la maison se dit fière de l’obtention de la certifi cation B Corp depuis septembre 2023. Fruit de plus de deux ans de travail, cette certification internationale répond à des standards élevés en matière de performance sociale, sociétale et environnementale. À travers ce label, la marque champenoise rejoint une communauté d’entreprises engagées (Veja, CrushON, Château Maris, Nature & Découvertes…) « qui s’inscrivent dans une démarche de progrès ambitieuse ». L’obtention de la certification B Corp soumet également Bollinger à un processus d’évaluation et de vérification tous les trois ans, afin qu’elle respecte tous les standards du label, eux-mêmes en constante amélioration.