Dans les grandes villes françaises, les touristes affluent à nouveau

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Le week-end de Pâques a été révélateur d’un retour en force de la clientèle de loisir dans les grandes villes françaises. À Paris, le taux d’occupation dans les hôtels a même été supérieur à 2019. Un rebond certes salutaire, qui ne doit cependant pas faire oublier la nécessaire remise en question du secteur sur d’autres sujets comme l’emploi ou la chute de la clientèle d’affaires.

En 2022, durant le week-end de Pâques, les hôtels des Bouches-du-Rhône ont connu un taux d'occupation moyen entre 70 et 80 %. Image d'illustration.
En 2022, durant le week-end de Pâques, les hôtels des Bouches-du-Rhône ont connu un taux d'occupation moyen entre 70 et 80 %. Image d'illustration.

2021, et plus fortement encore 2020, sont deux années à oublier pour les grands centres urbains français. Désertés par la clientèle d’affaires et les touristes internationaux, les villes ont dû faire le dos rond. Là où le littoral et certains territoires hyper-ruraux comme la Creuse ont vu leur fréquentation se maintenir, voire augmenter grâce au tourisme domestique, Paris, Lyon, Marseille et consorts ont subi les conséquences de la crise.

Les clôches de Pâques sonnent la reprise 

Mais comme tout a une fin, la baisse de fréquentation se tarit enfin. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre chargé du Tourisme, s’est fait l’écho des bons résultats du week-end de Pâques en France, avec un « Revpar » (Revenue Per Available Room en anglais, soit le revenu par chambre disponible, NDLR) global supérieur de 18 % par rapport à la même période en 2019. Fait particulier, cette reprise a été « tirée vers le haut par les grandes villes françaises, notamment Paris », a noté le ministre. La capitale s’est taillée la part du lion avec un taux d’occupation de 91 % durant le week-end pascal, de 4 points supérieurs à celui de 2019.

À Marseille, le week-end du 16-17 avril a aussi été marqué par un fort rebond de l’activité hôtelière. Nicolas Guyot, vice-président de l’Umih 13, président des hôtelier des Bouches-du-Rhône, rapporte des augmentations du taux d’occupation (TO) entre 10 et 30 % dans le département en comparaison à 2019. Le week-end de Pâques était particulièrement signifiant. Des hôtels affichent complets et présentent un taux d’occupation moyen de 70/80 % cette année. Même constat du côté de Bordeaux. « On a eu un très fort remplissage. J’ai un hôtel en centre-ville avec un taux d’occupation de presque 100 % rien que sur ce week-end là, témoigne Jean-Philippe Burgeat, président délégué à l’hôtellerie pour l’Umih 33. Il nous restait qu’une chambre le dimanche matin. Toute la semaine précédente, le taux de remplissage était très élevé. Il y a un retour de la fréquentation notablement plus élevé. »

« On a des volumes dans certains cas 10 fois supérieurs à ceux de 2021. »
Ian Di Tullio, Directeur commercial Accor Europe du Sud

Les entreprises retrouves le sourire

Côté entreprises, l’optimisme est également au rendez-vous. Chez Accor, première chaîne hôtelière française, des volumes jusqu’à 10 fois supérieurs à ceux de 2021 ont été enregistrés dans certains centres urbains. « Sur certains indicateurs, à Paris, nous somme jusqu’à 30 % supérieurs aux chiffres de 2019, ajoute Ian Di Tullio, directeur commercial sur la France, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et Israël. À Marseille, Lyon, Toulouse, Strasbourg, Bordeaux ou encore Nice, les résultats sont soit égaux, soit largement supérieurs à l’avant-covid. » D’après les résultats de la chaîne, le rebond est particulièrement fort sur les segments premium et luxe, Pullman et Sofitel en première ligne.

Retour des touristes étrangers et changements dans les comportements

Que dire des facteurs qui ont permis cette reprise spectaculaire de l’activité ? Le retour de la clientèle étrangère déjà a fait gonfler les résultats. En tête de file, les touristes américains et canadiens ont réinvesti les lieux touristiques français. « Je suis largement au-dessus de 50 % de fréquentation par les touristes étrangers, rapporte Jean-Philippe Burgeat de l’Umih 33, européens et venus des États-Unis plus particulièrement. »

Outre le retour des internationaux, Accor note un changement dans les pratiques de ses clients le week-end. « Alors que les réservations s’étendaient traditionnellement du vendredi au dimanche, nous notons de plus en plus de séjours rallongés d’un ou deux jours », rapporte Ian Du Tullio. C’est le télétravail qui aurait favorisé ce phénomène, permettant à une clientèle loisir de profiter d’un jour ou deux de travail à distance pour étendre leur séjour.

La chute structurelle de la clientèle d’affaires

Aux vues des réservations, les hôteliers considèrent déjà la saison d’été 2022 acquise. Mais les bons résultats du tourisme de loisir ne doivent cependant pas faire oublier une tendance qualifiée de « structurelle » par le ministre charge du Tourisme. La clientèle d’affaires continue de bouder l’offre hôtelière. Et ce segment peine donc à rattraper son retard (-30 % par rapport à 2019).

Jean-Virgile Crance, président du Groupement national des chaînes hôtelières (GNC), confirme que la société fait face à un « changement de modèle ». « C’est indéniable, les pratiques évoluent dans les entreprises. De plus en plus d’entre elles sont amenées à mettre en place des chartes de télétravail par exemple. C’est un mutation durable, qui nous impacte, nous les hôteliers. »

« Je pensais effectivement il y a quelques mois qu’on allait perdre 20 % de notre clientèle structurelle »
Jean-Virgile Crance, Président du GNC

Celui qui est également élu local de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) voit cependant une opportunité dans le sens où les clients d’affaires ont désormais tendance à se « relocaliser dans leur environnement proche ». « Cela confirme les choix faits par l’hôtellerie ces dernières années de se recentrer sur le local et de redevenir des lieux de vie. Dans les grandes villes, il devient possible de transformer des chambres en bureaux, ou d’investir plus lourdement pour proposer des espaces de coworking. »

Quid de la clientèle asiatique ? 

Dernier point, et pas des moindres, les grandes villes françaises doivent composer sans la clientèle asiatique. Le tourisme venu d’extrême orient, alors qu’il était en « fort développement avant la crise », subit de plein fouet trois phénomènes distincts, analyse Ian Di Tullio. Tout d’abord, les politiques sanitaires strictent bouchent totalement l’horizon à court terme. Ensuite, la géopolitique actuelle a fortement complexifié les trajets entre l’Asie et l’Europe. « La fermeture de certains espaces aériens (l’Ukraine notamment, NDLR) rallonge la durée de voyage de plusieurs heures », rapporte le directeur commercial Accor Europe du sud. Enfin, Ian Di Tullio rapporte une relocalisation d’une partie des flottes des compagnies nord-américaines du Pacifique vers l’Atlantique. Cela expliquerait également, d’après lui, la très nette augmentation du tourisme américain et canadien. Contactée par notre rédaction, la compagnie American Airlines répond cependant ne « pas faire de différence entre sa flotte pacifique et atlantique ».

« Nous sommes confiants à moyen terme », nuance néanmoins le président du GNC Jean-Virgile Crance. Il pointe les « nombreux investissements réalisés par des structures asiatiques sur notre territoire pour promouvoir notre destination touristique. La France reste un pays très prisé. » Pour Ian Di Tullio, il faudra néanmoins attendre 2023 pour voir revenir les clients chinois et consorts dans la capitale et les autres villes françaises.

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