L’horizon se dégage pour l’hôtellerie française

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D’après une étude In Extenso, le secteur va retrouver une santé financière grâce au dynamisme du tourisme de loisirs.

Le TOO restaurant.

Tous les voyants sont au vert pour l’hôtellerie en France selon In Extenso. Le secteur a nettement dépassé l’année dernière son niveau de recettes de 2019. Le dynamisme du tourisme de loisirs vient compenser le déficit du secteur affaires. À moyen terme, cette tendance favorable devrait durer.
Seul bémol, la profession doit faire face à un accroissement des charges.

L’année passée, l’hôtellerie française a accompli des performances supérieures à celles qu’elle enregistrait avant la crise sanitaire. Son CA 2022 marque une hausse de 9% par rapport à 2019, année de référence pré-Covid qui fut néanmoins marquée par le mouvement des Gilets jaunes et des grèves conséquentes. Ces chiffres ont été révélés le 10 février par Olivier Petit, directeur associé d’In Extenso Hôtellerie, lors de la conférence que son cabinet organise chaque année au palais Brongniart. Près de 600 personnes, hôteliers, mais aussi investisseurs, participaient à cette présentation.

Consolidation des prix moyen

Si on regarde les chiffres de 2022 plus précisément, la fréquentation n’est pas encore revenue au niveau de 2019. Les taux d’occupation restent inférieurs de 6% à ce qu’ils étaient il y a trois ans. En revanche, les prix moyens ont été spectaculairement consolidés puisqu’ils font un bond de 16%. « Une dynamique en termes de prix moyen jamais connu. Cet été, les CA à Paris ont augmenté de 38% à Paris », souligne Olivier Petit. Toutes les catégories sont concernées par la hausse de CA qui culmine à + 13% sur l’année dans le secteur haut de gamme et luxe.

L’année 2022 avait pourtant mal commencé par de très mauvais taux de fréquentation durant l’hiver.
Mais dès le mois d’avril, le rythme d’activité des hôtels de la capitale a accéléré. Ensuite ceux de la Côte d’Azur et enfin ceux de la province ont suivi le tempo. « Nous avons noté une forte dynamique sur les périodes de vacances », observe Olivier Petit.

La locomotive des loisirs

En effet, le tourisme d’affaires n’a pas repris son volume d’activité passé. L’inflation, les coûts énergétiques incitent toujours les entreprises à limiter les déplacements. Les hôtels séminaires sont, eux aussi, un peu à la traîne. Mais il y a eu une très forte reprise du tourisme de loisirs qui tire la fréquentation vers le haut. À ce jeu, Paris est bien placé. Ses hôtels affichent en 2022 un CA en hausse de 18%. Mieux, ils sont les seuls en France à enregistrer un taux d’occupation légèrement supérieur à 2019 (+ 1%). L’hôtellerie de la Côte d’Azur réalise en matière de chiffre d’affaires une performance comparable à celle de la capitale. Mais la province reste un peu à la traîne avec une hausse limitée à 7%.

Après la crise sanitaire, les Français ont eu besoin de voyager, mais surtout le télétravail a libéré de nouvelles potentialités et le phénomène pourrait être durable. Cette tendance permet de rebattre les cartes. Ainsi les villes touristiques, comme Paris, Marseille, Nice connaissent des hausses significatives alors que les villes plus tournées vers le tourisme d’affaires comme Bordeaux, Nantes, Lyon, Lille ou Toulouse, enregistrent des progrès moins spectaculaires.

Cette évolution est même internationale puisque, comme l’a montré en préambule Béatrice Guedj, directrice de recherche et d’innovation chez Swiss Live Asset Managers France, «l’Allemagne et les pays du Nord sont pénalisés par la fréquentation du tourisme d’affaires qui n’a pas repris alors que l’Espagne et la France ont bénéficié de la concentration de la demande de loisirs ». Cette tendance pourrait être durable sur le moyen terme.

La clientèle internationale fait défaut

Au niveau mondial, les échanges touristiques intercontinentaux restent significativement ralentis. Mais l’Europe tire bien son épingle du jeu. Le nombre de touristes internationaux reçus dans cette zone en 2022 est seulement en retrait de 21% par rapport à 2019, alors que dans le monde ce recul moyen atteint 37% et 77% dans la zone Asie-Pacifique. On peut penser que dans les années qui viennent, ces chiffres s’amélioreront sans toutefois revenir rapidement à leur niveau d’avant la crise sanitaire. La crise de l’énergie, l’accroissement des tensions dans le monde, pourrait ralentir ce tourisme intercontinental.

En revanche, comme l’a noté Béatrice Guedj, les voyageurs privilégiant des destinations moins lointaines, le tourisme intracommunautaire s’est trouvé renforcé et compense le déficit de visiteurs plus lointains. Cette spécialiste de l’hôtellerie, qui fut la première à tirer la sonnette d’alarme il y a trois ans en mettant en garde sur la réalité des conséquences de l’épidémie, mise à l’avenir sur un flux touristique mondial privilégiant sur les pays d’Europe dont la France.

La Coupe du monde de Rugby et le retour de nombreux grands salons en 2023 devraient aussi bénéficier à notre pays. Le tourisme en France ferait ainsi figure de valeur refuge pour les voyageurs mais aussi pour les investisseurs. «L’hôtellerie sort gagnante de cette crise, assure-t-elle. Aujourd’hui, tout le monde veut faire de l’hospitality, même les immeubles de bureaux. Les investisseurs ne voient plus ce secteur comme une niche, mais ils veulent y prendre des positions plus importantes. »

Les coûts immobiliers

Cet optimisme quant à l’avenir était plutôt partagé par la salle. Un sondage effectué en direct, via les smartphones et auquel ont participé près de 400 personnes (sur les 600) a montré qu’une majorité de professionnels misait sur une progression de l’activité en 2023. Chez In Extenso, Olivier Petit s’est montré plus mesuré en évoquant un «atterrissage » et en pronostiquant des progressions de CA hôteliers rassurantes (+ 6,5% à Paris, + 4,5% sur la Côte d’Azur et 4% en province), mais tout de même
inférieures aux chiffres de 2022.

Quelques hypothèques pèsent néanmoins sur l’avenir de l’hôtellerie. Des intervenants ont souligné les hausses des coûts de l’énergie, mais aussi celles des salaires. Plus globalement les hôteliers doivent faire face à des charges de plus importantes qui rognent leurs marges. Armand Taieb qui a ouvert deux hôtels parisiens l’année passée a ainsi expliqué comment il avait créé le Too Hôtel (Paris 13e) avec le dispositif d’un Befa (bail commercial en l’état futur d’achèvement). Un moyen qui contraint l’hôtelier à être très précis dans son projet.

Un parcours émotionnel

Il a ainsi résumé la complexité du métier d’hôtelier: «On parle souvent de parcours émotionnel, de lifestyle, mais en réalité il y a très peu de parcours émotionnels. Ce n’est pas parce qu’on a fait un café au rez-de-chaussée que c’est devenu un hôtel lifestyle. En réalité, les clients sont de plus en plus habitués à avoir des restaurants, des bars, des spas, des rooftops. C’est devenu une norme. Cela demande une gestion de l’humain extrêmement compliquée.

Dans les projets à venir, si on parle de parcours émotionnel et qu’il n’y en a pas, le prix des chambres va être rapidement orienté à la baisse. L’équation devient assez complexe puisque nous retrouvons entre les prix de l’immobilier qui augmentent et donc de fixer un prix moyen élevé. Mais la seule manière de le faire c’est de trouver des activités qui génèrent de nouvelles dépenses et justifient le prix de la chambre. »