L’hôtellerie française retrouve le sourire

  • Temps de lecture : 6 min

Une étude d’envergure menée par KPMG Hospitality révèle que l’industrie hôtelière, en France, s’est bien remise de la crise sanitaire en 2022. Cette enquête présente également l’émergence de nouveaux produits hôteliers et les désirs d’une clientèle plus soucieuse de l’environnement.

L'Hôtel du Louvre.
L'Hôtel du Louvre. Crédits : Au Coeur du CHR.

L’activité hôtelière française a été frappée par la crise sanitaire, alourdissant ainsi un léger déclin du secteur ressenti en 2019. Mais l’année 2022 est d’ores et déjà une réussite pour l’hôtellerie en France. Les performances enregistrées sont proches de celles observées avant la crise sanitaire. Notre indus-trie de l’hébergement a repris du poil de la bête dès le second trimestre, durant lequel les nuitées d’hôtels étaient presque aux niveaux de 2019 (- 3,3 %). Ce retour des performances d’avant-Covid fut encore plus notable cet été. Ces bonnes nouvelles sont issues de la 45e étude annuelle de KPMG France, intitulée « L’industrie hôtelière française en 2022 ».

Dévoilée le mois dernier, cette enquête de référence s’appuie sur les réponses de 2 .900 hôtels, soit près de 41 % du parc hôtelier français (en chambres). « Le rebond observé s’est opéré en cliquet : la fréquentation domestique a dépassé au second trimestre son niveau d’avant crise mais la présence internationale reste mitigée », précise Stéphane Botz, directeur national Hospitality de KPMG France. L’étude réalisée par le géant de l’audit et du conseil révèle également les nouvelles offres et tendances de l’hôtellerie française. Le tourisme écoresponsable, le slow travel ou encore la notion de « résidentiel géré » répondent de plus en plus aux besoins d’une clientèle particulièrement aisée, avide d’expériences ou de produits créatifs.

Les premier et deuxième trimestres de l’année en cours ont enregistré une forte croissance du nombre de nuitées hôtelières par rapport à 2021. Malgré cette hausse d’activité, le nombre de nuitées relevées lors des deux premiers trimestres de 2022 (environ 91 millions) demeure inférieur de 9 % à celui de 2019. Pour être plus précis, au deuxième trimestre 2022 (T2 2022), si la fréquentation de la clientèle domestique a dépassé son niveau d’avant la crise de 2,5 % (+ 900.000 nuitées), elle n’a pas suffi à compenser la faible présence de la clientèle étrangère (-13,3 % par rapport à 2019).

Les considérations sociales et environnementales impactent de plus en plus les décisions des voyageurs

« L’année 2022 a démarré avec une nouvelle vague de Covid. Pour autant, nous avons observé que la saison de ski a été bonne, note Stéphane Botz. Nous avons assisté à un retour de la consommation touristique sur la destination France, avec un afflux de la clientèle européenne dès la saison hivernale. » Le massif skiable français a en effet vu le retour en force de la clientèle domestique (+ 7,9 % de nuitées entre T2 2022 et T2 2019), alors que la clientèle étrangère (hors Union européenne) n’a pas totalement retrouvé le chemin des pistes enneigées de l’Hexagone cette année (- 12,2 % entre T2 2022 et T2 2019). Malgré tout, le retour des touristes étrangers a été plus rapide qu’espéré.

Une belle saison estivale

« Nous avons assisté à une période d’avant saison estivale très forte auprès de la clientèle domestique, qui s’est démultipliée avec une clientèle long courrier pendant la saison estivale », affirme le directeur national France de KPMG Hospitality.

Concrètement, en juillet et août, le revenu par chambre disponible (RevPAR) – l’un des meilleurs indicateurs de performance pour un établissement hôtelier – a connu une croissance de 22 % par rapport à 2019 en France. Cette croissance s’élève même à plus de 30 % en Île-de-France (voir encadré ci-contre) et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Durant cette période et malgré de forts aléas climatiques, la fréquentation a retrouvé ses niveaux de prépandémie. Les taux d’occupation hôtelière ont, quant à eux, augmenté de 14 points par rapport à l’été 2021 ; et l’hôtellerie française devrait encore surfer sur cette activité retrouvée durant la fin de l’année. « Lorsqu’on discute avec les hôteliers concernant la période automnale, la notion de pick-up [montée en charge des réservations, NDLR] est assez importante. Il y a un léger essoufflement en termes de prix moyen mais la clientèle est là », souligne Stéphane Botz.

Écoresponsabilité, résidentiel géré… les nouvelles attentes

Nous avons parfois été frustrés par les restrictions de la crise sanitaire. Cela explique un phénomène de rattrapage de nombreux voyageurs, et donc une course effrénée aux destinations et aux sites touristiques. Si le phénomène de « surtourisme » est une réalité, « les considérations sociales et environnementales impactent de plus en plus les décisions des voyageurs », selon cette enquête. Un modèle « plus solidaire, durable et responsable » gagne en popularité, précise l’étude de KPMG, décrivant ainsi des tendances relevant du « tourisme de demain ». Cette appétence se traduit par « l’adaptation de l’industrie hôtelière aux nouvelles attentes post-Covid des clientèles en quête d’une meilleure qualité de vie, ainsi qu’au travers du développement de concepts plus nature et de l’hôtellerie de plein air », remarque Stéphane Botz.

Sur le segment de l’hôtellerie haut de gamme, le désir de plus de simplicité se fait également sentir. L’approche du luxe serait passée de « la consommation d’un espace à la recherche d’expérimentation », détaille l’étude. Alors que les vacanciers changent fréquemment de logement pour s’adapter à leur vie familiale et professionnelle, les « résidences gérées » (offres hybrides entre l’hôtellerie et le résidentiel traditionnel) répondent à des besoins qui ont été accélérés par la pandémie. Parmi ce marché résidentiel, le Build-to-Rent (BTR) – construction de résidences développées pour de la location exclusivement – semble amorcer son développement en France.

Pierre Barrelet, le directeur Real Estate Investment Platforms de Bouygues Construction, estime, quant à lui, que « si les résidences de BTR ont des similitudes avec le coliving (espaces communs partagés, digitalisation, organisation d’événements, etc.), l’intensité des services demeure en général plus limitée […] Plus la résidence sera grande, plus il sera possible d’envisager des équipements et services développés ». Plus concrètement, une tendance de fond dans l’hôtellerie fait émerger de nouveaux produits hybrides entre hôtels et maisons de vacances. Et quelle que soit sa forme – meublé avec services, résidence hôtelière urbaine, résidence étudiante ou sénior – le modèle du « résidentiel géré » gagne du terrain dans le marché de l’hôtellerie.

La Ville Lumière reprend aussi des couleurs

« Depuis mi-avril à Paris, nous avons observé une remontée de l’activité qui s’est traduite par une mise à niveau des taux d’occupation et une augmentation des prix moyens. Cela permet de dire que l’année 2022 est bonne et même très performante », confirme Stéphane Botz, directeur national de KPMG Hospitality. La capitale française, et plus globalement la région parisienne, est une locomotive pour l’activité hôtelière française. L’Île-de-France concentre 24 % des chambres recensées dans notre pays. L’augmentation des prix moyens dans les hôtels à Paris a été estimée à 35 % durant l’été 2022, par rapport à ceux de l’été 2019.

Si Paris a fait le plein lors de la dernière saison estivale, les hôtels de banlieue ne sont pas à exclure : « la périphérie a fait une saison correcte en août », estime Stéphane Botz. Et cette tendance devrait se confirmer les prochaines années. « Les quartiers de périphéries et zones aéroportuaires séduisent de plus en plus les investisseurs », note l’étude de KPMG, citant Saint-Ouen, Pantin, Orly et Roissy. Dans cette dernière ville, la société d’audit projette une croissance de 20 % du nombre de chambres à l’horizon 2025.

PARTAGER