La grande interview : Catherine Quérard, présidente du GHR

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Les vagues de travers ne manquent pas dans l’univers de l’hôtellerie et de la restauration : difficulté de rembourser les PGE, investissements en replis, recrutement difficile, menace sur l’apprentissage, inflation, vers une taxation des pourboires… Face à cela, un seul mot d’ordre pour Catherine Quérard : pérenniser la compétitivité des entreprises. Des solutions existent.

©FL/Au Coeur des Villes

Quel regard portez-vous sur 2024 ? Plutôt compliquée… 

C’est d’abord une année très riche syndicalement parlant, en ce qui me concerne. Je suis ainsi passé de la présidence du GHR Grand Ouest à celle du syndicat national voilà un an. Cela dit, pour répondre à votre question, après un début plutôt satisfaisant, elle s’est révélée chaotique : dissolution, élections législatives, censure… Nous avons attendu durant plus de deux mois la nomination d’un 1er ministre. Pendant ce temps-là, tous les dossiers étaient à l’arrêt. Ce qui continue aujourd’hui peu ou prou. Après de magnifiques Jeux Olympiques et Paralympiques, nous espérons toujours pouvoir capitaliser dessus malgré cette période politique pour le moins confuse. Nos adhérents, comme l’ensemble des acteurs du CHR, ont besoin de stabilité, de visibilité afin de pouvoir se projeter.

Vous tirez le signal d’alarme 

Oui, il y a urgence. Les difficultés rencontrées actuellement par les restaurateurs et les hôteliers ne sont que les conséquences à la fois de la pandémie et de la guerre en Ukraine. Nous sommes toujours en phase de remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE). Une contrainte de taille, et notre rôle est d’accompagner les entreprises concernées.

Si nous ne sommes plus en capacité de réaliser des investissements, alors la machine s’arrête.

Le PGE nous a sauvé mais nous savions dès le début que la période d’amortissement serait trop courte. Avec la baisse d’activité, un effet ciseaux est apparu. La Banque de France a dégradé la note de nos activités. Résultat, cela nous empêche d’obtenir des prêts et donc d’investir dans l’inclusion, la transition écologique, la formation… Si nous ne sommes plus en capacité de réaliser des investissements, alors la machine s’arrête. Un autre danger nous guette également si nous n’agissons pas, c’est celui de la taxation des pourboires en 2025. Le fait de les dématérialiser est une bonne chose, mais ils ne doivent pas être soumis à des charges sociales.

Le saviez-vous ? La France, c’est :

30.000

cafés

160.000

restaurants

18.000

hôtels

Face à cette conjoncture, quelles solutions préconisez-vous ? 

Tout d’abord, il faut pérenniser la compétitivité des entreprises, notamment en installant une équité fiscale entre tous les acteurs. Je pense naturellement aux hébergements touristiques meublés. Ensuite, poursuivre et développer l’attractivité de nos métiers. Une démarche primordiale pour assurer notre avenir à moyen et à long terme.

De grâce, Mesdames et Messieurs les politiques ne cassez pas l'apprentissage…

Jusqu’à présent, nous n’avons pas suffisamment travaillé cette question auprès des jeunes, dont beaucoup partent à l’étranger, et aussi auprès des entrepreneurs. N’oubliez pas que les jeunes totalisent 40 % de notre masse salariale. La promotion de nos métiers passe aussi par l’apprentissage. En 2023, nous avions 40 000 apprentis. Nous avons toujours défendu cet outil, lequel fonctionne très bien jusqu’à présent. De grâce, Mesdames et Messieurs les politiques ne le cassez pas.

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« Le législateur doit libérer l’emploi, simplifier les normes et réformer le bonus-malus. » ©DR

Cela étant dit, une autre question est la suivante : comment former les chefs d’entreprises aux changements sociétaux ? Parallèlement, le législateur doit libérer l’emploi, simplifier les normes et réformer le bonus-malus. Les sociétés employant des CDDU (contrat à durée déterminée d’usage) sont désavantagées en payant plus de charges. Sans oublier de mieux encadrer les emplois d’auto-entrepreneur.

Sans oublier, également, le problème du logement

Absolument. Les salariés ont de plus en plus de mal à trouver de quoi se loger dans la ville où ils travaillent. Paris en est le meilleur exemple.

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« La loi Le Meur permet une meilleure harmonisation fiscale entre les meublés et les non meublés. » ©DR

Ils habitent de plus en plus loin, ne peuvent pas emprunter les transports en commun du fait de leurs horaires décalés, etc. Il est impératif de stabiliser l’offre entre les meublés touristiques et les logements non meublés, comme je l’évoquais précédemment. La loi Le Meur va dans le bon sens car elle rééquilibre l’offre dans les zones touristiques. Elle permet également une meilleure harmonisation fiscale entre les meublés et les non meublés. C’est une première étape, car le travail n’est pas achevé. Le fait d’être bien logé et de bien se nourrir sont des droits inaliénables pour bien vivre. Des droits qui doivent être sanctuarisés. C’est une priorité. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas payer de loyer.

L'éco-responsabilité et l’inclusion répondent aux attentes de plus en plus grandes des touristes.

Par ailleurs, il nous faut accélérer dans la transition écologique même si les moyens financiers manquent. Car l’Etat a fixé l’objectif France 2030. C’est demain. Dès lors, nous devons améliorer sérieusement notre impact environnemental. Un premier guide pour aider nos adhérents à réussir ces changements a été publié cette année. En 2025, nous en éditerons un second. Il permettra à l’entrepreneur de réaliser un autodiagnostic de sa société. L’éco-responsabilité et l’inclusion répondent aux attentes de plus en plus grandes des touristes. Cela renforce l’attractivité du pays.

Quel regard portez-vous sur l’IA ? 

Comment améliorer le quotidien des entreprises et de leurs équipes ? Comment, également, se battre contre les effets pervers, notamment ceux issus des plateformes ? Booking.com est le premier client de Google et il est difficile de se battre contre eux. Une des solutions est de protéger les marques, mais aussi la propriété commerciale. Il est impératif de moraliser la conduite de ces plateformes. C’est à la fois un problème français mais également européen. Néanmoins, nous devons à notre tour apprivoiser l’IA. Un site de réservation B&B a déjà été créé en partenariat avec Hotrec, une association européenne représentant les hôtels, cafés et restaurants. Défendre le CHR, c’est défendre l’attractivité du pays, son savoir-faire et son art de vivre.

Quel sera le mot d’ordre du GHR en 2025 ? 

Notre signature pour la l’année qui s’annonce sera : “Partir pour la croissance”. Mon objectif, comme celui des équipes, est de construire. Plus nous partagerons, plus nous serons entendus par la profession et les politiques. Du reste, je suis pour un syndicat de propositions et non d’opposition. C’est toujours dans le dialogue et dans les échanges que les positions évoluent. Nos métiers ne sont pas uniformes. Notre devoir est de tenir compte des spécificités locales de nos régions, de leurs caractéristiques. C’est l’essence même du rôle du GHR. Pour autant, ces singularités régionales n’empêchent pas de progresser. Bien au contraire. C’est une richesse qu’il faut conserver et développer.

©DR

Vers un travail à la carte. Pour Catherine Quérard, présidente du GHR, il faut libérer le travail, le rendre plus souple. Et de suggérer l’idée suivante. « Il faudrait pouvoir travailler à la carte. A savoir, donner la possibilité de faire varier le temps de travail hebdomadaire, selon les saisons et les événements. » Autrement dit, le salarié pourrait travailler 15 heures durant une semaine, puis 48 heures la suivante. « Parallèlement, ce système permettrait d’éliminer le jour de carence, sans perte de salaire.» Pourquoi pas mais il est peu probable que les syndicats des salariés puissent adouber un tel schéma. A suivre.

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