À Paris et à Marseille, la colère gronde chez les restaurateurs

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L’annonce gouvernementale de l’interdiction totale d’ouverture des bars et restaurants à Marseille et de l’anticipation de fermeture à 22 heures des bars dans les grandes villes françaises, a provoqué une levée de bouclier. Dans la capitale comme dans la cité phocéenne, les restaurateurs sont descendus dans la rue avec le soutien des élus locaux.

L’annonce par Olivier Véran, ministre de la Santé, le 23 septembre, de nouvelles mesures pour endiguer la seconde vague de l’épidémie de Covid-19 a semé le désarroi dans les cafés et restaurants. Deux de ces mesures concernent directement cette profession. À compter du 28 septembre, les bars et restaurants de la métropole Marseille-Aix-en-Provence et de la Guadeloupe sont totalement fermés. Le ministre a également ordonné à partir de cette date la fermeture des bars dans les zones d’alerte renforcées. Paris, mais aussi Bordeaux, Lyon, Nice, Lille, Toulouse, Saint-Etienne, Rouen, Grenoble et Montpellier sont placées en zone d’alerte renforcée.

Cette annonce a heurté la profession qui ne s’attendait pas à des décisions de cette ampleur. Didier Chenet, président du GNI (Groupement national des indépendants), a fustigé les « mesures unilatérales » du Gouvernement et a dénoncé « une décision arbitraire » qui « stigmatise les exploitants ». Il redoute qu’une telle mesure soit adoptée à Paris et dénonce d’ores et déjà une décision qui va engendrer la mort de plusieurs centaines d’établissements entre Aix-les-Bains et Marseille. « On ouvre les parapluies plus grands que les parasols », s’est insurgé, quant à lui, Bernard Marty, président de l’Umih Bouches-du-Rhône. Son secrétaire général, Frédéric Jeanjean, patron des Templiers, a été encore plus critique en déclarant : « je pense que l’action du gouvernement aura été encore plus néfaste que la Covid 19 ».

À Paris, les syndicats montent au créneau

Bien que moins impactés, les Parisiens s’interrogent. Déjà condamnés à une activité réduite pour la plupart, ils voient l’équilibre économique de leurs entreprises menacé. Pour Arthur Garreau, patron des Parigots (Paris 10e) : « C’est bien simple, j’ai appris la nouvelle dans les médias et mes équipes s’interrogent sur leur avenir. Fermer à 22 h, cela équivaut à me priver d’un deuxième service dont le chiffre d’affaires avoisine les 1500 € ».

Marcel Bénézet, président de la branche Cafés brasseries du syndicat GNI / Photo Vianney Loriquet

Les syndicats professionnels sont rapidement montés au créneau. Dans un communiqué commun le GNC, le GNI, le SNRTC et l’Umih demandent le retrait immédiat de ces décisions et menacent d’attaquer les décrets préfectoraux qui découleront de cette annonce ministérielle devant les tribunaux si besoin. La teneur de ces textes sera suivie de près. Selon Franck Trouet, directeur du GNI, l’application de la fermeture des bars devrait vraisemblablement concerner les établissements assujettis au code Naf des débits de boissons. Par ailleurs, selon Marcel Bénézet, président de la branche Cafés brasseries du syndicat, une obligation de fermeture à 22h se traduirait dans la pratique par une évacuation totale des clients de l’établissement à 22 heures, soit un arrêt des prises de commandes vers 21h30.

Une manifestation jeudi 24 septembre dans le 11e arrondissement

Jeudi, 24 septembre, à l’appel du GNI Ile-de-France, une centaine de restaurateurs étaient réunis devant la mairie du 11e arrondissement de Paris. Conduits par Pascal Mousset, le président régional du syndicat et Marcel Bénézet, président de la branche cafés brasseries, ces professionnel ont symboliquement déposé les clés de leurs établissement devant l’édifice et déversé une bouteille de vin sur le sol.


Les manifestants ont répandu vin rouge et clés d’établissements en guise de protestation. Photo Vianney Loriquet

Dans les rangs de ces manifestants pacifiques, l’incompréhension dominait. « Avec 5 à 40 % de CA en moins, nos établissements ne sont déjà plus viables. Alors en plus si on nous oblige à fermer à 22 heures… Certains collègues sont déjà au bord du suicide », tempête Cathy Mounié, patronne des Fabricants (Paris 11e). Excédée, cette femme qui n’est jamais descendue manifester de sa vie, demande à l’Etat de prendre ses responsabilités : « Qu’on nous ferme, qu’on nous indemnise, mais qu’on cesse cette hypocrisie ! »

Cathy Mounié, patronne des fabricants (11e) / Photo Vianney Loriquet

Pour d’autres manifestants, c’est l’expression « d’un ras le bol ». Talel, gérant du Petit Clou estime que la fermeture à 22 heures ne représente qu’une tracasserie de plus : « On nous impose déjà des règles impossibles, un peu comme si on voulait nous pousser à la faute. Je suis venu protester avant tout contre les contrôles répétitifs imposés depuis trois semaines par les forces de l’ordre dans le 11e arrondissement. »

Parmi les protestataires, on pouvait apercevoir quelques figures de la restauration parisienne comme Pascal Ranger, propriétaire de plusieurs adresses parisiennes. Ce restaurateur est victime d’une baisse de 30 à 40 % du CA de ses établissements. Il ne comprend pas ce nouveau tour de vis : « Pourquoi arrêter notre activité alors qu’on laisse voler le avions et rouler les trains et les ? Pourquoi 22 h ? C’est la peur qui nous gouverne ! »

Pascal Mousset président du GNI Ile-de-France relaie l’incompréhension générale de ses adhérents : « On a laissé les jeunes s’ébattre durant trois mois sur les pelouses des Invalides ou les quais de Seine et désormais on veut nous abattre. Nous nous dirigeons vers la faillite de milliers d’entreprises. Je regrette que durant six mois les autorités n’aient rien appris et ne sachent toujours pas comment vivre avec ce virus. » 


Pascal Mousset, président du GNI Île-de-France. / Photo Vianney Loriquet

Le soir même le Premier ministre Jean Castex a annoncé une série d’aides compensatoires destinées au CHR. De nouvelles exonérations de charges sociales pourraient être accordées aux restaurateurs qui sont de nouveau obligés de fermer. Il a également annoncé que l’aide du fonds de solidarité sera porté de 1 500 à 10 000 € mensuels. Il semble que ces annonces n’aient pas été nature à calmer la colère du président de l’Umih des Bouches-du-Rhône (voir encadré) qui les a qualifiées « de mesurettes » et annoncé :« Il va y avoir à Marseille un mouvement social de grande ampleur, les cafetiers et les restaurateurs ne vont pas se laisser faire. »

Déjà des appels à la désobéissance fusent à Marseille et dans certaines villes du sud de la France alors que les décrets préfectoraux détaillant les décisions gouvernementales n’ont pas encore été publiés. Les syndicats s’efforcent de leur côté de négocier des aménagements. Le ton monte et le déplacement d’Olivier Véran, aujourd’hui (vendredi) à Marseille s’annonce houleux.

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