Extensions de terrasses : beaucoup de candidats, mais peu d’élus
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La mairie de Paris commence à rendre des réponses aux demandes d’extension de terrasse estivale ou permanente. À la lumière du nouveau règlement voté en juin dernier, les conditions d’occupation sont beaucoup plus restrictives que durant la crise sanitaire.
Les extensions de terrasse accordées par la mairie de Paris au lendemain du 1er confinement avaient fait naître beaucoup d’espoir chez les cafetiers et restaurateurs. Mais depuis la fin d’octobre, la municipalité conditionne ces nouvelles terrasses à des autorisations. Selon l’avocat spécialisé, Philippe Meilhac, les premières réponses formulées par la Ville ne font pas que des heureux. « De nombreux exploitants sont venus me voir après que leur demande a été refusée par les services de voirie, explique-t-il. Ils pensaient pourtant que la reconduction de l’autorisation accordée en 2020 et en 2021 serait automatique. »
Ces refus concernent aussi bien les contre-terrasses positionnées sur les places de stationnement devant l’établissement (qui peuvent être permanentes) que les installations estivales (terrasses ou contre-terrasses) dont les conditions d’exploitation sont plus larges. À la fin d’octobre, Olivia Polski, adjointe au commerce à la mairie de Paris, indiquait avoir reçu 7 500 demandes de professionnels pour 8 000 terrasses estivales et 1 500 terrasses permanentes. Initialement, les réponses aux demandes d’autorisation de ces dernières devaient intervenir avant le 1er novembre. Mais les services municipaux, débordés par l’afflux, répondent progressivement. Les refus sont assez fréquents, le plus souvent motivés par le règlement des terrasses.
Les restrictions
Mis en place en juin 2011, le règlement des terrasses a été modifié en juin 2021, afin d’intégrer et d’encadrer la présence de ces extensions de terrasse. Il prévoit notamment qu’aucune implantation sur stationnement n’est possible sur une longueur de 5 m en amont d’un passage protégé. Un article qui anéantit les espoirs de beaucoup de candidats à l’installation d’une contre-terrasse. Mais la liste des restrictions est beaucoup plus longue. Comme le relève maître Meilhac :« Elle englobe les places de livraisons et toute une série d’emplacements » (voir encadré). En clair, seules les places de stationnement automobile payantes peuvent être occupées par les extensions de terrasse.
Mais ce n’est pas la seule limite faite aux extensions de terrasse. Les demandes sont soumises à l’avis de l’urbanisme, la voirie, mais aussi du préfet de police qui est déterminant. Et s’agissant des demandes de contre-terrasse sur stationnement, la Ville est tenue de refuser la demande en cas d’avis défavorable de la préfecture.
« Au-delà des procédures pénales et amendes administratives, la Ville peut engager des sanctions administratives. »
L’avocat regrette que le règlement reprenne des dispositions qu’il juge trop générales. Tout particulièrement l’article DG.5 qui permet à la Ville d’opposer des refus sur le motif très vague des« conditions locales de circulation ».
Le passif avec l’exploitant et l’existence de nuisances peut aussi jouer. Ainsi, de nombreux restaurateurs se sont vu refuser des autorisations sur ce seul motif.
Cette disposition introduit un pouvoir discrétionnaire dans l’attribution des autorisations. Elle serait utilisée dans les endroits où la pression des associations de riverains est particulièrement forte, et les nuisances reprochées à l’exploitant souvent« supposées et non établies »,ajoute Maître Meilhac qui rappelle que le règlement permet de justifier un refus d’autorisation sur le« risque »de nuisances (critère pour le moins subjectif) ou l’existence de nuisances commises par le précédent exploitant, avec lequel le nouveau n’aura aucun lien.
Les sanctions
L’avocat relève encore qu’un récent rapport de« Bruit Paris »montre que l’exploitation des terrasses estivales n’est pas – loin s’en faut -la seule cause de nuisances sonores. Car dans de nombreux quartiers de la Capitale le niveau sonore excède les normes exigées par l’OMS à toute heure du jour et de la nuit y compris après la fermeture des établissements ! Il faut aussi mentionner l’arsenal de sanctions renforcées qui découle du nouveau règlement.« L’article DG.20 a été réécrit,détaille maître Meilhac.Ainsi au-delà des procédures pénales (tribunal de police) et amendes administratives, la Ville peut engager des sanctions administratives »*.
Ces sanctions administratives comportent une batterie d’amendes autrement plus dissuasives que les traditionnels PV judiciaires. Elle peuvent aller de 38 € à 135 € d’amende. De fait si une terrasse présente un risque pour la sécurité des personnes, une amende maximale de 500 € peut être exigée. Et l’exploitant doit alors démonter la terrasse à ses frais. Une amende maximale de 15 000 € peut être infligée pour une terrasse abandonnée et les frais de démontage peuvent être facturés à l’exploitant. Voilà qui relativise la générosité de la mairie de Paris à l’égard des CHR. La transition est brutale. Au lendemain du 1er confinement, la Ville a permis aux exploitants de procéder à leurs installations moyennant des demandes informelles par voie électronique à partir d’un compte« myparis.fr ».
Un nouveau règlement
Un an plus tard, après avoir voté le nouveau règlement, la mairie a invité les exploitants à procéder à des demandes beaucoup plus détaillées sans pour autant procéder à des refus. Désormais, la Ville applique le nouveau règlement. L’espace accordé aux cafés et restaurants risque donc de fort de se réduire à la manière d’une peau de chagrin. Il sera intéressant de voir dans quelques mois quelle proportion des 9 000 demandes formulées aura été satisfaite.« D’ici au 1er avril prochain, on peut aussi craindre une modification de l’espace public ne permettant plus l’installation des dispositifs estivaux (plantage d’un arbre, création d’une aire de stationnement pour les vélos ou les motos, ce qui satisfera les riverains »,prédit l’avocat.
*Après une mise en demeure de se mettre en conformité dans un délai de 10 à 15 jours selon la gravité du manquement constaté :
– un avertissement écrit ;
– une restriction des horaires d’installation de l’emprise pour des durées (maximales) variables, de 15 jours à 1 mois ;
– une suspension temporaire de l’installation jusqu’à 15 jours ou 1 mois ;
– un retrait de l’autorisation sans possibilité de renouvellement pendant 3 ans.
Deux poids, deux mesures sur la largeur du passage
Le nouveau règlement est plus souple pour une extension de terrasse estivale sur le trottoir que pour les terrasses permanentes classiques. Ces dernières doivent laisser un passage pour les piétons de 1,60 m et ne pas utiliser plus de la moitié de la largeur du trottoir. Une terrasse estivale doit aussi laisser un passage d’1,60 m, mais ne subit pas d’autre limite. Ainsi sur un trottoir de 5 m de large, une terrasse classique ne peut occuper qu’une largeur de 2,50 m alors qu’une terrasse estivale peut s’étendre sur 3,40 m.
Les emplacements interdits
Selon l’article P1-3.3, aucune installation n’est autorisée sur un emplacement de stationnement à statut particulier : personnes en situation de handicap (grand invalide civil, grand invalide de guerre), livraison, taxi, station de vélos, trottinettes, Mobilib’, emplacement de recharge pour les véhicules électriques, transports de fonds, motos, scooters.