Face à l’interdiction, des solutions se profilent

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La loi est promulguée depuis cet été. Les restaurants, bars et hôtels français ne pourront plus utiliser de chauffage en terrasse. Mais les fournisseurs proposent toujours des matériels chauffants, que les CHR sont en droit d’utiliser jusqu’au 31 mars 2022. Un décret précisera bientôt les conditions d’application de cette interdiction.

Alertés depuis quelques années par une probable interdiction des terrasses chauffées, les professionnels de la restauration vont devoir désormais présenter une alternative à leur clientèle. La loi Climat et Résilience, publiée le 24 août 2021 au Journal officiel, précise désormais que « l’utilisation sur le domaine public de systèmes de chauffage ou de climatisation consommant de l’énergie et fonctionnant en extérieur est interdite ». Mais cette mesure législative entrera en vigueur seulement à partir du 31 mars 2022. Le corapporteur du texte de loi Mickaël Nogal (LREM) a accordé un délai à travers un amendement, reconnaissant que le secteur des bars et des restaurants est « particulièrement sinistré ». Si les CHR ont pris conscience de l’adoption de cet article de loi visant à diminuer la consommation d’énergie, ils sont nombreux à vouloir bénéficier de ce délai hivernal pour utiliser encore le chauffage en terrasse. C’est que confirme Christophe Demarest, directeur général de la société E-Terrasses : « L’année dernière, en 2020, les restaurateurs savaient que le chauffage en extérieur serait bientôt interdit, mais ils en ont tous acheté. Le chauffage en terrasse apporte un gain de clientèle. D’octobre à mars, durant la prochaine saison d’hiver, nos clients n’imaginent pas voir leur activité baisser. Donc ils continuent d’acheter encore du chauffage de terrasse. »

Le chauffage continue… jusqu’en mars 2022

Certaines entreprises spécialisées sont engagées dans une démarche plus écoresponsable depuis un certain temps. « Les granulés de bois ont été retenus dans le RT 2012, ils ont vocation à être brûlés. Cela représente 15 fois moins d’émissions de gaz à eff et de serre », estime Christophe Demarest. « Une terrasse non chauffée, ça va être compliqué pour les bars et les restaurants. Même pour six mois, il y aura toujours un marché », poursuit le directeur commercial d’E-Terrasses Christophe Boulard, dont l’enseigne a « délaissé le gaz et l’électricité » pour basculer vers le chauffage à pellets (copeaux de bois) depuis deux ans. Ce type de chauffage serait d’ailleurs six fois plus économique que le chauffage au gaz. « De plus, il est beaucoup plus facile et moins dangereux de stocker des sacs de granulés de 15 kg plutôt que des bouteilles de gaz difficiles à manipuler », précise l’entreprise dans un communiqué. D’autres fournisseurs proposent des produits de chauffage plus traditionnels – au gaz – ou à l’électricité infrarouge, afin de satisfaire la demande. « Nous répondons toujours à nos clients tant que nous n’avons pas d’interdiction de poser ces installations, confie Sonia Ouled Bouarif, assistante administrative et commerciale de la Maison Grock, spécialiste du mobilier pour les professionnels de l’hôtellerie restauration. Notre activité risque d’être diminuée mais pour l’instant nous n’y avons pas réfléchi. » Une réflexion qui reste floue pour les acteurs du secteur aujourd’hui. Alors que les conditions de l’interdiction du chauffage en extérieur « seront précisées par décret », le co-rapporteur du projet de loi Mickaël Nogal avait lancé sur Twitter qu’après mars 2022, « on se mettra en terrasse avec un petit plaid ».

Plaid-couvertures : une possibilité problématique 

L’article 181 de la loi dite Climat et Résilience précise uniquement que l’interdiction du chauffage en extérieur concernera les systèmes « consommant de l’énergie ». Cela exclut donc toutes les installations, qu’elles fonctionnent à l’électricité ou par combustion. Dans ces conditions, il semble difficile d’imaginer autre chose, pour l’instant, que les plaids ou les couvertures pour se maintenir au chaud dehors. « C’est une réflexion que nous avons depuis longtemps, elle reste aujourd’hui la solution la plus adaptée aux clients des terrasses », estime Romain Coisne, associé-gérant de Comptoir textile hôtelier, qui travaille principalement avec des restaurateurs et des hôteliers indépendants. Si l’entreprise située à Fretin (Nord) n’a pas attendu la nouvelle loi pour proposer des plaids, l’utilisation de ses produits a été très rapidement suspendue par la pandémie de Covid-19. Depuis 18 mois, la vente de ses plaids en polaire ou en microflanelle a été fortement réduite. « Nous avons aussi une deuxième problématique. Il n’y a pas de production de polaire en Europe, mon fabricant français fait de l’import asiatique et il a un gros souci d’approvisionnement sur la fibre de polyester. Le coût de la fibre, qui nécessite un traitement chimique drastique, et les contenants asiatiques ont augmenté », ajoute Romain Coisne. Une couverture en polaire de petite dimension est vendue aujourd’hui entre 15 et 16 € HT par la société spécialisée dans la vente de textile. Le prix serait double s’il fallait les concevoir à partir d’une fibre tissée en France : « Et peu de clients risquent d’investir sur cela », avance le gérant de l’enseigne. Par ailleurs, si la situation sanitaire ne s’améliore pas d’ici à mars 2022, la question même des plaids sera aussi sujette à caution dans le contexte sanitaire actuel. « Nous en avons discuté avec les restaurateurs… et au niveau de l’hygiène, ce n’est pas exceptionnel », note Stéphane Morié, gérant de Star Progetti. Les restaurants et les bars pourront encore utiliser des parasols chauffants et autres braseros sur leurs terrases durant l’automne et l’hiver prochains. Selon l’article de la loi Climat et Résilience portant sur l’interdiction du chauffage extérieur, « les conditions d’applications » seront « précisées par décret ». Comme le révèle le site Actu-Environnement, le ministère de la Transition écologique a expliqué que « le projet de décret permettra d’identifier les cas nécessitant une attention particulière pour la mise en œuvre de l’interdiction ou l’accompagnement ». Pour cette raison, les fournisseurs de matériels chauffants destinés aux CHR restent confiants. « Ce que la loi ne dit pas est qu’il existe des produits écologiques. Il y a trois ans, on ne savait pas que les poêles à granulés existaient. On pourrait se battre avec la loi, tout cela peut se débattre », juge Christophe Demarest, à la tête d’E-Terrasses.

En proposant depuis plusieurs années des systèmes de chauffage à rayons infrarouges qui ne dégagent pas de CO2, Star Progetti considère avoir fait sa transition écologique. « Reste à savoir si un amalgame sera fait entre un chauffage au gaz et un chauffage électrique. La loi ne le précise pas », constate Stéphane Morié, gérant de Star Progetti France. Avec les chauffages à rayons infrarouges de l’enseigne italienne, « la chaleur reste localisée dans les zones où les personnes se trouvent et ne se perd pas dans les plafonds ou d’éventuelles ouvertures ». En outre, ce système, pouvant être connecté à un régulateur et utilisé avec un détecteur de présence, « chauffe les masses et non l’air », ajoute Stéphane Morié. Les différents avantages de la technologie des produits Star Progetti étaient d’ailleurs présentés lors du dernier Sirha, à la fin septembre, à Lyon.

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