L’ère du chauffage touche à sa fin

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Même décalée à avril 2022, la fin du chauffage en terrasse est une réalité à laquelle il vaut mieux se préparer dès à présent. Alors que l’incertitude plane toujours sur les modalités exactes d’application de la loi Climat sur le sujet, « La Revue des comptoirs » s’est penchée sur des alternatives sans risque.

Dans un contexte déjà compliqué par la situation sanitaire, l’interdiction des chauffages en terrasse fait un peu figure d’arlésienne ces deux dernières années pour les CHR.

Après l’annonce tonitruante de son interdiction par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili en juillet 2020, un premier report avait été consenti pour laisser le temps à la profession de reprendre pied après des mois de fermeture. Un an plus tard, le Gouvernement fait toujours le même constat : l’état de santé des cafés, hôtels et restaurants reste trop préoccupant pour les priver en plus de leur chiffre d’affaires en terrasse cet hiver. Les députés ont ainsi consenti à décaler l’entrée en vigueur de la mesure au 1er avril 2022.

À force de reculer pour mieux sauter, on en oublierait presque de penser à des alternatives pour offrir aux clients une bonne raison de rester fidèles aux terrasses. Selon la profession, ces consommations représentent en moyenne 30 % de chiffre d’affaires, un apport non négligeable. Si la fréquentation à l’extérieur en hiver est, il faut le reconnaître, davantage le fait des fumeurs (38 % * s’opposent à la suppression du chauffage en extérieur), les habitudes de consommation se sont installées et contribuent aussi à animer les centres-villes pendant les mois moroses. Voici quelques idées pour concilier la fin d’une pratique objectivement néfaste pour l’environnement et la sauvegarde de l’activité des CHR.

Aménager une terrasse 4 saisons

L’objectif principal est de rentabiliser l’installation tout au long de l’année. Il convient donc d’identifier les contraintes de sa terrasse : très ensoleillée et chaude en été ou au contraire à l’ombre et sujette aux courants d’air pendant la mauvaise saison, possibilité d’une emprise au sol, interdictions liées à la zone de chalandise… De manière générale, l’enjeu de l’aménagement d’une terrasse est d’isoler l’espace au maximum en le ceinturant et en le couvrant. « En hiver, la problématique principale est de contenir la chaleur sur la terrasse, et ce, qu’il y ait un chauffage ou non finalement. Quand on y réfléchit, c’est de toute façon vain de vouloir chauffer une terrasse qui se trouve en plein courant d’air », estime Kévin Kohler, président de l’entreprise Vulcano, spécialiste des appareils de chauffage. Les paravents télescopiques présentent l’avantage de s’adapter à toutes les situations. Les parois, modulables en hauteur, permettent à la fois de faire circuler l’air en été pour ventiler la terrasse, et d’isoler l’espace sur les côtés en hiver. « Associés à un bon système de couverture, des parasols ou idéalement un store double pente et un lambrequin qui descend à 2 m du sol pour rejoindre le haut du pare-vent, s’avèrent une solution plus modulable et légère qu’une pergola, qu’il est souvent impossible d’installer, surtout en centre-ville, note Florestan Berthon, directeur commercial de l’entreprise Abriglass, spécialiste du vitrage. Idéalement, les pare-vent doivent être fixés au sol, mais nous avons développé des alternatives avec des plateaux de lestage qui peuvent être installés n’importe où. » Une solution sur roulette est aussi proposée ( lire encadré produit), permettant à la fois de moduler l’aménagement de la terrasse à loisir, mais aussi de remiser les paravents pour libérer l’espace public. Pour rappel, toute implantation sur le domaine public, que ce soit un parasol, des pare-vent, une pergola… implique d’obtenir une autorisation d’occupation temporaire (AOT) auprès de la ville, chacune disposant de ses propres critères. Si le local dépend d’une copropriété, des démarches auprès d’elle sont aussi à prévoir. « Il existe localement des restrictions concernant les coloris ou les hauteurs de paravents. Pour rappel, une paroi de 1 50 m de haut protège essentiellement la table située juste derrière. Mécaniquement, plus on aura de hauteur, meilleure sera la protection pour l’ensemble de la terrasse, rappelle notamment Florestan Berthon.

Pour autant, ces produits étant assez nouveaux, ils font pour l’instant l’objet de peu de restrictions. » Renseignez-vous donc avant de vous lancer dans un projet.

Chauffer autrement avec les appareils à granulés

Jusqu’à présent, les dispositifs de chauffage extérieur utilisaient majoritairement le gaz ou des résistances électriques, occasionnant un rejet de CO2 non négligeable équivalant à trois tours du monde en voiture par an pour une terrasse équipée de cinq appareils. Face à la grogne montante contre ces appareils qualifiés d’« aberration écologique » et prochainement interdits, des chauffages de terrasses aux granulés ou pellets de bois se présentent comme une alternative plus respectueuse.

La technologie, directement héritée de celle des poêles d’intérieur à granulés, génère beaucoup moins de pollution que les chauffages de terrasse au gaz. « Certes il y a de la combustion, mais les émissions sont nettement plus faibles [ jusqu’à 10 fois moins selon des données de l’Ademe – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, NDLR] », explique Kévin Kohler chez Vulcano. La chambre de combustion hermétique et le très faible taux d’humidité contenu dans les granulés permettent un rendement optimal. « C’est aussi très intéressant au niveau du coût d’utilisation : un sac de 10 kg de granulés à 4 € assure environ 8 h de chauffage alors qu’il faut environ 30 € de gaz en bouteille pour la même durée. » En contrepartie, l’entretien est légèrement plus contraignant, notamment le vidage régulier du cendrier et le nettoyage de la vitre, mais n’excède pas « 5 min par appareil à l’allumage ». Une solution rêvée sur le papier…

Seul hic, son utilisation en terrasse reste suspendue au décret d’application de la loi Climat. Même les professionnels restent pour l’instant dans le flou. « Certains pays voisins comme la Suisse et l’Autriche ont un peu d’avance sur nous et ont déjà autorisé les pellets de bois comme alternative pour chauffer les terrasses. C’est d’ailleurs en ce sens que nous avons écrit au ministère de la Transition écologique pour lui demander d’étudier la question, explique Kévin Kohler, de la société Vulcano. On s’imagine mal qu’il ne puisse pas proposer une alternative aux professionnels de la restauration quand on sait que la terrasse représente une part importante de leur chiffre d’affaires. » L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) s’était déjà associée à cette branche professionnelle l’année dernière pour plaider en faveur de ces appareils auprès du ministère. « Ce matériau est un déchet qui sera de toute façon brûlé, alors pourquoi ne pas le valoriser pour chauffer les terrasses ? », estime Christophe Boullard, directeur commercial de E-Terrasses, autre entreprise à avoir développé un chauffage de terrasse qui utilise ce combustible. Réponse dans quelques semaines… 

NOTE

Source : étude « Vers la fin des terrasses chauffées en France », Yougov, décembre 2019.

Terrasses hivernales : ce que dit la loi Climat

L’article 46 du projet de loi Climat définit l’interdiction des terrasses chauffées à compter du 31 mars 2022. « Il sera interdit d’utiliser des systèmes de chauffage sur les terrasses de cafés, restaurants, brasseries… à partir d’avril 2022. » Afin de tenir compte des contraintes de chacun, un décret du Conseil d’État définira d’ici à quelques mois les conditions environnementales précises pour obtenir une autorisation.

Personne ne sait donc, pour le moment, quels équipements seront admis. Les chauffages électriques ou aux pellets de bois, évoqués comme alternative, seront-ils finalement autorisés ? La mesure incitera-t-elle les communes à des allègements en matière d’urbanisme pour faciliter l’installation de terrasses couvertes ou d’équipements pare-vent avec emprise au sol ?

Il n’existe aujourd’hui aucune obligation pour une commune à conditionner l’occupation du domaine public à des objectifs environnementaux. C’est d’ailleurs en prenant un arrêté interdisant les chauffages de terrasse dans son centre-ville, en janvier 2020, que la ville de Rennes a soulevé le débat sur la question au niveau national. La mesure de la loi Climat doit inverser la tendance en exigeant des collectivités qu’elles n’autorisent l’occupation des trottoirs et places qu’à certaines conditions environnementales.

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