Procès Axa : « Le compte n’y est pas »

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Six avocats des barreaux de Paris et Marseille ont co-signé une tribune pour inciter les restaurateurs à poursuivre le combat face à Axa. Pour eux, le constat est clair : la jurisprudence est en faveur des professionnels.

Avocats de centaines de restaurateurs et hôteliers, nous écumons les tribunaux du pays depuis plus d’une année afin d’obtenir de leur assureur AXA la légitime indemnisation des pertes d’exploitation liées au COVID.

Alors que la jurisprudence s’oriente clairement en faveur des restaurateurs, comme l’illustrent les arrêts récemment rendus par les Cours d’appel de Rennes (16 juin) et de Toulouse (29 juin), nous dénonçons la stratégie adoptée par la compagnie. Ainsi AXA, premier assureur du secteur, a opté pour l’affrontement, contraignant les restaurateurs, déjà lourdement pénalisés, à mener une éprouvante guérilla judiciaire.

Revenons quelques mois en arrière : dès mars 2020, alors que le COVID contraignait le gouvernement à cadenasser le pays, le monde de l’assurance affirmait doctement, et d’une voix unanime, qu’un tel événement n’était pas couvert, à raison de son caractère global. Passé ce réflexe d’autodéfense du secteur assurantiel, les premières études concluaient que le risque était naturellement assurable.

Surtout, l’analyse du contrat AXA généralement souscrit par les restaurateurs révélait que ces derniers étaient couverts. Pourtant, AXA, invoquant une clause d’exclusion du contrat, campait sur ses positions, et refusait sa garantie. C’est alors que sont tombées les premières décisions condamnant AXA : sa clause d’exclusion – son bouclier anti-garantie – n’était pas valable. Il lui en fallait cependant plus, et elle ne variait pas de position : les juges commerciaux avaient nécessairement tort à Bastia, à Marseille, à Paris, à Créteil, à Aix-en-Provence, à Nanterre, à Rennes, à Tarascon, à Cannes, à Albi, à La Rochelle, à Brest, à Châlons-en-Champagne, à Versailles, à Saintes, à Annecy, à Évry, à Besançon, à Vannes, à Montpellier, à Caen, à Lorient, à Coutances, à Perpignan, à Saint Etienne, à Draguignan, à Bobigny, à Lille, à Nice, à Rodez…

Derrière ce discours plein d’aplomb pointait une évidente fébrilité. C’est ainsi qu’AXA soumettait dès l’automne à ses assurés un avenant supprimant la garantie activable dans le cas du COVID. En pleine crise sanitaire, deux choix étaient ainsi offerts à l’assuré : l’avenant ou la résiliation. Cette démarche était un premier aveu. Pourquoi en effet modifier le contrat si celui-ci était parfaitement clair ? AXA s’accrochait alors à quelques jugements isolés lui donnant raison, tandis que chaque semaine apportait son lot de nouvelles décisions de première instance, très massivement favorables aux restaurateurs.

Au fil des jours, il apparaissait clairement que la bataille judiciaire était perdue pour AXA. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejoignait ainsi en février 2021 la cohorte des tribunaux l’ayant condamnée, avant donc que les cours de Rennes et de Toulouse, ne confirment cette position, les 16 et 29 juin dernier. C’est dans ce contexte que le 10 juin 2021, face au spectre imminent de sa défaite, AXA a opéré un spectaculaire volte-face : au terme d’une opération de communication millimétrée, elle annonçait enfin qu’elle acceptait d’indemniser tous les restaurateurs ayant souscrit la garantie « fermeture administrative ».

À grands renforts de publicités (radio) et contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux, elle est allée jusqu’à affirmer à cette occasion être « aux côtés de ses clients restaurateurs » dans la crise ! Après une année de refus systématiques et de lutte acharnée dans les prétoires contre ses assurés, une telle propagande tombe évidemment à plat. En effet, personne n’est dupe. En réalité, cette opération ne poursuit qu’un seul et unique objectif : quitte à payer, payer le moins possible. L’annonce fait en effet état d’une enveloppe de 300 millions d’euros, bien en deçà des pertes affichées par le secteur de l’hôtellerie et de la restauration et, surtout, à mille lieux du montant provisionné par AXA dans le cadre de ce litige, à savoir un milliard et demi d’euros. En somme, le compte n’y est pas !

Aujourd’hui, AXA poursuit les contentieux, son offre n’ayant pas rencontré le succès escompté. Chacune de ses plaidoiries est désormais un numéro d’équilibriste, puisqu’elle a sombré dans la dualité : d’un côté, elle reconnaît tacitement l’existence de la garantie en acceptant d’indemniser, et de l’autre, elle soutient becs et ongles que sa garantie ne s’applique pas.

Il faut désormais sortir de cette situation harassante pour les restaurateurs et hôteliers, et les indemniser à la hauteur des garanties qu’ils avaient souscrites, plutôt que de formuler une proposition au rabais jouant sur l’épuisement de la profession. Nous n’engageons pas des procès pour le sport, ou pour le plaisir de la joute intellectuelle et oratoire, mais parce qu’à ce stade les contentieux ont été et sont toujours la seule voie efficace pour obtenir une indemnisation satisfaisante.

En revanche, si nous obtenons pour nos clients une offre qui nous paraît de nature à réparer équitablement leur préjudice, nous les encouragerons à transiger, de manière à ce que chacun puisse aller de l’avant. Seul un tel geste d’AXA permettra de rétablir la confiance entre l’assureur et l’assuré, mise à rude épreuve par l’année écoulée. D’ici là, nous continuons nos actions avec la plus grande détermination.

Guillaume AKSIL*, Xavier BOUILLOT*, Philippe MEILHAC*, Jimmy SERAPIONIAN*, Jean-Pierre TERTIAN**, Antoine VEY*,

* Avocats au Barreau de Paris
** Avocat au Barreau de Marseille

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