Professionnels : tout savoir sur le passe vaccinal adopté
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En attendant la promulgation de la loi instaurant le passe vaccinal, adoptée dimanche 16 janvier, tour d’horizon des éléments concernant les professionnels de l’hôtellerie-restauration. Comment s’adapter à ces nouvelles mesures, notamment le contrôle d’identité ? Réponses.
Au terme de deux semaines de débat entrecoupées d’interruptions et de polémiques, le passe vaccinal a – presque – atteint le bout de son chemin législatif. Le texte a été adopté par le Parlement lors d’un ultime vote, dimanche 16 janvier. Les restaurateurs et hôteliers sont bien évidemment concernés par ce texte. Mais les revirements incessants s’ajoutant à l’évolution inégale du protocole sanitaire depuis le début de la crise tendent à flouter les lignes. Tour d’horizon, avec l’Umih et le cabinet Novlaw, pour identifier les éléments concernant la profession, et comment s’y adapter.
Contrôle d’identité : la mesure controvorsée
C’est une surprise, sans en être une. Les responsables d’établissements concernés par le passe vaccinal ou sanitaire – donc restaurateurs – pourront réclamer un document officiel avec photographie pour vérifier la concordance entre les différents justificatifs. Un contrôle d’identité qui ne dit pas son nom donc, et qui confirme l’hypothèse émise par Maître Bruno Guillier. Interrogé par La Revue des Comptoirs en fin d’année 2021, l’avocat du cabinet Novlaw, spécialisé dans le secteur, y voyait l’unique manière pour l’État de mettre en place cette mesure. « Le Gouvernement ne peut pas demander [aux restaurateurs de contrôler l’identité] dans le cadre des règles actuellement en vigueur. […] Cette prérogative n’appartient qu’aux policiers et aux gendarmes, selon l’article 78-2 du code de procédure pénale. »
Ainsi, le seul biais pour contrôler la validité d’un passe sanitaire à l’époque, passe vaccinal aujourd’hui, est de pratiquer ce qui se fait aujourd’hui dans certains cas de figure. « Il y a trois cadres où le contrôle d’identité peut être demandé à une personne privée, explique l’avocat. D’abord le paiement par chèque, [ainsi que] dans le cadre de la vente d’alcool et de tabac également, car ces produits sont interdits aux mineurs. » Dans ces situations, bien précises néanmoins, ce n’est pas un « contrôle d’identité » qui est réalisé, pas à proprement parler, car le restaurateur doit uniquement vérifier l’âge de la personne. Ce serait donc la même « faille » juridique qu’exploiterait le gouvernement pour le passe vaccinal. « Il pourrait demander aux restaurateurs de vérifier la concordance entre le nom sur le passe sanitaire et le nom de la personne. Mais pour vérifier la concordance, le client devrait pouvoir montrer un autre document portant mention de son nom », détaille-t-il, ce qui reviendrait, d’après l’avocat, à un « contrôle d’identité qui ne dit pas son nom ».
Le conseil constitutionnel devant se prononcer sous huit jours, la possibilité pour cette mesure de rester logée dans le texte de loi serait « faible ». « Je pense qu’elle est réduite, car cela a déjà été envisagé et refusé, relate Bruno Guillier. En outre, les ministères ont signalé plusieurs fois que c’était uniquement les officiers de police judiciaire (OPJ) qui pouvaient contrôler l’identité, ce serait en total contradiction avec leur communication jusque là. »
Reste le « si jamais ». Aussi infime que soit la probabilité, elle existe, et les restaurateurs doivent se préparer à l’éventualité de devoir contrôler l’identité de certains clients. Le texte de loi voté par le Parlement le 16 janvier précise que ce contrôle sera autorisé dès lors qu’il existe « des raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente ».
« On nous impose une contrainte au détriment du chef d’entreprise, réagit Roland Héguy, président de l’Umih. Cette contrainte très lourde peut inciter au délit de faciès, c’est quelque chose de très compliqué qu’on nous demande. Le restaurateur n’est pas formé à contrôler l’identité, et le mot d’ordre « je contrôle « en cas de doute » », me paraît peu évident à mettre en pratique. Il n’y a plus qu’à croiser les doigts que le conseil constitutionnel refuse la mesure, ou que, si cette dernière entre en application, elle ne génère pas trop de complications, et notamment de violence et incivilités à gérer. »
Salariés non-vaccinés : comment faire ?
« C’est une question qui revient souvent », témoigne l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. Avec le passe sanitaire, les restaurateurs – et leurs salariés – s’étaient adaptés, bon gré mal gré, profitant de la possibilité de justifier d’un test négatif pour obtenir le précieux sésame, bien que de façon temporaire. Dorénavant, cette méthode ne sera plus valable. En effet, le vaccin devient la seule option pour obtenir son passe vaccinal à jour. Partant de ce constat, comment gérer le problème du personnel non-vacciné ? « On a fait beaucoup de pédagogie », répond Roland Heguy. Le patron de l’Umih affirme que « 90% des salariés sont vaccinés aujourd’hui, on a incité les autres, par respect, à se faire vacciner. » Si le cas de figure d’un salarié non-vacciné venait à se présenter, « il ne peut pas rester dans l’entreprise. On peut le mettre en chômage partiel en attendant qu’il obtienne son passe vaccinal. Il faut tout faire pour ne pas suspendre le contrat, et miser sur la pédagogie. »
D’après le président confédéral de l’Umih, un décret devrait être publié dans les prochains jours, pour ouvrir notamment la possibilité d’un licenciement en cas d’impasse avec le salarié. Une information à prendre avec des pincettes, d’après Bruno Guillier, qui assure que pour le moment, « ce cas de figure n’est pas prévu par le texte voté à l’Assemblée. Il ne parle que de suspension du contrat de travail. »
Quelle échéance pour la mise en oeuvre des nouvelles mesures ?
La date du 20 janvier a été évoquée par le Gouvernement pour l’entrée en application de la loi nouvellement votée. Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’Autonomie et conseillère départementale du Pas-de-Calais, a confirmé chez nos confrères de FranceInfo « que le passe vaccinal devrait entrer en vigueur pour les plus de 16 ans dans les prochains jours ». Cette volonté pourrait cependant se heurter aux recours lancés par les socialistes et insoumis auprès du Conseil consitutionnel.