Restaurants clandestins : attention aux fausses astuces pour contourner l’interdiction

  • Temps de lecture : 4 min

Des informations circulent selon lesquelles un simple tour de clé suffirait au propriétaire d’un restaurant clandestin pour compliquer singulièrement toute intervention de la police. Ouvrir sous le statut d’association serait une autre astuce. Prudence quant à ces allégations car le restaurateur risque gros. Décryptage avec maître Laurent Bidault, avocat associé chez Novlaw.

porte restaurant illustration
porte restaurant illustration

Depuis quelques jours de fausses idées se répandent sur les réseaux sociaux et dans la presse, selon lesquelles les restaurateurs pourraient contourner l’interdiction de recevoir du public en fermant les portes de leur établissement ou en se déclarant association de loi 1901. L’heure est à la prudence car les fausses informations peuvent avoir de véritables conséquences pour les professionnels. 

La première question qui se pose est de savoir si lorsque je ferme la porte de mon restaurant, je peux organiser une soirée privée et dans ce cas empêcher l’accès aux policiers et donc de constater un flagrant délit ? Revenons en guise de préambule sur l’article 40 du décret du 29 octobre 2020 qui prévoit la fermeture administrative des établissements recevant du public de type N (restaurants et débits de boisson) en se fondant sur le code de la construction et de l’habitation qui fournit une définition large de ce qu’est « un établissement recevant du public ». Selon l’article R.123-2 de ce code : « Pour l’application du présent chapitre, constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l’établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel ». Selon maître Laurent Bidault du cabinet Novlaw, cette définition large « paraît devoir inclure un établissement qui ne laisserait rentrer ses clients que sur invitation même sans les faire payer ». Néanmoins il existe une difficulté du fait même de cette définition assez large de la notion de « public » ; chaque partie – policiers et restaurateurs – pouvant alors jouer sur ce flou juridique. Les forces de l’ordre peuvent considérer que le patron reçoit du public et qu’à ce titre il est en infraction, et ce dernier peut prétendre recevoir des amis ou de la famille à titre privé. La confusion du curseur peut se situer à ce niveau-là seulement car « pour le reste il n’y aucun vide juridique », assène maître Laurent Bidault. Ce n’est donc pas parce que le restaurateur ferme ses portes qu’il est en droit pour autant d’organiser une soirée privée. En revanche, il est beaucoup plus délicat de le sanctionner s’il est pris en flagrant délit attablé avec son cercle restreint, « d’autant plus s’il est en dessous de la jauge de 6 personnes, la police pourrait se montrer conciliante »

Chasse aux fake news

Une autre rumeur se répand sur les réseaux sociaux : l’avocat Carlo Brusa de l’association Réaction 19, nouvelle vedette des complotistes, propose aux restaurateurs de servir dans le cadre d’une association loi 1901. Selon lui, il suffirait de faire rentrer tout le monde, puis de fermer la porte et de faire signer des papiers d’adhésion à tous les clients pour pouvoir exercer son activité de nouveau. « Il faut faire très attention à ces rumeurs qui circulent, car c’est faux, une association n’est pas autorisée à faire des bénéfices, décrypte maître Laurent Bidault qui rappelle que le restaurateur risque gros. Il prend le risque de ne plus être éligible au fonds de solidarité, de faire l’objet d’une fermeture administrative pendant plusieurs semaines, ce qui pourrait entraîner son déréférencement des plateformes de livraison et donc une perte de clientèle. » Des sanctions qui sont à prendre en compte alors que le rythme des contrôles s’intensifie.

Contrôles fondés sur les dispositions du code pénal

D’après une information du JDD, 559 restaurants clandestins ont reçu un avertissement depuis le 31 janvier, signe d’un accroissement des contrôles de police ces derniers temps. Mais dans quel cadre peuvent s’effectuer ces entrées de la police au restaurant ? « Elle pourra pénétrer dans un établissement dans le cadre d’une perquisition prévue par l’article 76 du code pénal : cette perquisition doit cependant s’inscrire dans une enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République. Elle pourra également s’introduire dans un domicile dans le cadre d’une enquête en délit de flagrance prévu par l’article 53 du code pénal (“est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre”). Pour que cet article soit mis en œuvre encore faut-il que le restaurateur ait commis un crime ou un délit et non une simple contravention telle que le non-respect du couvre-feu ou le non-respect de l’interdiction de recevoir du public », renseigne maître Laurent Bidault. La police pourrait ainsi pénétrer dans un établissement pris en flagrant délit de commettre une infraction aux mesures de fermeture », conclut l’avocat associé chez Novlaw. Dans ce cas, l’infraction pénale à laquelle pourront se référer les forces de l’ordre sera notamment la mise en danger de la vie d’autrui.

PARTAGER