Restaurateurs : les amendes de la colère

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« Ici, c’est Paris ! », scandent avec ferveur les supporters du PSG. Les restaurateurs pourraient en dire de même, cette fois dans un autre registre : ici, c’est Paris, le Paris de la verbalisation. En cause ? Les terrasses, comme d’habitude, mais plus étonnant leurs poubelles.

©DR

Paris est l’une des capitales possèdant un rayonnement mondial. Pour autant, n’est-elle pas devenue ces derniers temps également la capitale mondiale de la verbalisation ? La question peut être posée. Tous les automobilistes parisiens connaissent la sulfateuse à PV. Ces voitures qui dressent à tout-va des contraventions à la moindre infraction. Ce qui peut se comprendre. Mais parfois de manière abusive. Par exemple, le temps de régler votre stationnement… et la personne reçoit une amende car votre véhicule n’avait pas encore été enregistré.

Assistons-nous à un même phénomène cette fois à destination des restaurateurs de la capitale ? Sans aucun doute. En cause, non seulement les terrasses mais désormais également les poubelles. Une nouvelle sulfateuse à PV pourrait alors se mettre en marche de manière intempestive.

Atelier de l’Umih Paris

« Au-delà de la verbalisation pour les terrasses, les restaurateurs sont confrontés en effet à la problématique de leurs déchets, souligne Philippe Meilhac, avocat spécialisé dans le CHR. Parfois, il est difficile de les installer à l’endroit prévu sur le trottoir. Voire, elles peuvent être déplacées une fois le ramassage effectué. » Cette problématique pourrait prêter à sourire. Il n’en est rien. Les organisations professionnelles sont montées au créneau récemment auprès de la mairie de Paris. Beaucoup de leurs adhérents dont beaucoup « croulent » sous le poids des amendes. Du reste, l’Umih Paris a demandé à Philippe Meilhac d’animer un atelier sur cette question. Comment éviter de telles amendes ?

Généralement, un fonds de commerce d’une entreprise appartient et est exploité par une société, soit une SAS, soit une SARL. Très peu sont en nom personnel. « La verbalisation peut être massive pour un même établissement. Certains ont reçu deux, voire trois, verbalisations en quelques minutes, à la suite de plusieurs passages », poursuit-il. Mais un des problèmes est que l’amende est au nom de la personne physique, le représentant légal de la société. Et non au nom de la société elle-même. Autrement dit, c’est lui le responsable.

Problème : sa qualité de représentant légal n’est pas précisée. C’est donc à lui de régler la somme due, sur ses deniers personnels. Une situation kafkaïenne. « D’autant plus que la procédure dite d’amende forfaitaire majorée n’est pas aussi simple que cela. De plus, les correspondances de l’Officier du Ministère Public (OMP) sont adressées par courrier simple, qui n’arrive pas toujours au destinataire.»

La machine à PV se met en marche. Un établissement parisien reçoit en trois minutes, trois amendes : 12h07 – 12h08 – 12h09

12h08…

… 12h09. 3 minutes, 3 PV.

Vous avez dit dialogue ?

Celui-ci n’a pas eu souvent des échanges avec la police municipale. « Depuis sa création en juin 2021, sa mission principale est la verbalisation des restaurateurs. Cela fait suite au nouveau règlement des terrasses de la ville de Paris. » Le restaurateur reçoit alors une amende un beau matin dans sa boîte à lettres, sans coup férir. Parfois, elle n’arrive pas. Car il s’agit d’une simple lettre, le papier étant de couleur verte. L’officier du ministère public (OMP) n’a plus, a priori, suffisamment de deniers pour envoyer une lettre recommandée (numérique ou papier) avec accusé de réception à l’intéressé. Partons de l’hypothèse que le restaurateur la reçoive. Et payer 135 euros d’amende.

Étape 1. « Soit, il paie. Autrement dit, il reconnaît de fait l’infraction. Soit, il conteste, aux termes de l’article 530 du Code de procédure pénale. L’OMP peut abandonner les poursuites ou transmettre le dossier au tribunal de police lequel peut soit rendre une ordonnance pénale soit citer l’exploitant à une audience.»

Étape 2. Il ne conteste pas et, en même temps, ne paie pas. Était-il au courant de ce qu’on lui reprochait ? Quoi qu’il en soit, il reçoit alors une seconde lettre toujours sans recommandée, mais cette fois avec un papier de couleur blanche, laquelle est un avis d’amende forfaitaire majorée. Petit détail mais pas le moindre. Notre restaurateur n’a toujours pas eu de contact avec les autorités municipales. En revanche, l’amende passe de 135 euros précédemment à 300 euros, à honorer dans les trente jours à réception du courrier. Mais dans sa grande générosité, le contrevenant en réglant la somme de suite bénéficie alors d’un remise de 20%.

Parfois, entre la réception des deux lettres, il peut se passer entre quatre et cinq mois
Philippe Meilhac, avocat.

Cela dit, si la somme réclamée n’est pas réglée, alors la somme sera saisie sur le compte de l’intitulé… Laquelle, entre-temps, sera passé de 300 à 375 euros.

Du côté du ministère public

« Il est toujours possible de contester seul une décision, rappelle Philippe Meilhac, mais mieux vaut être organisé, et connaître les subtilités du droit. » Il existe des délais pour contester. 45 jours suivant la date de l’avis de contravention (« papier vert »). 30 jours, seulement suivant la date de l’avis d’amende forfaitaire majorée (« papier blanc »). « Il n’est pas rare que l’OMP ne réponde pas à certaines contestations. Il faut alors engager une procédure d’incident contentieux qui nécessite le recours à un avocat

Et l’avocat spécialisé dans le CHR de donner cet exemple, assez effrayant il est vrai. Au cœur de la capitale, un établissement a été cité devant le tribunal de police pour… 71 contraventions en deux mois. L’objet ? Embarras sur la voie publique. Des amendes attribuées au nom de la personne physique et de son holding. Non de celle propriétaire de l’établissement. En dépit de ses explications et de celles de son avocat, le tribunal condamne la personne physique à régler 71 fois. Soit le nombre de contraventions (le cumul existe en la matière) à 80 euros chacune. Soit la somme de 5.680 euros. Et le holding à 71 fois 400 euros. Soit la somme de 28.400 euros. Pour un total d’amende de 34.080 euros.

« Heureusement que le client m’a suivi et fait appel. La cour l’a relaxé de 54 des 71 contraventions. Cela représente une réduction totale de près de 26.000 euros. » Et Philippe Meilhac d’ajouter sous forme de conclusion : « La Mairie de Paris se sert de ces verbalisations pour refuser d’autoriser ou retirer une autorisation. Je conseille donc aux exploitants de ne pas négliger ces verbalisations

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