Un atout à utiliser sans tabou

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Impossible de passer outre les contraintes liées à l’HACCP, cette méthode s’apparente à la déontologie du métier de restaurateur. Pour autant, ce n’est pas nécessairement la corvée fréquemment décrite. Le respect de l’HACCP peut même se révéler facile à gérer. « L’Auvergnat de Paris » a déblayé le sujet.

Tous les professionnels de la restauration le savent, le respect de l’HACCP est leur sauf-conduit. Au moindre écart, c’est la sanction des autorités sanitaires. Pour autant, le sujet fait l’objet d’approximations plus ou moins importantes, généralement par manque de temps ou de personnel. Toutefois, l’HACCP ne doit pas être une contrainte, mais faire partie intégrante du fonctionnement en cuisine. Une étude de Tork, spécialiste de l’hygiène professionnelle, l’a démontré. « Ce qui caractérise le mieux le rythme en cuisine, c’est l’efficacité, souligne Alan Kinsella, le chef qui a collaboré à cette étude. Le personnel doit appliquer les gestes d’hygiène sans même s’en rendre compte. »

Créer des réflexes

Mettre en place des réflexes, voilà la manière la plus efficace et la moins coûteuse d’honorer la réglementation. Cela passe avant tout par l’élaboration consciencieuse d’un plan de maîtrise sanitaire spécifique à l’établissement*. Il est vain d’adopter un PMS clés en main, au mieux, la méthode sera inadaptée, au pire, elle engendrera plus de difficultés. L’enjeu est de faire adhérer le personnel aux systèmes retenus pour qu’il se sente impliqué et responsabilisé. L’affichage des rappels de bonnes pratiques – plan de nettoyage, risques identifiés et mesures correctives, règles de traçabilité – aux endroits clés reste l’une des meilleures manières de prévenir les dérapages. Les solutions digitales ont quant à elles le mérite d’automatiser le suivi pour libérer le restaurateur de cette « charge mentale ». « Si on reste sur des choses simples pour la mise en place du PMS, le papier ça fonctionne toujours ! » , relativise Philippe Daubras, formateur hygiène et coordinateur chez Asforest, spécialiste de la formation continue en hôtellerie-restauration. Par exemple, la solution de l’agenda pour répertorier les étiquettes fournisseurs, bien que décriée pour son encombrement, reste « une solution très efficace et moins onéreuse que le digital ». Donc, pour limiter les coûts sur ce volet, rien ne vaut les bonnes vieilles méthodes. « L’important, c’est de pouvoir produire les données si des inspecteurs les demandent », rappelle Philippe Daubras.

– Pour l’hygiène du personnel

– Encourager le lavage des mains par de l’affichage pédagogique et favoriser l’accès aux lave-mains en les plaçant de manière judicieuse, près des plans de travail et à l’entrée de la cuisine.

– Exiger la propreté des tenues et du linge de travail, avec changement en cours de journée si nécessaire, en prenant éventuellement en charge la blanchisserie quotidiennement.

– Pour le contrôle des températures

Quel que soit l’appareil utilisé pour mesurer les températures (thermomètre infrarouge, sonde), il doit être étalonné. Le relevé visuel des températures des réfrigérateurs est plus sûr. Un document dématérialisé peut suffire à les archiver. Pour gagner du temps, un relevé automatique peut être mis en place moyennant un abonnement mensuel à une application. Le contrôle des températures à réception doit être systématique. S’il est réalisé avec un thermomètre à infrarouge, le personnel doit être formé à son utilisation, sur l’importance de la mesure au contact.

Le refroidissement rapide (de 63 °C à 10 °C en moins de 2 h) est possible de diff érentes façons. L’HACCP donne une obligation de résultat, pas du moyen employé. La cellule de refroidissement est sans doute le plus effi cace, mais en son absence, il est possible de refroidir efficacement en plaçant le produit en couche fine dans un bac posé sur un lit de glace ou en le mettant sous-vide, puis sous l’eau courante froide.

– Pour la gestion des déchets

Le meilleur déchet, c’est celui qui n’est pas produit. Cette philosophie implique une refonte globale de la manière de cuisiner, tournée vers l’antigaspillage et l’optimisation, pour au final faire baisser le volume de déchets à gérer. D’un point de vue pratique, la lutte contre les contaminations croisées implique de ne pas faire l’impasse sur le type d’équipement (poubelles à pédale fonctionnelle) et sur leur implantation dans la cuisine.

– Pour éviter les contaminations croisées

Très pratiques, les planches colorées, chacune dédiée à la découpe d’un type d’aliment, permettent de sectoriser les aliments en cours de préparation et d’éviter les contaminations croisées. Elles doivent, bien sûr, être nettoyées et désinfectées après chaque usage et rangées de sorte à limiter le risque de développement de bactéries. L’idéal, les placer dans une chambre froide positive, à défaut, elles doivent être rangées à la verticale sur un rack dans un endroit fermé et propre.

Digitaliser : pour ou contre

Ne serait-il pas plus simple de digitaliser ces tâches redondantes pour gagner en sérénité ? Les applications ne manquent pas et couvrent l’ensemble de l’éventail de l’HACCP (lire encadré produits).

Pour autant, c’est un coût de 20 € à 50 € par mois selon le nombre de modules utilisés et le nombre d’utilisateurs dans le restaurant pour un gain relatif selon les restaurants, de l’avis de Philippe Daubras. « Les outils digitaux ont professionnalisé la manière de gérer l’HACCP. Les étiquetages produits finis sont propres et nets, il n’y a plus d’étiquettes de réception marchandises qui traînent… Et les outils sont globalement faciles à utiliser pour tout le monde. Mais j’y vois un intérêt surtout pour les grosses brigades où le besoin d’une traçabilité fine est beaucoup plus important. Avec un tel logiciel de suivi, chaque employé s’identifie avant de réaliser une opération, c’est un gage de sécurité. Pour autant, ce n’est pas adapté à tous les types de restaurants, il faut vraiment évaluer ses besoins avant d’investir dans ce type d’outils. » Il estime également que certains aspects ne doivent pas être automatisés, notamment le contrôle de température à réception. « Les restaurateurs s’en font tout un monde, mais en réalité, ils n’y consacrent pas réellement beaucoup de temps au regard des enjeux sanitaires. Cela concerne en fait surtout la viande et le BOF pour lesquels la plupart du temps il y a deux ou trois livraisons par semaine au maximum, à raison de 15 min à chaque fois. Je pense que c’est raisonnable. »

Par conséquent, le contrôle humain demeure une dominante de la fiabilité de l’HACCP, le digital doit donc venir « en renfort » et « non en remplacement » du restaurateur. « L’eff et pervers de l’automatisation, notamment pour le relevé des températures de frigos, c’est que les restaurateurs ne réalisent plus de contrôles physiques et risquent de ne pas se rendre compte d’un dysfonctionnement. Les services d’hygiène ne sont d’ailleurs pas très friands de ce genre de systèmes. La notion d’autocontrôle reste primordiale, le digital n’exempte pas de ça. » L’HACCP peut se révéler facile, mais pas simpliste.

* Le ministère de l’Agriculture propose un guide d’accompagnement à l’attention des restaurateurs. https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/gph_20165905_0001_p000.pdf

Ces applications qui vont à l’essentiel

PRODUITS DIGITAUX

– HACCP facile, une application gratuite

Le site haccp-facile. com propose une formule de base gratuite, qui donne accès à quatre modules permettant la saisie de la température des chambres froides, le contrôle à réception, la traçabilité fournisseurs, et le contrôle des huiles de cuisson. L’accès à la totalité des modules (suivi du nettoyage, refroidissement rapide…) coûte 16,90 € HT/mois.

– Traqfood, une option pour les petits restaurants

Le leader des applications de suivi de l’HACCP, Traqfood, propose une offre low cost à 19,99 € HT/mois pour son application. Elle s’adresse aux petites unités et donne accès à l’ensemble des modules Traqfood mais limité à 2 utilisateurs et pour un seul point de vente. L’accompagnement à la prise en main se fait via des tutoriels.

– Capteur.com, sécuriser la température des chambres froides

Un moyen complémentaire pour veiller sur la régularité des températures des chambres froides. Les capteurs enregistrent automatiquement les températures mais surtout préviennent par sms ou e-mail lors de tout dysfonctionnement. Les sondes de températures sont indépendantes du réseau électrique et viennent sécuriser le stockage de la marchandise en dehors des heures d’activité. À partir de 5 €/mois /capteur.

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