Le match nord-sud se joue à Paris

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Lors du salon Wine Paris, les vins du nord et du sud de la France exposeront conjointement, mais séparément, sous des bannières distinctes. Cette opposition traduit les revendications qualitatives du vignoble septentrional, de plus en plus conforté par les effets du réchauffement climatique sur la vigne.

Du 11 au 13 février prochain aura lieu la première édition de Wine Paris. Ce nouveau salon international du vin se positionne comme un complément de Vinexpo, aujourd’hui devenu une vitrine mondiale du vin et ne présentant plus pour certains acteurs l’occasion d’un rendez-vous d’affaires efficace. Wine Paris veut renouer avec ce rôle de salon d’affaires et s’adresser à une clientèle française et internationale proche. Dans ce rôle, Wine Paris se pose clairement en concurrent de ProWein (Düsseldorf). Il est issu de deux salons existants : Vinisud créé à Montpellier en 1994, devenu annuel en 2016, et Vinovision, créé en 2017 par les tenants des appellations du nord, qui n’avaient pas accès à Vinisud. Désormais, le courant circule mieux de part et d’autre de la Loire. Les deux salons ont accepté de s’unir et d’exposer ensemble, en terrain neutre, à Paris sous l’égide de Wine Paris. Lors de la première édition, au Parc des expositions de la Porte de Versailles, vignerons du nord et sud ne seront pas mélangés. Ils continueront à exposer sous les ombrelles de Vinisud et Vinovision. La ligne de démarcation perdure dans la France du vin! Des gris de Toul aux rosés de Provence comme du chablis aux blancs de Limoux, la carte de la France des vins s’avère variée du nord au sud, sans même tenir compte des vins corses. Les œnologues évoquent souvent les terroirs, l’exposition de la vigne, l’appellation, le cépage, mais, au fond, n’y aurait-il pas une approche globale plus évidente des vins français avec d’un côté les appellations du nord et de l’autre celle du sud? Comme la France partagée par la Loire avec deux climats distincts, le vignoble de notre pays offrirait deux visages avec, au nord, de la fraîcheur, de la minéralité, du fruit et, au sud, de la structure tannique, de la puissance, des parfums capiteux et du degré alcoolique.

Monocépage au nord, assemblage au sud


Cette façon de considérer le vin peut paraître abrupte et un peu caricaturale. À quelques exceptions près, les sommeliers confirment que ces profils généraux correspondent aux réalités des vignobles septentrionaux et méridionaux. On peut également remarquer que le nord se caractérise par de grands blancs, le champagne, et que le sud est réputé pour ses rouges capiteux. Les différences sont encore plus nettes sur l’encépagement. Le vignoble septentrional marque une nette tendance aux mono-cépages, en Bourgogne Beaujolais, dans le Jura ou en Alsace. C’est aussi vrai, mais de manière moins importante dans la Loire. Au sud, l’assemblage est plus systématique, là encore à quelques exceptions près. Jean-Martin Dutour, vigneron à Chinon, président d’Interloire, fut un des créateurs de Vinovision. Aujourd’hui, il applaudit des deux mains l’union des deux rendez-vous à Paris qui permet d’offrir un salon représentatif capable d’attirer les acheteurs internationaux : « Si on se contente de réunir l’offre du Val de Loire, on présente 4 % du vignoble français et 1 % du vignoble international. Croyez-vous qu’un acheteur américain va se déplacer pour aller à la rencontre de 1 % de l’offre? » Pour autant, le vigneron de Chinon ne réfute pas cette vision d’un vignoble français bipolaire et reconnaît qu’il y a bien un « match » bon enfant entre le sud et le nord et assure que les exposants réunis sous la bannière Vino-vision ne veulent pas perdre leur image de vignerons septentrionaux. « Mais l’intérêt des matchs, ajoute-t-il, c’est que l’un ne va pas sans l’autre. Nous sommes des frères d’armes. Ce sont des styles différents qui s’affrontent. » Il faut croire que cet homme influent dans le monde du vin a depuis longtemps choisi son camp : « Quand j’étais étudiant en œnologie, mes professeurs m’expliquaient que c’était dans sa limite nord que l’on trouvait la plus noble expression d’un cépage. Ainsi, le cabernet franc est présent à Bordeaux mais aussi dans la Loire, et j’estime que son expression la plus intéressante ressort dans le Val de Loire. A contrario, le merlot, qui ne peut guère monter au-delà de la Gironde, trouve sa plus belle expression à Bordeaux. » Également présent sous la bannière Vinovision, Jean Bourjade, délégué régional d’Interbeaujolais, est plus réservé sur cette notion de nord-sud. Il faut préciser que le Beaujolais se situe à la limite des deux influences, et Jean Bourjade fait observer « qu’avec le réchauffement climatique les expressions différentes se rapprochent. Il est rare qu’un rouge au nord titre 14 ou 15°, ce qui est courant au sud. Cela dit, le gamay est un cépage cousin du pinot et, longtemps, notre style était plus proche de celui de bourgognes rouges. Aujourd’hui, toutes proportions gardées, nous nous rapprochons parfois des côtes-du-rhône. » D’ailleurs, durant des années, le beaujolais a tapé en vain à la porte de Vinisud avant de monter dans le wagon de Vinovison, et la récente fusion ravit Jean Bourjade.

Le sud s’adapte


Au sud de la France, les vignerons n’apprécient pas toujours ce dis- cours selon lequel la finesse serait au nord et la puissance au sud. Éric Billières, propriétaire du domaine du Cassard en blaye-côtes-de-bordeaux et ancien sommelier, calme le jeu : « Chaque région exploite des cépages qui sont adaptés à son terroir et son climat. C’est vrai qu’avec le réchauffement climatique on va peut-être voir un cépage comme le merlot remonter au nord. On peut également concéder que les vins blancs présentent plus de minéralité au nord. Mais nous faisons de très bons vins blancs dans le Bordelais. Mon domaine en est la preuve, puisque nous avons obtenu une médaille d’or au Concours mondial du sauvignon. Chaque vin a un intérêt en termes d’accompagnement de plats. Enfin, dans notre région, le degré des vins reste raisonnable, même si certaines années, comme 2018, ils montent un peu haut. C’est au vigneron de s’adapter. Nous avions prévu de vendanger le 8 septembre, nous avons largement anticipé. D’une manière générale, je conseillerais aux vignerons de ne pas se laisser dicter leur conduite par les œnologues et leurs analyses. Je suis tous les jours dans mes vignes. Je goûte chaque parcelle et, dès qu’une d’entre elles me paraît être arrivée à maturité, je déclenche la vendange. » Benjamin Piccoli, directeur de la maison des vins de Fronton, bat lui aussi en brèche cette idée qui assimile les vins du sud à des vins puissants, tanniques, qui manquent de légèreté et de fraîcheur. « À Fronton, détaille-t-il, nous bénéficions d’une influence océanique. Les vins titrent en moyenne 12,5 à 13 %. La négrette, notre cépage dominant, donne des vins peu tanniques. Ils présentent un profil aromatique avec un nez de mûre et de cassis. La syrah confère, pour sa part, une influence plus sudiste à nos vins. Mais le fronton est marqué par le style des vins du sud-ouest qui n’ont rien à voir avec les languedocs. » Ainsi, les languedocs ou les côtes-du-rhône se trouveraient sur la sellette, accusés de body-building à une époque où le fruit et la minéralité La devanture est le premier contact qu’un client a avec votre restaurant. Autant que la cuisine ou la salle, elle s’affirme donc comme un élément structurel de l’établissement. Pourtant on s’intéresse rarement aux métiers qui se cachent derrière ces ouvrages. La miroiterie Bonnal crée et agence redeviennent tendance. Dans ce cas précis, on est toujours le sudiste de quelqu’un…

Des rosés de Provence aux gris de Toul comme du chablis aux blancs de Limoux, la carte de France des vins s’avère variée.

Le cas des côtes-du-rhône septentrionaux

Dans les côtes-du-rhône, au nord de Montélimar, on utilise volontiers le qualificatif de côtes-du-rhône septentrionaux en faisant scintiller les appellations prestigieuses, Condrieu, Côte-Rôtie, Hermitage, Saint-Joseph, tout en laissant au sud la célèbre Châteauneuf-du-Pape en guise de consolation. Ce n’est pas David Quillin, ambassadeur de la Cave de Tain qui vous dira le contraire. « Les côtes-du-rhône septentrionaux ont une réelle spécificité avec un monocépage, syrah en rouge et en blanc seulement deux cépages, la marsanne et la roussanne, rappelle-t-il. Il n’y a pas d’appellation générique. Nous avons des influences depuis plus de trente ans les terrasses extérieures et les devantures des brasseries parisiennes. L’aventure débute à la fin des années 1970 avec l’arrivée à Paris de Jean-Louis Bonnal en provenance de Chaudes-Aigues. Après une dizaine d’années comme salarié, il se lance à son compte du climatiques proches de celles de la Bourgogne qui apportent de la fraîcheur à nos vins. La colline de Tain, symbole de notre terroir, où nous sommes attachés à la survivance de culture en terrasses, offre des vins symptomatiques du style septentrional. Nous restons sur le bourgeon de cassis, le fruit rouge. Au sud, on reste plutôt sur une typicité de prune, de pruneau, de fruits noirs. Il faut néanmoins reconnaître qu’avec le réchauffement climatique des vignobles au nord de Valence, comme Saint-Péray, Cornas, subissent une influence méridionale de plus en plus marquée. Mais Saint-Péray, appellation de blancs, se singularise par sa minéralité due à son sol de granit et de calcaire Un vignoble comme Saint-Joseph, qui s’étend sur 60 km le long du Rhône, présente des résultats très différents dans sa partie nord. » Pour être honnête, le réchauffement climatique est plutôt favorable aux vignerons du nord qui disposent côté de Colombes en se spécialisant dans les armatures en acier et aluminium. La miroiterie Bonnal est créée et, avec elle, un carnet d’adresses où l’on va retrouver une clientèle en grande partie aveyronnaise, cantalienne et lozérienne. En 2017, au moment de partir à la retraite, c’est cet esprit familial et traditionnel que Jean-Louis a voulu transmettre à son successeur. Le hasard de la vie fait qu’il rencontre alors Cédric Lachaumette, qui a des racines dans l’Allier et dont la femme est originaire de Saint-Urcize. Président de la société Lachaumette-Chaput, spécialisée dans l’agencement et la menuiserie pour le tertiaire et l’hôtellerie de luxe, ce dernier cherchait justement à reprendre une entreprise familiale dans le domaine de la serrurerie. « Il n’était évidemment pas question de toucher au nom et au fonctionnement global de l’entreprise, commente Cédric Lachaumette. C’est une fierté d’être dans la continuité et donc d’assurer un service où la qualité et la réactivité sont les valeurs fondamentales. Pour répondre à cette attente j’ai fait appel à Antonio Alcobia, serrurier de métier et désormais directeur de la miroiterie Bonnal. On doit beaucoup à Jean-Louis et à ses précieux conseils car nous n’étions aujourd’hui de davantage de marge de manœuvre grâce à une maturité plus facilement atteinte. Au sud, l’ensoleillement, le manque d’eau posent aujourd’hui problème aux AOC qui continuent à proscrire toute irrigation susceptible de réguler les vagues de chaleur. C’est une évolution de la donne notable pas familiers avec le milieu de la restauration. C’est un petit monde qu’on apprend encore à découvrir avec enthousiasme. » Évidemment leur travail ne se cantonne pas aux devantures et terrasses car la serrurerie se décline de multiples manières : d’une simple main courante à des râteliers à verres en passant par du mobilier ou et de la décoration d’intérieur. Partout où il y a du fer, la miroiterie Bonnal répond présent! Et à Jean-Louis Bonnal d’ajouter : « L’avantage de ce métier est qu’on ne fait jamais deux fois le même chantier. » On peut par exemple admirer leur travail du côté du Chien qui fume aux Halles (« un de nos projets les plus complets », souligne Antonio Alcobia) mais aussi au Gramont, boulevard alors qu’il n’y a pas si longtemps les années froides posaient des problèmes au nord de la France et contraignaient certaines appellations à des chaptalisations régulières. Cette pratique est aujourd’hui exceptionnelle.

Des rosés de Provence aux gris de Toul comme du chablis aux blancs de Limoux, la carte de France des vins s’avère variée.

Les coteaux de l’Hermitage et leur culture en terrasses subissent l’influence septentrionale.

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