Les rosés en manque de consommateurs

  • Temps de lecture : 4 min

Les rosés, largement diffusés en restauration et à l’export, réaliseront cette année, en raison du confinement, une contre-performance historique après des années de croissance. Mais l’engouement n’est pas brisé. Il a même pris une dimension internationale.

En cette période de postconfinement, les verres de rosé ont été les premiers à faire leur apparition en terrasse. Cette consommation est devenue un rituel et non seulement en été puisqu’en 2018, les Français ont absorbé 8,7 millions d’hectolitres de ce breuvage. Cela représente désormais près du tiers des ventes de vin dans l’Hexagone. En dix ans, le marché de cette couleur a progressé de 30 % en France. On note tout de même une stabilisation car en 2018, le bond en volumes par rapport à l’année précédente a été limité à 2,3 %. Mais la demande mondiale prend le relais. En dix ans, la demande planétaire de vins rosés a ainsi progressé de 14 %. Plus significatif, entre 2017 et 2018, la consommation a progressé de 9 %. La France, grande consommatrice de ces vins, a largement répondu aux besoins du marché mondial, notamment avec des produits de qualité.

« La France, grande consommatrice de ces vins, a largement répondu aux besoins du marché mondial, notamment avec des produits de qualité. »


C’est pourquoi cette évolution de la demande internationale a boosté les exportations des rosés de Provence, qui ont été multipliées par six en dix ans et qui absorbent désormais 38 % de la production. Cela a, bien sûr, une incidence sur les prix de ces vins qui constituent la référence en matière de rosé. On ne regarde plus les rosés comme des petits vins de soif et les tarifs de certains flacons n’ont plus grand-chose à envier à ceux des grands bordeaux. D’ailleurs, de grandes fortunes françaises (Sacha Lichine au château d’Esclans, Roger Zannier au château Saint-Maur, Frédéric Biousse au domaine de Fontenille, Pierre Gattaz au château de Sannes, Vincent Bolloré au domaine de la Croix, Bernard Teilhaud, au château Sainte-Roseline) et internationales (Angelina Jolie au château de Miraval, Marc Dixon au château de Berne, Charles Cohen, au château de Chausse) ont investi dans le vignoble provençal en acquérant quelques crus classés qu’ils ont développés à grand renfort de marketing. 


LA PROVENCE MISE À MAL

Les bonnes affaires des châteaux de Provence ont été toutefois mises à mal par la crise du Covid-19. Particulièrement impactés par l’effrondrement des marchés export et par l’arrêt des débouchés en CHR, les rosés de Provence de la campagne 2019-2020 ont du mal à trouver preneurs. Le Conseil interprofessionnel des vins de Provence concède une baisse d’activité de 30 % durant cette période et vient de mettre sur la table 1,2 M€ pour relancer le vignoble, notamment à travers une opération de communication menée autour du slogan « On a tous besoin de Provence. »

Force est de reconnaître que les vignerons provençaux ont imposé un style de rosé qui a conquis le marché avec un fruité léger, un coloris ténu et parfois ces variations autour des arômes de bonbon anglais. Il ne faut pas non plus oublier que beaucoup d’autres régions réalisent aujourd’hui des vins de cette couleur et certains y excellent. Le négociant de l’Aude, Gérard Bertrand, vient ainsi de classer une de ses bouteilles, le Clos du Temple, un Languedoc, en tête d’une compétition mondiale sur les rosés, le Global rosé master. Ce vin est ressorti premier ex aequo avec une star provençale, le château d’Esclans. Il convient tout de même de préciser que ces deux vins se trouvent dans le commerce à des prix respectifs avoisinant 200 et 100 €.

Il faut aussi évoquer toutes ces régions qui produisent historiquement du rosé, à commencer par l’Anjou, mais aussi les tavels rhôdaniens qui ont longtemps représenté un modèle avant de tomber en désuétude en raison de leur couleur orangée beaucoup plus prononcée. Il était temps de rappeler l’existence de ces vins de gastronomie trop injustement oubliés. Au mois de février, à Wine Paris, une nouvelle association, les Rosés de terroir a été constituée. Thomas Giubbi, son directeur général, indique qu’il souhaite ainsi « partager la richesse des expressions de nos terroirs, de nos savoir-faire, l’âme qui porte chacun de nos vins et de promouvoir ainsi leur culinarité ». Le regroupement réunit une quinzaine de domaines. La moitié d’entre eux sont des producteurs de tavels, mais on compte aussi 8 acteurs de la Provence, 2 italiens, quelques vins du sud et enfin 2 champenois.

PARTAGER