Exclusivité : selon Generali France, la pandémie de Covid-19 est inassurable

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Pour les professionnels du CHR, l’année 2020 restera marquée par les fermetures administratives, mais aussi un bras de fer avec les assureurs. Selon la compagnie d’assurance Generali France, qui tente d’apporter son soutien au secteur, cette situation vient d’abord d’une confusion née de la rédaction de certains contrats. Pour elle, la pandémie n’est tout simplement pas assurable. Explications de Régis Lemarchand, membre du comité exécutif, en charge du marché des professionnels et petites entreprises et du marché entreprise IARD chez Generali France.

Restaurant fermé
Restaurant fermé

Revue des comptoirs : Est-ce que la perte d’exploitation sans dommage, c’est-à-dire liée directement à la pandémie et la fermeture administrative, est un risque assurable ?

Régis Lemarchand : Malheureusement, les assurances ne peuvent pas tout assurer, et le sujet de la perte d’exploitation qui est un sujet difficile, nous n’y pouvons rien et nous n’avons pas les assises financières pour pouvoir y répondre. La confusion est née du fait que certains contrats couvraient ces pertes d’exploitation. Mais si on regarde ce qu’il s’est passé dans les autres pays d’Europe, à part en France et en Angleterre, les contrats étaient très clairs et n’incluaient pas dans les pertes d’exploitation les conséquences d’une fermeture administrative liée à une pandémie. D’ailleurs, dans aucun pays au monde, l’assurance ne garantit la perte d’exploitation. Il s’avère que pour de multiples raisons, quelques compagnies, à travers d’anciens contrats, avaient accordé ces couvertures. Nous avions nous-mêmes quelques cas chez Generali, des contrats qui dans leur rédaction insuffisamment précise couvraient la perte d’exploitation suite à fermeture administrative. Dans ces cas, nous avons honoré les garanties. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution [organe de supervision français de la banque et de l’assurance, NDLR] a mis en exergue que sur le marché français 93 % des contrats pour les restaurateurs ne couvraient pas la perte d’exploitation liée à une fermeture administrative, 3 % le couvraient explicitement et 4 % étaient flous. Chez nous, c’était plutôt 1 %, et ils ont été honorés. Cette confusion a fait naître l’espoir que les assureurs paieraient pour tout, il s’en est suivi une déception importante entretenue par tous les contentieux. Cela nuit à l’ensemble de la profession, nous le regrettons. La fermeture administrative affecte toutes les parties prenantes. Nous ne pouvons pas arrêter l’épidémie, nous n’avons pas les capacités financières pour compenser les pertes d’exploitation qui font suite à cette épidémie, nous n’avons donc pas d’autres choix que d’accompagner les clients avec les moyens qui sont les nôtres. Dans cette situation-là, Generali a essayé avec les organismes professionnels de trouver des solutions pour soutenir les entrepreneurs.

RDC : Concrètement qu’avez-vous fait pour soutenir les professionnels du CHR ? 

RL: Generali est un acteur important dans le monde professionnel, nous assurons plus de 600 000 pros et entreprises clients en France et à peu près 20 000 cafés, hôtels, restaurants. De façon concrète, nous donnons à la fois de la souplesse et de la rigueur dans l’application de nos contrats. Nous appliquons nos contrats et ne cherchons pas à éluder à travers de petites phrases les responsabilités qui nous incombent et nous n’avons que très peu de litiges avec les restaurateurs. Avec souplesse aussi, parce qu’en cas de retard de cotisations, au-delà des dispositions contractuelles, nous continuons à maintenir les garanties. En termes de prix nous n’augmentons pas depuis juillet les cotisations et nous ne le ferons pas à brève échéance. En termes de solutions, dès que les instances professionnelles ont contacté leurs assureurs de branche Klesia et Malakoff Humanis, nous avons répondu présents pour construire une solution qui venait pallier les difficultés rencontrées par le secteur en proposant un contrat dédié aux restaurateurs, l’assurance HCR multirisque.  

RDC : Cette assurance HCR multirisque, qui a été labellisée par les organisations professionnelles — GNI, Umih, GNC, SNRTC — de quoi s’agit-il exactement ? 

RL: Ce contrat a été décidé rapidement et dans un contexte de résiliations massives opérées par certains acteurs du secteur. Donc la question qui nous a été posée était simple : comment Generali peut apporter du soutien et répondre aux restaurateurs qui se retrouvent sans assureur ou en difficulté par rapport à la situation actuelle ? Nous avons proposé une offre en plusieurs volets. Une multirisque traditionnelle d’abord, qui garantit les établissements contre les incendies, les dégâts des eaux, les vols et les pertes d’exploitation consécutives à ces événements. Puis elle a été enrichie d’éléments clés : une garantie pour le chef d’entreprise et l’ensemble de ses salariés pour le couvrir en cas d’hospitalisation liée à la Covid-19, avec un soutien de services, comme la livraison de repas, la garde d’enfant et des indemnités financières. 

RDC : Vous avez aussi mis en place un service d’accompagnement, baptisé « Mon rebond pro » ?

RL: C’est le troisième volet de cette assurance HCR multirisque. « Mon Rebond Pro » est né du constat que des entreprises sont en difficulté économique et que des entrepreneurs sont en détresse morale. Nous nous sommes appuyés sur des associations reconnues dans leur capacité à soutenir et aider les chefs d’entreprise, SOS Entrepreneurs, 60 000 Rebonds et l’APESA. Ce sont des réseaux implantés dans la France entière, gérés par des bénévoles, qui viennent soutenir les entrepreneurs. Cet accompagnement est proposé par nos agents généraux, qui mettent les professionnels du secteur en relation avec les associations pour des difficultés personnelles et économiques. Notre rôle est la mise en relation et la diffusion de ce service. 

RDC : Donc, cette assurance HCR multirisque ne couvre pas la Covid ?

RL : Les pertes d’exploitation liées aux décisions administratives et d’arrêt d’activité ne sont pas couvertes car elles ne sont pas assurables, nous ne savons pas les mutualiser, ni les anticiper, ni les financer. En effet, l’assurance ne fonctionne que s’il est possible de mutualiser un risque au sein d’une communauté d’assurés. Avec la pandémie et la décision de fermer les établissements, tout le monde est frappé en même temps. Le coût astronomique que cela représente pour l’ensemble de l’économie en France et l’ensemble des restaurateurs atteint des montants plus importants que le chiffre d’affaires des assureurs. D’une certaine façon, si on avait dû payer pour l’ensemble du secteur, les assureurs n’existeraient plus aujourd’hui. 

RDC : La baisse des sinistres lors du premier confinement, notamment automobiles, n’a-t-elle permis aux assurances de faire des économies qui pourraient par ailleurs aider à indemniser les entreprises les plus touchées par la crise ?

RL : Par rapport à une année normale pour les assureurs, nous avons eu moins de circulation donc moins d’accidents automobiles et de facto de sinistres automobiles. En revanche, sur toutes les garanties non automobiles, les garanties multirisques, dommages, prévoyance et santé, nous avons accompagné nos assurés en arrêt de travail sans appliquer de franchise, et ces sinistres ont été en plus grand nombre que les années précédentes. On en parle moins, mais la moindre sinistralité automobile est compensée par une sur-sinistralité en arrêts de travail, incendie et dommages. Les assureurs ont également pris la décision d’aller au-delà des conditions générales et de maintenir par exemple les garanties en cas d’impayés pendant les périodes de confinement. Cela a beaucoup pesé sur nos comptes. Nous avons aussi participé au fonds de solidarité institué par le gouvernement. Les assureurs ont contribué à hauteur de 400 millions d’euros au fonds de solidarité. En faisant la somme des plus et des moins, pour Generali cela représente un effort de 370 millions d’euros sur l’année 2020. À la question, est-ce que Generali a gagné de l’argent pendant cette période, la réponse est non. 


RDC : Quelles sont vos craintes par la suite ?

RL : Nous craignons beaucoup la sortie de crise, une fois que les aides de l’État ne seront plus en place, et que beaucoup de difficultés économiques soient encore masquées. Si on regarde les chiffres de cessation d’activité d’entreprise, pour le moment ce n’est pas très élevé, pourtant nous connaissons les difficultés rencontrées par les entreprises. Ce que l’on essaie de faire, c’est d’apporter un soutien qui aille au-delà de notre mission habituelle d’indemnisation, par exemple avec la garantie Covid et Mon Rebond Pro. Toute notre énergie est maintenant concentrée sur l’espoir de la reprise, sur l’accompagnement post crise, pour être sûre que l’on retrouve le jour J cette capacité à relancer l’économie.

 Régis Lemarchand, membre du comité exécutif, en charge du marché des professionnels et petites entreprises et du marché entreprise IARD chez Generali France.

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