L’esprit de fête règne sur les tables brivistes
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Le pays briviste ne manque pas d’atouts gastronomiques. À l’approche des fêtes, c’est le coup d’envoi pour les foires grasses des premiers marchés de truffes noires. Plus récemment, la région a bénéficié d’une production naissante de vin et d’un chocolatier très en vue.
Georges Brassens a chanté le marché de Brive-la-Gaillarde (Corrèze), sans le connaître, inspiré dit-on par la rime. Reconnaissants de cette mise en lumière poétique, les Brivistes lui ont rendu hommage en donnant son nom à la gigantesque halle en bois qui abrite désormais ce marché. Il vaut le détour pour ses couleurs, son ambiance et l’entrain de ses acteurs. Les commerçants y côtoient les producteurs ainsi que des particuliers qui commercialisent les excédents de leurs jardins ou le produit de leur dernière cueillette de champignons.
À l’extérieur, les camions de commerçants réservent aux passants d’autres découvertes, à l’image du dernier boucher chevalin du Limousin, la Boucherie des Trois galops de Saint-Viance. Plus loin, une des deux sœurs jumelles stars du billot, Anne-Sophie Bach, et son époux, Christophe Ip Yan Fat, Mof boucher et champion du monde de la discipline, gèrent un afflux de clientèle impressionnant. Ce beau marché vit une effervescence particulière en ce premier samedi de décembre qui donne le top départ aux foires grasses. Oies et canards gras, foies gras sont à l’honneur. Un jury a même organisé un concours pour récompenser les plus beaux lots de foies et de canards gras, en matière de texture, de couleur et d’homogénéité.
Le diamant noir
Un arôme puissant de truffe noire dans les travées. La saison du diamant noir est lancée depuis qu’une cloche a retenti, à 8 h 15. La première apparition reste timide, avec seulement quelques corbeilles de truffes. Elles ont subi un contrôle rigoureux préalable, exercé par des représentants de la Fédération des trufficulteurs de Corrèze. Ainsi, lors de la dernière saison, 110 kg de truffes corréziennes avaient reçu une habilitation, mais 40 kg ont été proscrits.
À cette époque, nombre de trufficulteurs locaux estiment que ces champignons ne sont pas encore parvenus à maturité. Il faut savoir qu’à la fin du mois d’août, les Tuber melanosporum en terre présentent déjà leur forme et leur taille définitive. Elles commencent alors à mûrir lentement pour développer des arômes. La truffe atteint sa maturité optimale entre janvier et février, mais la pression commerciale de Noël en conduit certains à anticiper. Les particuliers qui se pressent autour de la table s’arrachent les premières pépites noires. Les balances au départ initialement réglées sur 750 €/kg s’affolent. Un lot exceptionnel part autour de 900 €/kg.
Maurice et Georges Parlange, deux septuagénaires retraités qui possèdent 5 ha de truffières à Turenne, ne travaillent que sur commande et cavent uniquement en fonction de la demande de leurs fidèles clients… et pas question pour eux d’aller chercher des truffes au début de décembre. Après février, ils laissent la terre au repos. Même si leur chien, Mario, ronge son frein le restant de l’année, ils se tiennent à cette règle qui fait la réputation de leur production. Ce lagotto placide, âgé de 9 ans, mérite le nom de « Super Mario » en raison de l’infaillibilité de son odorat. Dès que le chien gratte la terre, Georges est sûr qu’une truffe est présente. Ces septuagénaires ont planté leur première truffière il y a 30 ans. Personnages attachants, ils entretiennent autour de la truffe une passion qui nourrit une belle complicité fraternelle. En affinant des méthodes empiriques, ils sont devenus des experts.
Georges et Maurice ont d’abord planté une majorité de chênes verts mycorhizés, complétés par des chênes pubescents. Puis, dès qu’ils prélèvent une truffe, ils accrochent une petite bandelette de couleur dans les branches de l’arbre le plus proche, pour repérer ceux qui présentent les racines les plus prolifiques. Les arbres qui ne donnent rien sont remplacés à terme. Enfin, avant de refermer la cavité, ils y introduisent une pincée de truffes séchées et émiettées, afin de régénérer la terre.
Dans le centre-ville, la distillerie Denoix est incontournable. Véritable musée, elle a conservé l’aspect qu’elle avait lors de sa création en 1939. Rachetée en 1950 par Pierre Denoix, qui lança la liqueur de noix, produit phare de la maison. Arrière-arrière-petite-fille du créateur, Marie et son mari, Paul Bastier, dirigent aujourd’hui cette entreprise du Patrimoine vivant. Après avoir parcouru le magasin meublé d’antiques étagères en bois et de foudres centenaires, on découvre l’antique atelier où sont fabriqués liqueurs et sirops dans de vieux alambics et des bassines de cuivre et d’étain. Les sirops sont confectionnés au feu de bois et c’est au charbon que sont chauffés les alambics qui réalisent certaines distillations de liqueurs. Les autres sont obtenues par macération.
Au total, la maison Denoix décline 12 apéritifs et 12 liqueurs, mais aussi la célèbre moutarde violette de Brive. Outre la liqueur de noix et le curaçao, parmi ses produits vedettes figurent l’Armagnac à l’orange, la Fenouillette ou le Quinquinoix. Ces alcools artisanaux qui paraissaient un peu surannés il y a 20 ans sont revenus en lumière. La nouvelle génération des mixologues ne jure aujourd’hui que par les liqueurs de cette maison.
Éric Lamy, fort en chocolat
La sous-préfecture de Corrèze représente une étape pour les amateurs de chocolat depuis 2004, date où Éric Lamy s’est établi dans le centre-ville. Ce personnage haut en couleur, âgé de 58 ans, est devenu une référence. Parti d’une simple boutique, il a racheté au fil des ans trois immeubles et annexé une ruelle. Il a installé un salon de thé et des ateliers, où les ouvriers travaillent derrière des vitrines visibles depuis la rue. Le chocolatier a acquis une renommée qui attire une clientèle venue de 100 km à la ronde. Son entreprise emploie 15 permanents.
Passionné par son métier, Éric Lamy en maîtrise toutes les facettes. Il y a deux ans, il a investi 800 000 € dans un Bean to bar, pour transformer des fèves de cacao en chocolat. Une démarche éthique et équitable qui lui permet de sourcer ses approvisionnements, de sélectionner certains terroirs spécifiques et ainsi de proposer une large gamme de chocolats d’origine, à forte teneur en cacao. Dans son souci de maîtriser sa production, le chocolatier a aussi planté 650 noisetiers, dont la récolte devrait à moyen terme entrer dans la fabrication de certaines spécialités chocolatées.