Anthony Courteille : un boulanger cuisinier

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Si Anthony Courteille a d’abord été boulanger avant de devenir cuisinier aujourd’hui, il parvient à endosser ses deux casquettes en mettant la cuisine au service de la boulangerie et inversement. Chez Sain, situé rue des Gravilliers à Paris (3e), la boulangerie de l’après-midi prend des allures de restaurant le soir venu.

Anthony Courteille
Le boulanger Anthony Courteille dans sa nouvelle boulangerie rue des Gravilliers à Paris. Crédit : Elisa Hendrickx

La farine, elle a toujours un peu traîné dans les gênes », lance Anthony Courteille, boulanger et cuisinier, à qui l’on doit l’enseigne Sain Boulangerie (Paris 10e, 3e). « Lorsque j’étais petit, tous les dimanches, on passait une tête dans le fournil de mon oncle. Quand on est gourmand, ces odeurs suffisent à vouloir en faire son métier. » Il commence alors son CAP sous le regard bienveillant de ses parents, qui l’ont toujours « encouragé » dans cette voie. En commençant son apprentissage, Anthony Courteille comprend rapidement que, « le bon pain », il l’a toujours un peu rêvé, presque fantasmé : « J’avais une certaine idée du pain à l’ancienne, mais en faisant mon apprentissage, je me suis vite rendu compte qu’il était souvent mou et peu cuit ». Bon nombre de boulangers utilisent ce qu’Anthony Courteille nomme « du pain gonflette », un pain qui peut être pétri rapidement pour pouvoir en préparer des quantités astronomiques. À 19 ans, les jeux de la vie et du hasard le conduisent en Angleterre, où il est embauché comme tourier dans un hôtel-restaurant. Là, Anthony Courteille découvre un nouvel univers : « Il y a du monde ; les gens s’affairent partout : cela me donne envie de rejoindre les cuisines », raconte le boulanger, les yeux encore illuminés à l’évocation de ces instants. En cuisine, il observe alors « un milieu plus jeune et doté de plus de créativité qu’en boulangerie ». Curieux et avide de nouvelles connaissances, le quadragénaire commence alors à « filer quelques coups de main en cuisine ». Une nouvelle passion est née.

La cuisine doit être à l’image du pain : partagée.
Anthony Couteille, Fondateur de Sain Boulangerie (Paris, 10e et 3e )

À son retour en France, Anthony Courteille rejoint le monde de la haute gastronomie. Il se forme dans les cuisines de Guy Martin au Grand Véfour (Paris, 1er) ou encore d’Alain Dutournier aux Carrés des Feuillants (Paris, 1er). Dans cet univers, il baigne dans une « certaine ébullition ». Lorsque Guy Martin l’appelle pour reprendre le poste de chef exécutif de son Atelier (Paris, 8e), Anthony Courteille n’hésite pas une seule seconde. Pendant quatre ans, il donnera des cours de pâtisseries mais également de boulangerie et de cuisine. Là, il enfile une nouvelle casquette : celle de la transmission. Puis, en 2014, le boulanger décide de se lancer dans une nouvelle aventure. Il ouvre son propre restaurant à deux pas du Canal Saint-Martin dans le 10e arrondissement de Paris : Matière A. Évidemment – et cela semble presque couler de source, Anthony Courteille décide de servir son propre pain à sa table. Dès lors, le cuisinier-boulanger expérimente un tas d’expériences sur les farines. Chez lui, Anthony Courteille commence à les torréfier mais aussi à écumer le sujet des blés anciens. Il finit par faire la rencontre des minotiers du Moulin Bourgeois (Seine-et-Marne), qui lui livre un sac de 25 kg pour son petit restaurant, doté d’une seule et unique grande table. Le cuisinier à la casquette de boulanger sert alors un pain fabriqué à partir de ses nouvelles recherches sur les différentes variétés de blés. Finalement, Anthony Courteille décide de revenir à ses premières amours : la boulangerie. Il ferme alors son restaurant Matière A, qu’il remplace par un fournil. L’aventure Sain Boulangerie commence. « Sain », comme les variétés de blés qu’il choisit minutieusement. Là, il propose ce qu’il nomme « des pains cuisinés », des pains inspirés de la créativité du monde de la cuisine : « Nous avons déjà préparé un pain à la blanquette de veau, par exemple ». Les années passant, Anthony Courteille s’est lancé un nouveau défi, celui d’ouvrir un lieu double, fruit de ses deux passions : la boulangerie et la cuisine. C’est aujourd’hui chose faite avec la nouvelle enseigne Sain, située rue des Gravilliers dans le 3e arrondissement de Paris. Un espace plus grand que le premier, où l’on peut voir – du mardi au dimanche – les boulangers et les cuisiniers œuvrer à leur tâche. Ici, dès 7 h 30, on peut venir s’installer avec son café et une viennoiserie pour « prendre le temps de prendre son temps », comme aime à le souligner le fondateur de cette enseigne à part. Le cuisinier boulanger continue de dénoter par son travail à l’ancienne, à l’image de ses blés. Chez lui, le pain est ainsi préparé avec du levain au foin ou au seigle. Le beurre est bio, le sucre est non raffiné et le pétrissage se fait toujours à la main. Le soir, la boulangerie de l’après-midi se transforme en restaurant familial. Pour Anthony Courteille : « La cuisine doit être à l’image du pain : partagée. La semaine dernière, nous avions préparé un canard cuit sur le coffre. On l’a disposé sur la table et chacun se servait comme il l’aurait fait à la maison ». Désormais, il peut enfin jongler entre le pétrin et la cuisine.

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