Charleyne Valet, penser une cuisine humaine

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En moins d’un an et demi dans la cuisine souterraine du Cyrano, Charleyne Valet a su faire parler de ce bistrot du 17e arrondissement de Paris. Sans formation hôtelière, la cuisinière et propriétaire associée propose une carte évolutive et généreuse, qui lui a valu le titre de Cheffe de l’année 2023 aux Trophées Pudlo des bistrots.

Charleyne Valet
Charleyne Valet. Crédit : DR.

On ne ressent pratiquement plus le vacarme de la place de Clichy, pourtant proche, lorsque l’on arrive devant le Cyrano (Paris 17e ). Ce petit bistrot dégage un charme certain, dans son style Art nouveau, chargé et chaleureux. Au milieu du XIXe siècle, cet établissement de la rue Biot fut une maison close, avant d’être un café-restaurant, repère des artistes surréalistes. Jouxtant le théâtre L’Européen, Le Cyrano est traversé de presque tout son long par un zinc où l’on peut venir prendre son café, boire un verre et se restaurer. Depuis août 2022, ce bistrot d’une trentaine de couverts est la propriété d’une jeune équipe, dont Charleyne Valet est la cheffe de cuisine. Présentant « un profil autodidacte », la restauration est entrée dans sa vie professionnelle il y a seulement huit ans. Après des études de droit et de communication, elle exerce quelque peu dans l’événementiel, puis « la vie a fait que j’ai pu me retrouver en cuisine, confie-t-elle. J’ai commencé en assistant une photographe culinaire, je cuisinais les choses qu’elle photographiait ».

À la suite de cette première expérience, elle enchaîne avec « des petits remplacements de chefs » dans des restaurants appartenant à l’une de ses amies, près du Carreau du Temple, comme la Crêperie Gigi (Paris 3e). Alors qu’elle tâtonne encore, c’est dans le nord de la capitale qu’elle endosse le tablier de cheffe. « Avec Antoine Heerah au Chamarré [Paris 18e, NDLR], c’est là que j’ai eu la vraie formation express, à l’ancienne, mais qui était très formatrice et très intéressante. » Après une année au sein de ce restaurant aujourd’hui fermé, c’est au Nord Nord (Paris 18e), « une espèce de bistrot-cantine », qu’elle poursuit et perfectionne ses gammes. Grâce à cette nouvelle assise de cheffe, Charleyne Valet entreprend la création d’une boîte de conseil en catering. « Je suis un peu revenu à mon métier de base, l’événementiel, mais en alliant la cuisine. C’était assez chouette, avec plein de demandes diverses et variées », précise la jeune femme, qui imagine alors des cartes pour des restaurants… avant que la pandémie de Covid prenne le dessus. À la sortie du confinement, elle reprend un poste de cheffe pour accompagner l’ouverture d’un restaurant à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), confiée à Chloé Charles, révélée au grand public par « Top chef ».

C’est à peu près à cette même période que l’aventure du Cyrano commence. « Nous sommes quatre à avoir repris l’endroit, avec chacun des compétences différentes. Moi, je m’occupe de la partie cuisine, et les garçons sont au bar, détaille la cheffe propriétaire associée. Avec un lieu comme ça, on a quand même des vrais repères bistrot qui sont prédominants. On ne voulait rien dénaturer, j’avais envie de respecter ce côté bistrot […]. Après, ce qui est important pour moi, c’est de travailler avec des produits de saison, selon les envies et les moments. » La volonté de cette cheffe, âgée de 34 ans, est « d’avoir un lieu accessible à tous ». Pour ce faire, le menu complet (entrée-plat-dessert) est facturé 25 €. Et si votre déjeuner est consommé au comptoir du Cyrano, l’addition sera réduite de quelques euros.

« J’avais envie de respecter ce côté bistrot. »
Charleyne Valet, Cheffe et copropriétaire, Le Cyrano (Paris 17e)

L’offre du midi change ici toutes les semaines. La carte est articulée avec trois entrées, trois plats, deux desserts et un fromage. « En ce moment, on travaille pas mal la courge. On a toujours une terrine le midi et on travaille un œuf d’une certaine façon », note Charleyne Valet. Le soir, Le Cyrano propose une autre carte où « des petites assiettes » viennent accompagner les verres. On peut alors plonger dans un tarama à l’huile d’herbes (9 €), picorer une terrine de veau et de cochon accompagnée de zaatar et de pickles (9,50 €), ou s’attaquer à une assiette de cèpes sautés, d’œuf parfait, de mousse de parmesan et d’huile de persil (24 €). Les becs sucrés seront ravis d’honorer la poire pochée, servie avec du mascarpone, praliné cacahuète et tuile chocolatée (8,50 €). À moins de privilégier le flan au sésame noir (6,50 €). L’étroitesse du lieu a nécessité d’établir la cuisine au sous-sol. « On fait toute notre mise en place en bas, mais on envoie derrière le bar pour chaque service: on monte nos plaques et on finit de cuisiner ici, explique la cheffe. C’est sympa parce que c’est convivial et qu’on est assez proche du client, après c’est une vraie organisation. »

Malgré cette contrainte pratique, Charleyne Valet a reçu le Trophée de la cheffe de l’année 2023, du Pudlo des Bistrots. Une récompense gratifiante pour quelqu’un qui exerce depuis peu dans la profession. « Je ne suis pas forcément la cheffe la plus technique mais ça motive, ça donne un petit coup de boost », reconnaît-elle. Fière de réussir à déplacer les clients parisiens « un peu plus loin que le 11e », la cheffe du Cyrano aime à penser « une cuisine humaine » avec « des produits raisonnés », sans oublier d’avoir un management, lui aussi, raisonné : « C’est un super métier mais tellement difficile que c’est vraiment la base. »

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