Dans le petit bois de Trumilou
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Depuis plus de 35 ans, Corinne Dumond-Charvin veille sur Le Trumilou, un pur bistrot parisien où elle a mis en place une ambiance de ferme cantalienne. Très attachée au Claux, le village d’origine de ses parents, elle cultive ses racines et fait profiter ses clients des bons produits de ce département.
Le temps semble s’être arrêté dans les années 1950 au Trumilou. Le soleil matinal s’engouffre dans les larges baies vitrées pour mettre en relief ce décor d’un autre temps, à mi-chemin entre un bistrot d’après-guerre et une ferme cantalienne. Depuis les banquettes, les clients ont une vue imprenable sur la Seine, Notre-Dame et le Panthéon.
Ce n’est pas une surprise si la propriétaire, Corinne Dumond-Charvin, n’a jamais envisagé une seconde de quitter cet établissement où elle est entrée pour la première fois en 1986. Elle avait 20 ans à l’époque et son père souhaitait lui mettre le pied à l’étrier en rachetant cette adresse. Ce natif des Claux (Cantal) est monté à Paris pour exploiter Les Boulistes, un des derniers restaurants routiers parisiens.
Par la suite, il a acquis la Poule au pot (Paris 7e), restée dans la famille depuis lors, mais placée en gérance libre. Il l’a quittée ensuite lors du rachat du Trumilou. Pendant dix ans, Corinne a épaulé son père avant de lui succéder en 1996. Elle y travaille désormais en famille avec son mari Alain, son beau-frère, Thierry et sa sœur Stéphanie. Au total, elle emploie 8 personnes dans ce restaurant ouvert 7 j/7, midi et soir. Sa principale fierté reste d’avoir sauvegardé le caractère familial de cette adresse devenue au fil des années une ambassade du Cantal dans la capitale.
Un bistrot chargé d’histoire
Presque rien n’a changé dans ce vieux bistrot depuis l’après-guerre. La physionomie des lieux raconte son histoire. La pièce centrale abrite le bar qui arborait, dans les années 1940, le nom de Maison Duffour. Le photographe Robert Doisneau était un familier des lieux. Le vieux comptoir en Formica, signé Martin Meallet, présente la patine et l’usure des générations qui s’y sont accoudées.
En 1966, la famille Rouby, originaire du Cantal, rachète le café pour l’agrandir quelques années plus tard en rachetant la menuiserie contiguë. Elle a rebaptisé l’établissement Trumilou, en hommage au nom d’un petit bois cantalien de la forêt d’Auzers, près de Trizac. Ensuite, ce fut au tour du coiffeur voisin d’être annexé.
« Je garde un pied dans le Cantal et l'autre à Paris. »
L’établissement s’étend aujourd’hui sous trois immeubles avec un bar et deux salles. Il offrait près de 130 places assises avant le confinement. Pour respecter la distanciation, Corinne Dumond-Charvin a réduit la capacité à 110 places assises.
35 ans d’expérience au Trumilou
Depuis 35 ans le Trumilou fonctionne comme un métronome. Un plat du jour (avec café offert) à 14 €, une formule à 18 € (entrée + plat), attirent une clientèle régulière. Le ticket moyen (30 € au déjeuner et 35 € au dîner) reste fédérateur, et le restaurant assume son rang de bistrot. Des propositions accessibles comme l’œuf mayo voisinent avec des plats de tradition plus sophistiqués tels que les ris de veau façon grand-mère.
Deux fois par semaine, Alain se rend à Rungis pour les approvisionnements. Le couple se fournit aussi avec d’autres fournisseurs du Massif central : les charcuteries Mas, Laurent Valette pour le fromage de chèvre du Quercy ou François et Charlène Loubeyre, des cousins cantaliens de Corinne, pour leur miel.
Côté vins, le Trumilou travaille avec la Maison Richard et avec des producteurs en direct, comme la maison Prosper Maufoux pour les bourgognes, Dominique Salmon pour le sancerre, Pierre Desprat pour ses saint-pourçain et ses côtes-d’auvergne et la maison Couderc pour ses apéritifs. Corinne assure qu’elle« garde un pied dans le Cantal et l’autre à Paris ».
Le Cantal à Paris
Elle conserve précieusement au Claux une grange et une maison où elle aime se ressourcer l’été. Elle quitte toujours son village à regret. Mais la dernière fermeture contrainte des restaurants l’a conduite à passer sept mois dans sa maison où elle a découvert une autre manière de vivre.
Même si elle est née à Paris, elle se sent si imprégnée par ses origines qu’elle a aménagé ce restaurant comme une ferme cantalienne. Année après année, elle a personnalisé le décor avec des outils des champs, des tableaux et surtout des dessins. De nombreux dessinateurs sont des familiers des lieux. Cabu s’asseyait souvent au fond, à droite. Il a laissé à la propriétaire un dessin où l’on voit Jean Tibéri et Jacques Chirac dissimuler un magot électoral dans le bois de Trumilou.
Loup, dans un autre dessin, nous livre sa version personnelle de l’origine du nom du restaurant. Deux autres dessins sont particulièrement chers à Corinne, celui réalisé d’après une photo où l’on peut voir son grand-père devant la table de sa ferme. Une autre présente le père de la restauratrice avec son physique à la Jean Ferrat en train d’animer son restaurant.« Tous deux veillent sur moi »,assure la restauratrice en regardant les portraits de ses chers disparus.