Guillaume Grasso, le maestro de la pizza

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Dans sa pizzéria éponyme du 15e arrondissement de Paris, Guillaume Grasso s’attache à faire vivre un savoir-faire ancestral, celui de la vraie pizza napolitaine. Dans la capitale, il est d’ailleurs le seul à avoir obtenu ce label très prisé, symbole d’authenticité et d’une histoire qui raconte sa vision de la dolce vita.

Guillaume Grasso
Guillaume Grasso. Crédit : DR.

Chez Guillaume Grasso, vous ne trouverez jamais sur votre table une huile piquante pour asperger votre pizza et encore moins d’ananas prédécoupé pour conférer un pseudo-exotisme à cette belle italienne. Guillaume Grasso est un puriste de la pizza, et ses clients ne s’y trompent pas. Certains sont même prêts à traverser tout Paris pour rejoindre son établissement situé rue de Brancion, au fin fond du 15e arrondissement. À l’intérieur, placardés sur les murs, des titres de meilleur pizzaïolo en pagaille.

Champion de France et d’Europe sur plusieurs années consécutives, Guillaume Grasso n’a visiblement plus grand-chose à prouver. Il est devenu, à force de travail acharné, un maestro en la matière. « Je viens d’une famille historique de pizzaïolo. À Naples il n’y en a que 14 », déclare-t-il fièrement. Pourtant, le chef est né et a grandi à Paris. Cette histoire, digne d’un film de Fellini, il la doit d’abord à son grand-père. Fuyant la guerre, ce dernier s’installe dans la capitale avant d’être rejoint par une partie de sa famille. Dès lors, les Napolitains investissent le quartier de Saint-Germain-des-Prés avec l’ouverture de Bertollo, Santa Lucia et Da Pietro mais également Le Bistrot Napolitain, rue Franklin-Roosevelt (Paris 8e). Tous proposent évidemment des pizzas, et c’est avec ce goût que Guillaume Grasso grandira.

« J’étais fasciné par l’odeur du restaurant de mes grands-parents. Je me souviens du tailleur de ma grand-mère, toujours très élégante, et de mon grand-père qui faisait cuire les pizzas. J’aimais tourner dans les différents établissements de ma famille », explique le trentenaire. Pourtant, il attendra 2013 pour faire son tout premier voyage à Naples. « Ado, j’avais déjà pour projet d’ouvrir ma propre pizzéria. Je voulais honorer mon grand-père. Et lorsque j’ai rencontré la partie de ma famille qui était restée là-bas, j’ai goûté leur pizza et j’ai ressenti beaucoup d’émotion. C’était un moment indescriptible. Je voulais apprendre l’art de la pizza avec ma famille napolitaine », confie-t-il, encore émerveillé.

Là-bas, il entreprend une formation avec l’Associazione Verace Pizza napoletana, (AVPN), l’association qui délivre le label de la vraie pizza napolitaine. À Paris, il est le seul à pouvoir se targuer de l’avoir obtenu haut la main. « Il fallait que je comprenne tout ce savoir-faire, car même les pizzas de ma famille installée à Paris n’étaient pas aussi bonnes que les leurs », soutient le jeune pizzaïolo. De retour en France, Guillaume Grasso cherche un établissement où mettre en pratique tout ce qu’il a appris avec ceux qu’il appelle « les dieux vivants ». « Les Italiens vénèrent les grands pizzaïolos comme nous le faisons avec Bocuse en France », s’amuse-t-il. Il lui faudra deux années pour trouver sa perle. « Il s’avérait que cette adresse avait un jour appartenu à ma famille. C’était une ancienne pizzéria, alors il y avait déjà un four, l’installation a été très simple », précise-t-il. Ainsi, en 2018, Guillaume Grasso se lance enfin dans l’aventure de la pizza, la vraie. Il fait un nombre incalculable de recettes pour comprendre le produit de A à Z et revenir à l’essentiel, cette pâte qu’il a apprise au cœur de Napoli. « Si la tradition existe, c’est qu’il y a une raison », clame le pizzaïolo. Rien ne lui échappe : taux d’humidité de la pâte, temps de fermentation, fraîcheur de la buffala et sucrosité des tomates. Il pourrait en parler durant des heures. « Je veux le meilleur », voilà qui est dit.

Chez lui, on retrouve deux grandes catégories de pizzas, les classiques et celles d’auteur. Dans les premières, les margaritas défilent. « Je veux faire comprendre aux clients que les pizzas napolitaines de base sont incroyablement savoureuses. Dans la marinara et la margherita, tu peux avoir des goûts totalement différents pour seulement un produit en plus ou en moins », explique-t-il. Pour celles d’auteur, le chef explique « composer des choses différentes mais toujours d’après la tradition et ce, sans partir dans les sphères de la haute gastronomie. Une pizza, ça doit être simple, efficace, et se manger rapidement. » D’ailleurs, il n’hésite pas à protester contre ceux qui font flamber les pâtes surboursouflées sur les réseaux sociaux. « Aujourd’hui, le problème c’est que bon nombre de pizzaïolos copient ce qui se passe dans la haute gastronomie, c’est un peu leur laboratoire. Mais il faut le dire : mettre des produits déshydratés, cuire à basse température… Ce n’est pas ça préparer une pizza », argumente-t-il. À l’avenir, Guillaume Grasso ne se voit pas spécialement ouvrir d’autres adresses, même s’il est aujourd’hui épaulé par une équipe « fiable », qui le suit depuis ses débuts. « J’aime quand tout est parfait. J’ai tendance à vouloir tout contrôler, alors je préfère avoir une unique adresse qui deviendra, je l’espère, incontournable et intemporelle plutôt que de me développer. Aujourd’hui, ce qui me rend heureux c’est d’avoir l’impression de vivre la même vie que mon grand-père », conclut-il.

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