Jimmy Menacer, le plaisir de servir

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Depuis près de 20 ans, L’Esprit tchaï propose une carte de plats frais et savoureux à prix réduits. Toute l’offre– des entrées aux desserts, en passant par les soupes– est préparée dans la cuisine ouverte installée derrière le comptoir. Jimmy Menacer est à la tête de ce petit restaurant, qui se démarque des multiples enseignes de la rue Oberkampf (Paris 11e).

Jimmy Menacer
Jimmy Menacer. Crédit : DR.

Un bon commerçant et bien plus encore. C’est ce que laisse entrevoir Jimmy Menacer. Le patron de L’Esprit Tchaï est un homme accueillant et généreux avec ses clients. En attendant l’arrivée de votre commande, il est fort probable qu’il vous offre du smoothie fraîchement mixé. Mais avant de servir des soupes, des plats (entre 6€ et 10€), des desserts et des cookies maison, Jimmy Menacer a connu un parcours arpenté dans la restauration, les métiers de bouche… et des incursions dans d’autres secteurs.

Si son frère a choisi la voie de la cuisine, il s’en est vite écarté par manque «de goût» pour la chère. «Moi c’était l’inverse, j’ai toujours bien aimé la nourriture. J’étais celui qui mange de tout, affirme-t-il. J’avais une grand-mère qui cuisinait super bien. Ce rapport à la nourriture me vient d’elle. Ces plats étaient top. Et les repas du dimanche, c’était hors d’œuvre, entrée, plat, trou normand (alors qu’on n’est pas normands), fromage et dessert.»

C’est à 18 ans qu’il commence à se frotter à la restauration. Ce pied-noir, né en Algérie juste avant l’indépendance, s’initie au service en salle sur l’île de Beauté avant de partir en vadrouille. «J’ai compris que pour voyager c’était génial, parce qu’il y a des restaurants français partout dans le monde. Tu te présentes dans un restau et si tu es assez bon, même si tu ne parles pas bien la langue locale, les gens sont contents d’entendre parler français», se rappelle cet homme de 62 ans, dont la carrière tourne au début des années 1980. C’est à la tête d’un snack-bar, dans un camping du bois de Boulogne, qu’il prend la gérance de sa première affaire. «C’était une concession de la Ville de Paris. On donnait aussi la possibilité aux gens de l’extérieur du camping de venir se restaurer, dont les travestis du bois Boulogne», explique Jimmy Menacer.

Après deux années à vendre des saucisses-frites, des entrecôtes et des salades, un autre univers s’ouvre à lui. Il s’associe avec son fournisseur de baguettes, par ailleurs habitué du snack, pour exploiter malicieusement une boulangerie du 16e arrondissement de Paris, près du lycée Molière. «Il y avait une trappe au-dessus du four. L’idée était de faire pousser les pains au chocolat pour qu’ils puissent être prêts à la sortie des écoles», relate Jimmy Menacer.

« Les influences viennent de mes amis.»
Jimmy Menacer, L'esprit Tchaï (Paris 11e)

L’odeur de viennoiserie se répand dans le quartier et attire les clients. «Les gens nous disaient: “vous nous avez attrapés par le nez”», s’en amuse aujourd’hui l’intéressé. Avide de nouvelles expériences professionnelles (et humaines), il monte ensuite une structure avec un couturier pour répondre aux besoins de grandes maisons de prêt-à-porter parisiennes. Mais le résultat est «inégal». Il revend donc ses parts et exerce alors au sein d’une société de sécurité spécialisée dans les tournages de films. En parallèle, il achète un bar-tabac à Montfort l’Amaury (Yvelines) avec deux associés. Ouvert sur de larges amplitudes horaires, l’enseigne fonctionne à plein régime, mais l’entrepreneur commence à se poser des questions : «Je ne bois pas, je ne fume pas… et je vends du tabac et de l’alcool. Quant aux tournages de films, c’est un monde que je trouve hypocrite.»

En 1999, commence donc une nouvelle expérience professionnelle. Celle de Spécial Comptoir. Dans ce petit local de la rue Oberkampf, il se lance avec un ami dans une offre presque monoproduit. Seules des soupes et des glaces artisanales sont proposées. «Cet endroit est celui qui me ressemble le plus, je suis donc venu de plus en plus», soutient Jimmy Menacer, devenu le seul propriétaire du fonds de commerce. Entre-temps, un autre emplacement se libère plus bas dans cette rue animée du 11e : l’actuel Esprit Tchaï. Si la surface n’est pas très grande, elle permet de se restaurer sur place. «Je me suis recentré sur cette petite affaire et je n’ai que celle-ci maintenant.»

L’offre de restauration n’a fait qu’évoluer depuis l’ouverture, en 2005, de L’Esprit Tchaï. «Ça a commencé par un biryani au poulet, un biryani végétarien et des jus de fruits frais. Ensuite, le tikka est devenu un plat de toujours et j’ai rajouté des salades et d’autres choses, comme des desserts ou encore des hot-dogs pendant le covid», énumère le restaurateur, dont la proposition s’articule autour de «produits frais» et de «spécialités du monde entier à un prix imbattable». S’il admet «une colonne vertébrale indienne» dans ses plats, ses burritos sont d’influence mexicaine, ses gaspachos espagnols et ses soupes de légumes plutôt françaises. «Les influences viennent de mes amis, assure-t-il. J’ai un pote qui importe de la menthe du Maroc, il m’a donné sa recette du thé et on en fait ici. Un pote m’a parlé des desserts au fromage blanc, j’en fais aussi. Quant au Délice au poulet de Madame Asma, ça vient de mes collaborateurs.»

Après avoir employé jusqu’à sept personnes, il compte aujourd’hui trois salariés. Sa charge de travail est plus importante, mais il ne semble pas contrarié : «Je me retrouve comme dans mes jeunes années à faire les fermetures. C’est drôle».

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