Laurent Nègre, amoureux des vieux bistrots 

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En dépit des aléas de la vie, Laurent Nègre est parvenu en une décennie à signer quatre succès dans la restauration parisienne. À peine couronné par la Coupe du Meilleur Pot pour la Grille Montorgueil (Paris 2e), il s’attelle désormais à un nouveau défi : la reprise et la relance du Petit Saint-Benoît (Paris 6e).

Laurent Nègre
Laurent Nègre. Crédit : DR.

L’attribution de la Coupe du Meilleur Pot à Laurent Nègre n’a guère surpris. Ce restaurateur, âgé de 44 ans, a signé quatre succès dans des restaurants parisiens durant la dernière décennie. Il a magistralement redressé ces adresses, tout en leur forgeant une solide réputation. En choisissant de le couronner avec La Grille Montorgueil (Paris 2e), l’Académie Rabelais salue aussi la sauvegarde d’une des dernières grilles parisiennes. Leur histoire remonte à près de trois siècles et à un édit royal qui avait ordonné que les commerces de vin installent des grilles à leurs fenêtres. Avec sa riche carte de vins, Laurent Nègre perpétue la tradition. Cette particularité a séduit le jury. « Je crois simplement que je cochais toutes les cases : un vieux bistrot, une centaine de références de vins, une ouverture 7j/7 et un service continu », commente Laurent Nègre avec modestie. Le natif de Saint-Geniez-d’Olt (Aveyron) traverse l’existence avec une fausse nonchalance qui cache son hyperactivité. En ce début du mois de janvier, il relève trois défis. Il continue de veiller sur la Grille Montorgueil, tout en mettant en place – depuis le 27 décembre dernier – la relance du Petit Saint-Benoît (Paris6e) qu’il vient de racheter. Comme si cela ne suffisait pas, il a décidé de reprendre la conduite de L’Étincelle (Paris 9e), qu’il avait placée depuis plusieurs années en gérance libre.

Des registres différents

Les trois adresses de Laurent Nègre évoluent dans des registres différents. La Grille Montorgueil se présente comme une brasserie traditionnelle. Tandis que L’Étincelle offre des prestations plus simples. De son côté, Le Petit Saint-Benoît se positionne clairement dans le registre bistrot, avec à la carte des clas siques comme le boudin de chez Parra, le filet de bœuf ou le bar de ligne. Mais le ticket moyen de l’établissement (35 €) a volontairement été orienté vers le haut: « J’ai résolument opté pour une démarche qualitative », explique-t-il. Pour autant, Laurent Nègre a mis en place une formule à 22 € pour ne pas se couper de la clientèle des habitués du Petit Saint Benoît. Ce vieux bistrot à la devanture en bois, a vu le jour en 1901. Toujours équipé d’une porte tambour, d’un antique frigo en bois et de chapelières d’un autre siècle, il fait partie de l’âme de Saint-Germain-des-Prés. Comme en témoignent d’anciennes photos, des voisins comme Jean-Paul Belmondo, Serge Gainsbourg ou Marguerite Duras étaient des clients assidus.

«J’ai résolument opté pour une démarche qualitative.»
Laurent Nègre, La Grille Montorgueil, à Paris 2e

Comme il l’a fait à la Grille Montorgueil, Laurent Nègre n’a surtout rien voulu changer à ce décor. Il a simplement mis en place une pompe à bière, une machine à glaçons, une machine à café et une caisse enregistreuse. Un détail visible a cependant changé : sur les tables, des nappes blanches remplacent progressivement celles à carreaux rouges, confirmant les ambitions de montée en gamme du nouveau propriétaire, adorateur de vieux bistrots. Même sa première adresse, L’Étincelle, est installée dans un ancien relais de poste où Marie-Antoinette aurait fait boire ses chevaux durant le périple qui l’emmenait à Varennes (Meuse). En vingt ans de carrière dans la restauration, le patron aveyronnais a effectué un parcours sans faute. Avant de plonger dans la limonade parisienne, il avait connu une expérience de cinq ans dans le secteur de la téléphonie, en Europe et en Afrique. En 2004, et à la suite de cette expérimentation du monde téléphonique, il décide de monter à Paris pour découvrir l’univers des brasseries. Après une formation dans les équipes de L’Alouette (Paris13e) et du Vavin (Paris 6e), il acquiert le tabac Marbeuf (Paris 8e), associé à Emmanuel et Stéphane Vayron. C’est en 2013, à l’époque de la revente du tabac, que Laurent Nègre se lance en solo et investit ses parts dans la reprise de L’Étincelle. Son chemin à succès a été pourtant semé d’embûches, avec d’abord un problème de santé qui l’oblige à subir une délicate opération cardiaque.

Après avoir surmonté ce coup du sort, il crée le Marmot, rue de Trévise (Paris 9e), en hommage à son village natal. À peine l’établissement connaît-il une fréquentation soutenue que l’explosion de gaz ravage l’artère début 2019 et détruit partiellement la brasserie. « Quand nous avons rouvert, la crise sanitaire a éclaté. Mon équipe s’est dispersée. Je n’avais plus envie de tout reconstruire et j’ai vendu », résume-t-il. Ce nouveau coup du sort ne l’a pas empêché la même année d’acquérir la Grille Montorgueil. Mais là encore, l’apparition de la Covid a considérablement différé la montée en puissance. «Heureusement, nous avons connu deux très bonnes années en 2022 et 2023, qui nous ont mis hors de danger », confie-t-il. Fidèle à lui-même, Laurent Nègre ne s’affole jamais face aux caprices du destin. Arc-bouté sur ses excellents rapports qualité-prix, il est persuadé d’avoir choisi une orientation d’avenir qui traverse les crises et les aléas.

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