Pauline Séné, la talentueuse saucière 

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Dans son néobistrot Le 6 – anciennement Le 6 Paul Bert –, situé rue Paul-Bert dans le 11e arrondissement de Paris, Pauline Séné propose une cuisine d’auteure à la fois engagée et traditionnelle. La sauce y est toujours tenue pour vedette. Son approche intergénérationnelle puise dans les classiques de la cuisine bistrotière française et rassemble.

Pauline Séné
Pauline Séné. Crédit : DR.

Il est 15h lorsqu’on retrouve Pauline Séné au 6 (Paris11e), en lieu et place de l’ancien et mythique bistrot Le 6 Paul Bert. L’établissement, qui jusqu’à récemment n’accueillait que des résidences de chefs, se situe non loin de la boucherie et des cageots de fruits et légumes siglés « Terroirs d’Avenir ». C’est incontestable, tout dans cette rue appelle à la gourmandise. La cheffe, elle, vient seulement de terminer son service. «Je dis souvent aux gens que je travaille dans la restauration car j’ai encore un peu de mal à me qualifier de “cheffe”, mais ça vient petit à petit…», déclare la trentenaire, ancienne candidate de Top Chef, saison 12. Pourtant, chez elle, l’engouement pour les fourneaux coule de source : «J’ai toujours aimé cuisiner et vers 13-14 ans je savais déjà ce que je voulais faire plus tard. Mes grands-parents étaient maraîchers, alors j’ai grandi avec de bons produits. Et comme mon père travaillait à Rungis, je pouvais tout avoir assez facilement.»

C’est ainsi qu’adolescente, Pauline Séné faisait des listes de produits sur les bancs de l’école, puis les glissait à son père. «Il y a quelque chose d’un peu égoïste dans ce que je vais dire, mais j’ai d’abord cuisiné pour mon seul plaisir. Par gourmandise et parce que j’aimais manger», confie-t-elle, sourire aux lèvres. «Aujourd’hui encore, j’aime sincèrement le temps consacré à la préparation. Ce temps long où l’on épluche et taille les légumes, toutes ces odeurs qui s’en exhalent… Je trouve qu’il y a un côté instinctif en cuisine que l’on ne retrouve pas en pâtisserie. Ici, on peut toujours rattraper en bidouillant un peu», explique la cheffe. Dans son bistrot délicatement épuré, les vases serties de fleurs fraîches s’établissent un peu partout : «J’adore les fleurs, j’en ai même certaine Mais ce qu’elle aime sans doute encore plus que les fleurs, ce sont les sauces! Cet amour du condiment bien fait, Pauline Séné le cultive allègrement au sein de ses cuisines «C’est ce que je préfère faire», confie-t-elle. Et c’est peu dire : l’établissement est rempli d’effluves de ces délicieuses préparations qui mijotent des heures durant… Alors évidemment, au 6, saucer, c’est presque devenu une règle : «J’ai toujours adoré manger des plats en sauce… Et toujours avec beaucoup de pain évidemment! Pour moi, ce moment où l’on sauce, il est sacré. C’est ce qui va venir finir mon plat. Ce plaisir-là, j’ai envie de le transmettre à mes clients.»

« Pour moi, ce moment où l’on sauce, il est sacré. »
Pauline Séné, Cheffe du restaurant Le 6, Paris 11e

Pour Pauline Séné, la force de sa cuisine, «c’est qu’elle n’est pas clivante. Elle rassemble et réconforte. C’est un classicisme qui peut parler à toutes les générations. Souvent, quand je regarde la salle, je vois autant de personnes âgées que de jeunes. Cela veut dire que cela touche tout le monde, et rien ne peut me faire plus plaisir». En ce qui concerne les réseaux sociaux – véritable outil de communication des professionnels ancrés dans leur temps –, la cheffe est catégorique: «Je ne suis pas dans ce truc branché, même si bien sûr il faut tout de même un peu jouer le jeu… Je suis contente de me dire que les gens viennent au 6 sans avoir vu la belle photo sur Instagram. C’est lié au fait que l’on bénéficie de l’aura du Paul Bert mais aussi un peu grâce à mon nom», affirme-t-elle avec beaucoup d’humilité.

Le parcours de Pauline Séné est à l’image de ce qu’elle propose au 6 de la rue Paul-Bert : double. Passée par l’Auberge basque près de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) et le Laurent (Paris 8e), elle a également travaillé au sein du Semilla (Paris 6e) ou encore chez Roca (Paris 17e) et 52Faubourg Saint-Denis (Paris 10e) avant d’intégrer les cuisines de l’étoilé Cobéa (Paris14e ). «Aujourd’hui, j’essaie d’allier les deux au sein de ma cuisine; j’oscille», justifie la cheffe. Ainsi, à l’heure du déjeuner, Pauline Séné propose une formule entrée-plat-dessert au prix de 28 €. Là, elle en profite pour répéter et revisiter avec ce qu’il faut de délicatesse et d’audace les classiques qui ont fait la renommée de la cuisine bistrotière française. «Cela m’amuse de proposer un bœuf bourguignon ou une blanquette de veau. J’ouvre Le Guide culinaire d’Auguste Escoffier et cela me donne l’impression de retourner à l’école.»

Le soir, Le 6 prend des airs plus gastronomiques, «même si je n’aime pas tellement ce mot», précise la cheffe. «Je pars sur des choses moins classiques comme des pleurotes, crème de pommes de terre, câpres, jus de viande et ail noir (26€), un magret séché aux poivres et ses noisettes (12 €), mais également des huîtres, jus de coriandre et moutarde (24€). D’ailleurs, ces huîtres, elles plaisent même à ceux qui n’aiment habituellement pas ça alors je les laisse à la carte presque toute l’année!» Le temps allant, Pauline Séné déclare épurer davantage son travail des saveurs, mais reconnaît tout de même avoir encore «un gros travail de désencombrement à faire». «Parfois je veux trop en mettre», admet-elle. Impossible de lui en vouloir, c’est sans doute l’apanage des passionnés, de ceux pour qui choisir un produit plutôt qu’un autre s’assimile dès lors à renoncer

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