Après le rachat du Champagne Henriot, TEVC dévoile sa nouvelle stratégie

  • Temps de lecture : 5 min

Terroirs & Vignerons de Champagne (TEVC) a procédé à un nouvel élargissement de son portefeuille avec l’acquisition du Champagne Henriot. Celle-ci s’inscrit dans une dynamique plus large de premiumisation avec l’ambition d’intégrer le trio de tête des producteurs de champagne.

Les Aulnois, bâtisse située à Pierry (51), appartient au Champagne Henriot depuis 2014. Crédit : Champagne Henriot.
Les Aulnois, bâtisse située à Pierry (51), appartient au Champagne Henriot depuis 2014. Crédit : Champagne Henriot.

Après l’officialisation du rachat du Champagne Henriot par Terroirs & Vignerons de Champagne (TEVC), les représentants de ce dernier ont précisé, ce 4 octobre 2023, la nouvelle configuration du groupe viticole, tout en présentant d’ambitieux objectifs. « Tout allait bien avec un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros et l’objectif dépassé de 10 millions de bouteilles de Nicolas Feuillatte vendues », se remémore Véronique Blin, présidente de TEVC, à propos du Centre Vinicole-Champagne Nicolas Feuillatte qui a fusionné en 2021 avec la Coopérative Régionale des Vins de Champagne pour donner naissance à TEVC, avant de poursuivre : « Nous pensions toutefois qu’il existait un plafond de verre et que notre progression pouvait s’enrayer. Il nous fallait donc changer de dimension. Nous avons réalisé de très nombreux investissements. »

Parmi ceux-ci, l’acquisition du champagne Abelé 1757, intervenue en 2019. Un bouleversement poursuivi avec la fusion de 2021 entre les « deux plus importantes structures coopératives de Champagne » et puis le rachat du Champagne Henriot. Cette dernière acquisition répondant à « une phase de conquête du marché haut de gamme », comme le souligne Véronique Blin.

Une ambition justifiée par la conjoncture. « Le nombre de riches et d’ultra riches progresse dans le monde de manière considérable », expose Christophe Juarez, directeur général de TEVC, soulignant ainsi, par voie de conséquence, que les produits de luxe suivaient la même trajectoire. « Le vin se positionne à la quatrième place dans le monde du luxe. Je crois que nous sommes en train de vivre un changement de paradigme en Champagne, avec un passage d’une logique de volume à une logique de valeur », ajoute-t-il par ailleurs pour appuyer son propos.

La premiumisation dans le viseur

Dès lors, parmi les orientations stratégiques du groupe, la premiumisation figure fort logiquement en bonne place, tout comme la transformation, en « donn[ant] une nouvelle image à la coopération parce qu’elle développe de très belles marques », insiste Christophe Juarez. « Nous cherchons à reprendre la main s’agissant de Nicolas Feuillatte pour déplacer un peu de ventes de la grande distribution vers le circuit traditionnel », complète Véronique Blin.

De plus, l’accompagnement des vignerons coopérateurs fait également partie des lignes directrices, que ce soit à la vigne ou dans l’administratif. D’ailleurs, cette priorité est fortement liée à l’innovation, en particulier la transition écologique. « Nous travaillons depuis cinq ans sur la filière bio. Nous souhaitons également mettre un coup de projecteur sur les premiers crus et nous prévoyons d’ouvrir un site d’élaboration de vins rouges pour nos cuvées de rosé », énumère alors le directeur général de TEVC. Ce dernier souhaite en outre une juste rémunération des coopérateurs. Cet axe rejoint celui de la « politique sociale dynamique » imaginée par le dirigeant dans le but de pérenniser le groupe.

« Notre envie est d’influer, de marquer les esprits et de porter une voix originale dans le champagne », martèle Christophe Juarez. De plus, le directeur général ne manque pas d’ajouter vouloir « arriver à être présent dans le trio de tête des acteurs de la Champagne [parce que] ce groupe prend des décisions qui structurent la région ». Et ce, notamment en « concev[ant] un portefeuille de marques s’adressant pour chacune à un segment de clientèle ».

Ce portefeuille est déjà bien garni, avec Nicolas Feuillatte, le « luxe accessible », qui représente, à fin 2022, entre 10 et 12 millions d’équivalent bouteille, Castelnau, le « champagne d’auteur », dont la production tourne autour de 1,5 à 2 millions d’équivalent bouteille. Mais également Abelé 1757, la « maison historique et artisanale », avec 300.000 à 500.000 équivalent bouteille. Sans oublier le Champagne Henriot, avec environ 960.000 cols vendus.

Une nouvelle gouvernance pour le Champagne Henriot

La dernière acquisition en date va permettre à TEVC d’accélérer son internationalisation. En effet, la maison dont le siège se situe à Reims (51), réalise 64% de son chiffre d’affaires (d’un total de 32,6 millions d’euros) à l’export, majoritairement au Japon, aux États-Unis et au Royaume-Uni. De plus, « avec les équipes du Champagne Henriot, nous bénéficions d’une implantation au Japon parce qu’il y a un accord avec le groupe Suntory, et aux États-Unis avec une équipe de trois commerciaux », détaille le directeur général, avant de préciser : « Nous avons ouvert un bureau au Japon pour Nicolas Feuillatte et nous allons recruter. »

En mettant la main sur ce réseau et ces compétences, le dirigeant de TEVC estime avoir « probablement gagné cinq années de développement ». Par ailleurs, l’arrivée du Champagne Henriot dans le giron de TEVC induit la propriété de vignes, une première pour le groupe viticole. En effet, parmi les 38 hectares que la maison de champagne exploite, trois sont en propre.

L’arrivée du Champagne Henriot change quelque peu la donne dans la philosophie du groupe. « Jusqu’alors, tout était sous le même toit. Dans le cas présent, nous allons travailler l’opération comme une filiale, avec des équipes qui seront autonomes pour leur permettre d’évoluer à leur rythme en fonction de leur maturité », développe Christophe Juarez. Un choix de gouvernance a donc été effectué.

Christophe Juarez occupe désormais le poste de directeur général de Champagne Henriot, en complément de ses fonctions de directeur général pour TEVC et Nicolas Feuillatte. Il a nommé Alice Tétienne directrice générale adjointe. Cette dernière est cheffe de caves et directrice du vignoble du Champagne Henriot depuis février 2020. Ludovic Machet a quant à lui été désigné secrétaire général. Il occupe depuis mars 2020 le poste de directeur administratif et financier au sein de la maison de champagne.

En outre, ce trio intégrera le comité exécutif nouvellement créé. Deux représentants du groupe TEVC que sont François Roquebrune, directeur des ressources humaines et transformation, ainsi que Manuela Dominioni, secrétaire générale, complèteront ce comité qui assurera la liaison entre la maison et le groupe.

Néanmoins, malgré ces nombreux investissements et le développement du portefeuille du groupe, sa présidente Véronique Blin, elle-même vigneronne, insiste pour ne pas oublier leurs racines : « Nous sommes des femmes et des hommes issus du vignoble, attachés à valoriser notre magnifique appellation champagne. »

PARTAGER