Sophie Kessler-Matière, la dame de Calissanne

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Ancienne présidente de l’Auvergne Business Club, Sophie Kessler-Matière veille depuis près de 20 ans sur deux domaines vinicoles dont le château Calissanne, en Provence. Elle a fait de ce lieu une référence internationale en diversifiant les activités, en développant la production oléicole et en jouant la carte de l’œnotourisme.

Le restaurant Chez Mimi de Sophie Kessler-Matière.
Le restaurant Chez Mimi de Sophie Kessler-Matière. Crédits : Au Coeur du CHR

Sophie Kessler-Matière partage sa vie entre trois demeures : son appartement parisien à partir duquel elle mène ses affaires, son château de Calissanne en Provence où elle veille sur ses vignes, ses oliviers, et enfin sa maison de Raulhac, village où elle a grandi. « Mon cœur est à Raulhac, mes bons souvenirs demeurent à Calissanne », reconnaît celle qui a conservé son âme cantalienne. Cette femme d’affaires, sœur de Philippe Matière, a su tracer un chemin personnel complètement en dehors du sillage de l’entreprise Matière, fondée par son grand-père et qui fait aujourd’hui la fierté d’Arpajon-sur-Cère.

Sophie Kessler-Matière. Crédits : Au Coeur du CHR.

Elle garde certes un pied dans le Cantal, mais la majorité de ses activités se déroule en dehors de l’Auvergne. Son défunt mari, Philippe Kessler, énarque de formation, était un grand capitaine d’industrie qui a notamment présidé les Salins du midi et créé le holding CIPM œuvrant dans le bâtiment industriel. Il avait également investi dans la désalinisation de l’eau. Philippe Kessler était issu d’une grande famille alsacienne, mais né au Puy-en-Velay, il se revendiquait auvergnat.

Au début des années 2000, le couple cherchait à acquérir un petit domaine dans les vignes provençales avant de décider de racheter le château Calissanne presque par hasard.

En avril 2007, Philippe Kessler racontait ainsi aux Échos sa première visite du domaine : « Je cherchais 10 ha dans le Midi. On m’en a proposé 1 000 dont 107 de vignes et 57 d’oliviers. Lorsque j’ai débarqué à Lançon, sous ce ciel bleu intense, face aux collines de l’Estaque, ce fut le coup de foudre. »

Dans la foulée de cet investissement dans l’AOP coteaux-d’aix-en-provence, l’industriel a acquis un beaucoup plus petit domaine, les 11 ha de la Clef de Saint-Thomas, mais situé dans l’AOC châteauneuf-du-pape. Philippe Kessler n’aura profité que peu de temps des fruits de ses deux vignobles d’exception. Sa disparition prématurée, en 2008, va laisser Sophie Kessler-Matière face à de très lourdes responsabilités. Elle va reprendre en main le holding de son mari et préside encore aujourd’hui CIPM international. Elle veille à ce titre sur les deux vignobles et particulièrement sur celui de Calissanne. Elle a su en 15 ans faire de cette propriété un grand nom de la Provence sans pour autant céder à la facilité du tout rosé, puisque cette couleur représente 70 % de la production du château.

« Mon cœur est à Raulhac, mes bons souvenirs demeurent à Calissanne. »

Sophie Kessler-Matière met un point d’honneur à maintenir une production de rouges non négligeables, des vins moins tendances mais qui expriment très bien le terroir provençal. Sous sa gouverne, les vins du château ont obtenu la bagatelle de cinq médailles d’or et trois médailles d’argent aux différents Concours généraux agricoles. Elle a aussi développé la production d’huile d’olive et initié celle de truffes. Elle a su relever le défi de la commercialisation, n’hésitant pas, par exemple, à ouvrir une boutique à Berlin pour vendre les produits de ses deux domaines. Enfin, elle a été une pionnière de l’œnotourisme en créant à Calissanne la Villa Bellevue, un lieu événementiel.

Aujourd’hui, ce domaine préservé de 12 km2 séduit de nombreux réalisateurs qui viennent y tourner pour le cinéma ou la télévision. Sophie Kessler-Matière apprécie ces parenthèses : « Les cinéastes ont un œil extérieur différent du nôtre sur le lieu. Leur vision peut nous apporter des idées. » Malgré son emploi du temps très chargé, elle maintient un lien étroit avec la communauté auvergnate.

Aux sources du Cantal

Cette cheffe d’entreprise avisée a ainsi par le passé présidé l’Association de l’Auvergne Business Club. Elle a souhaité, il y a quelques années, que son fils Thomas fasse sa confirmation à l’église Saint-Géraud d’Aurillac. Il ne se passe pas un mois sans qu’elle vienne se ressourcer dans son village de Raulhac aux confins du Cantal et de l’Aveyron. Elle a même fait profiter la commune de son expérience en matière de tourisme en ressuscitant de belle manière Chez Mimi le café du Village (Voir n° 7042 page 4). C’est d’ailleurs sa décoratrice fétiche, Jennifer Nölken, qui a signé le décor de Chez Mimi dans les coloris rouge et vert pâle qu’elle avait déjà établis à la Villa Bellevue comme dans la boutique berlinoise. Ces codes couleurs apparaissent aujourd’hui comme la griffe de Calissanne.

Elle a mis également en place à Raulhac deux chambres d’hôtes et réfléchit à la création d’un espace de remise en forme, mais se donne du temps pour aboutir. Cette cheffe d’entreprise discrète se garde des attitudes bling bling de mise dans bien des domaines provençaux. C’est grâce à sa prudence et son pragmatisme si elle est parvenue à faire de château Calissanne un vignoble attractif et rentable. En vingt ans, elle a ainsi rendu possible le rêve qu’elle partageait avec son mari.

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