Julien et Victoria Ayral : ils font renaître le Cantal

  • Temps de lecture : 4 min

Décidés à ouvrir un restaurant gastronomique, Julien et Victoria Ayral ont choisi de s’installer dans l’auberge désaffectée d’un village isolé du Cantal. Malgré la crise sanitaire, la greffe a pris. L’adresse demeure, en effet, déjà durablement inscrite sur la carte des bonnes tables du département.

SOS Villages a proposé à Julien et Victoria Ayral de reprendre une auberge paysanne fermée pour en faire La Femme du Barbu. Crédits : L'Auvergnat de Paris.
SOS Villages a proposé à Julien et Victoria Ayral de reprendre une auberge paysanne fermée pour en faire La Femme du Barbu. Crédits : L'Auvergnat de Paris.

Au début de l’année 2020, Julien et Victoria Ayral ont repris le dernier café de Malbo, un village d’altitude isolé, comptant moins de 100 habitants, et accroché sur les pentes du Plomb du Cantal. SOS Villages leur avait proposé de reprendre cette auberge paysanne fermée depuis près de deux ans et demi. À peine avaient-ils eu le temps de se faire connaître de leurs voisins qu’ils ont été contraints de fermer le 14 mars. Un vrai coup dur pour ces parents de trois enfants qui avaient brûlé leurs vaisseaux en Charente-Maritime pour tenter une aventure cantalienne.

Ne pouvant afficher d’antériorité ou de chiffre d’affaires, Julien et Victoria sont passés à côté des aides gouvernementales. Mais le couple dynamique n’est pas du genre à baisser les bras. Ils se sont immédiatement lancés dans la fabrication de menus à emporter. Dès le premier week-end, ils ont vendu 45 menus, une semaine plus tard 120 menus étaient écoulés en deux jours. Ainsi, l’entreprise engrangeait des recettes salvatrices, mais surtout le couple a tissé un lien fort et durable avec le voisinage, accélérant ainsi son implantation locale.

Un succès rapide

Très vite, dès que les restrictions d’ouverture ont été levées, une clientèle extérieure à la localité a commencé à fréquenter assidûment l’adresse et le guide Gault et Millau a promu le chef au titre de « jeune talent ». Invité à Lyon lors de la remise du trophée, Julien Ayral a reçu les félicitations des chefs Marc Veyrat et Davy Tissot pour ses escalopes de foie gras aux agrumes, un de ses plats signatures.

Je me suis donné dix ans pour affirmer ma cuisine.
Julien Ayral, Chef de La Femme du Barbu

Ce succès rapide n’est pas une vraie surprise. Le jeune chef de Malbo, âgé de 37 ans, avait déjà fait ses preuves. Originaire de Caen, il a commencé une carrière d’électromécanicien avant de tout envoyer promener faute de réelles perspectives d’avenir. À l’âge de 24 ans, il a repris le chemin du lycée professionnel pour obtenir un CAP de cuisine un BEP à Niort. S’il a travaillé au début de sa carrière aux Plaisirs des sens, un restaurant gastronomique, il a aussi prêté main-forte à la brigade d’une simple brasserie. Avec humilité, il a exploré toutes les facettes de son métier.

Un périple jusqu’à Mablo

Posant son sac à La Rochelle, il a souhaité intégrer la brigade d’une grosse brasserie servant plus de 1 000 couverts par jour. « C’était important pour moi de comprendre comment ils s’organisaient », explique-t-il. Il n’a pas non plus rechigné à travailler huit mois dans les cuisines d’une chaîne de crêperies Mamie Bigoude pour intégrer des méthodes d’hygiène et de traçabilité pointues. « En entrant dans ce métier, indique Julien, je me suis donné dix ans pour affirmer ma cuisine. » Les choses sérieuses ont commencé pour lui à La Rochelle où il a travaillé pour Yohan Leclerc, Meilleur ouvrier de France. Il est devenu le chef exécutif de son restaurant principal avant de diriger les cuisines de son bistrot italien.

Avant de s’installer à Malbo, le couple a négocié en vain le rachat de plusieurs restaurants avant de comprendre qu’il écrirait plus facilement son avenir sur une page blanche. L’ampleur de l’investissement requis représentait systématiquement un obstacle. La proposition d’installation à Malbo avec l’aide de SOS Villages a doucement cheminé dans leurs têtes et s’est progressivement imposée. Cette implantation en milieu ultra-rural constitue également un projet de vie pour leurs trois enfants, qui ont vite trouvé leurs marques dans cet environnement.

La femme du barbu

Le nom de l’établissement, La Femme du Barbu, constitue un clin d’œil à l’aspect hips-ter de Julien, mais surtout il affirme le rôle de Victoria. Cette Parisienne a un effet déterminant dans l’entreprise, d’abord en tant que pâtissière. À La Rochelle, elle s’était déjà fait connaître dans ce domaine. Familière de la communication et des réseaux sociaux, elle est vite devenue la pâtissière de nombreux événements rochelais haut de gamme.

Aujourd’hui dans le restaurant, elle signe la carte des desserts et sait se muer en parfaite hôtesse. Sa gentillesse, sa sincérité, sa simplicité et sa détermination font écho avec la clientèle locale.

S’adapter à l’environnement

Julien reconnaît que la municipalité attendait de lui une prestation plus accessible, avec notamment un menu ouvrier au déjeuner. « Nous n’étions pas contre l’idée, assure-t-il, mais nous nous sommes aperçus qu’il n’y avait pas de passage dans le village. La clientèle, il faut la faire venir. » Ayant choisi de travailler à deux, ils ferment deux jours par semaine. Ils limitent volontairement leurs services à 15 couverts, malgré la demande croissante. Julien et Victoria s’efforcent toutefois de rester accessibles localement en matière de prix avec un ticket moyen qui ne dépasse pas 45 €. Le jeudi soir, ils mettent en place un menu dégustation en six services (vin compris) à 70 €. Un moyen d’organiser des instants privilégiés et de tester la créativité du couple.

www.lafemmedubarbu.fr

PARTAGER