L’agriculture biologique s’invite en cuisine

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À l’occasion du salon international de l’agriculture, l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique a réuni ses partenaires sur le stand Agridemain. Au programme, un débat autour de l’usage de produits certifiés bio dans la restauration.

Image d'illustration bio. Crédits : Srilanka / Unsplah

Tandis que la crise covid avait insufflé dans de nombreux foyers français un retour vers une consommation plus responsable de produits locaux, les habitudes alimentaires et l’inflation semblent avoir balayé d’un revers de main ces bonnes résolutions. Aujourd’hui dans la restauration en France, le bio représente « moins de 4% » affirme le représentant personnel du président de la République pour la gastronomie et l’alimentation, Guillaume Gomez, présent lors du débat. Alors que 40% des jeunes agriculteurs qui s’installent projettent de faire du bio, qui seront les consommateurs ?

Pour Stéphane Layani, président du marché de Rungis « le bio fonctionne, mais il faut qu’on le retrouve dans les restaurants ». Un avis partagé par ses confrères. Toutefois, il s’agit d’un processus plus difficile à mettre en place qu’il n’y paraît. En moyenne, le bio ne « dépasse pas 10% dans les cartes », explique Valérie Saas-Lovichi, vice-présidente du GHR. Un chiffre dérisoire qui pourrait s’expliquer selon elle par les « difficultés pour les restaurateurs à se fournir en matières premières ». Un point de vue partagé par son confrère Jean Terlon, vice-président de l’Umih « Le bio est avant tout une démarche personnelle de chef et de citoyen, avance t-il, si sur le principe personne ne souhaite utiliser des produits bourrés de pesticides, on fait encore croire aux citoyens que le bio est réservé aux bobos. » Pour changer les mentalités, éduquer et sensibiliser deviennent alors les maîtres mots. Si les habitudes sont tenaces, l’une des solutions serait d’amener les cuisiniers à travailler du bio dès leur formation. Un projet défendu par Ismaël Menault, directeur général de l’école de Paris des métiers de la table : « Nous devons faire entrer le bio dans les écoles. Éduquer les jeunes et les nouvelles générations est primordial pour initier un changement. »

L’avis des chefs 

Alors si la différence est avant tout organique ou même gustative, le bio est éminemment « politique », affirme Guillaume Gomez. De l’éducation à l’alimentation, tous les acteurs ont leur part à jouer et les clichés ont la vie dure. Alors que le bio est encore considéré comme trop cher, Thibaut Spiwack estime qu’il peut constituer un argument de vente. « C’est avant tout un bon moyen de certifier à la clientèle la qualité de nos produits », explique l’ambassadeur de l’agence bio dans la campagne bioréflexe. Pour lui, le bio ne serait pas synonyme de perte financière, au contraire. « Mon établissement gastronomique est complet tous les jours et à l’heure où tout le monde peine à trouver des collaborateurs, je suis en sureffectif ». Un bon moyen donc de recruter du personnel pour celui qui s’est engagé dans cette démarche lors de l’ouverture de son restaurant écogastronomique, Anona, il y a quatre ans. Chez lui, pas de denrées transformées. « On travaille uniquement des produits bruts. Nos préparations nous prennent plus de temps mais on peut avoir davantage d’utilisation pour un même aliment », certifie le chef.

Autre partisan du bio, Loïc Guines, producteur laitier et président de l’agence bio, défend bec et ongles le label : « Dans mon domaine j’ai pu observer une différence de tarif faible qui se chiffre à 100€ la tonne entre un lait conventionnel et un lait bio. » Alors si les tarifs des produits bio explosent en bout de course, la solution repose certainement dans la limitation des intermédiaires et le travail avec des producteurs locaux. « Le bio aujourd’hui doit être expliqué et démystifié, mais surtout fonctionner de paire avec la proximité et la saisonnalité » témoigne Jean Terlon de l’Umih. Les agriculteurs, quant à eux, doivent être inclus dans la boucle dans un objectif commun de qualité de service. « Il faut que les producteurs travaillent pour et avec les chefs, il faut créer un lien avec la restauration », explique Laurent Guglielmi, éleveur charcutier. Enfin, si le bio semble plus rentable qu’il n’y paraît Guillaume Gomez rappelle l’importance d’un engagement émanant directement des acteurs, « si celui-ci est punitif il ne sera pas viable ». Pour inciter les français à consommer plus de bio « les restaurateurs doivent servir d’exemple et les pouvoirs publics les accompagner pour construire ensemble l’avenir du bio en France », conclue t-il.

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