Saint-Wandrille renoue avec la tradition brassicole monastique
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Depuis 2016, les moines de l’abbaye de Saint-Wandrille, à Rives-en-Seine, brassent eux-mêmes de la bière au sein du monastère. Leurs recettes correspondent à un cahier des charges exigeant et connaissent un succès considérable.

Il existe, en France, trois bières liées à des abbayes. Celle de Solignac (Haute-Vienne) est brassée à façon par un partenaire. À l’abbaye Sainte-Marie-de-Lagrasse (Aude), ce sont des chanoines qui œuvrent depuis 2023. Ces derniers ont été formés à Saint-Wandrille (Seine-Maritime), abbaye bénédictine, pionnière du retour de la tradition brassicole monastique. L’aventure a débuté en 2014. Historiquement, cette abbaye fabriquait de la cire encaustique, mais ce travail a été délocalisé dans la région de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Jusqu’en 2011, le travail de la communauté s’était davantage orienté vers la fabrication de microfilms et de numérisation de documents pour la Défense.
Reprendre une activité oubliée
Pour diverses raisons, cette activité a dû être abandonnée et la communauté s’est alors interrogée sur la manière de remplacer cette ressource. « Le frère Jean-Pierre a suggéré la bière et l’idée a fait son chemin », indique le frère Matthieu Landri, qui est désormais en charge de cette activité. Cet ancien ingénieur lillois a intégré la communauté à cette époque. Ordonné diacre en 2022, il a participé à toute l’aventure. « Au début, explique-t-il, nous avons tâtonné en réalisant des brassins de 20 litres. Les gens qui les goûtaient nous assuraient, par politesse, qu’elle était bonne. Mais nos recettes n’étaient pas satisfaisantes au regard de l’objectif de qualité que nous nous sommes fixé. »
La communauté s’est alors tournée vers Hervé Marziou. L’ancien biérologue de Heineken a conseillé et orienté les moines de Saint Wandrille vers un équipement et une matière première adaptée. Les religieux ont suivi des formations au lycée agricole de Douai (Nord). Et l’Institut français des boissons et de la malterie (IFBM) de Vandœuvrelès-Nancy (Meurthe-et-Moselle) a réalisé des audits. La brasserie fut inaugurée le 1er décembre 2016. Le frère Landri regrette de n’avoir pu travailler davantage avec des ingrédients locaux, même s’il a récemment fait un essai avec du malt de Normandie Malt, près de Bayeux (Calvados). « Au départ, ajoute-t-il, nous avions imaginé d’utiliser l’eau de la fontaine de l’abbaye, mais l’ARS nous en a dissuadés. »
650 hectolitres de bières
Aujourd’hui, le monastère dispose d’une salle de brassage d’une capacité de 10 hl, complétée par 4 fermenteurs de 20 hl chacun, dans lesquels la bière séjourne un mois. Ainsi, trois bières permanentes sont produites : la Saint-Wandrille (bière traditionnelle d’abbaye), la Sicera (une blonde/blanche) et la Scottici (une noire). Les noms des bières sont le plus souvent inspirés des ouvrages latins que traduit le frère Landri. Chaque année, Saint-Wandrille participe à une collaboration en confectionnant une bière en commun avec un brasseur partenaire. Cette année, l’abbaye a brassé avec la jeune Brasserie dieppoise une blonde double (8°), la Caribde.
L’année passée, le monastère a ainsi produit 650 hl de bière. Matthieu Landri rappelle qu’il n’est pas engagé dans une course à la croissance. Et que la communauté souhaite préserver sa quiétude spirituelle. « Nous avons fixé un prix assez élevé (prix public de 5,20€/50 cl) pour assurer une rentabilité convenable. » Environ 40 % des volumes sont d’ailleurs directement écoulés par la boutique de l’abbaye. Le reste est diffusé via le réseau monastique et vers des caves à bières. Des cafés de la région, comme la Boîte à bières ou les Frères Berthom à Rouen (Seine-Maritime), proposent aussi la Saint-Wandrille à la pression. Si les moines de ce village normand reçoivent l’aide d’une laïque pour la commercialisation, ils maintiennent un dialogue attentif direct avec les consommateurs et la communauté des brasseurs. Outre leur collaboration annuelle, ils s’autorisent trois participations annuelles à des salons.