De nouvelles règles en 2024

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Plusieurs dispositifs législatifs concernant la restauration sont entrés en vigueur cette année. Le principal implique le tri des biodéchets : une mesure désormais obligatoire pour tous. Par ailleurs, si la dérogation sur l’utilisation des titres-restaurants est prolongée en GMS, la loi « immigration » pourrait être partiellement censurée par le Conseil constitutionnel.

règles 2024
Depuis le 1er janvier 2024, le tri des biodéchets est obligatoire pour tous. Les restaurants doivent désormais séparer les restes alimentaires des autres déchets. Crédit : DR.

La restauration et les métiers de bouche font partie des plus gros producteurs de biodéchets. Déjà rendu obligatoire depuis 2023 par la loi AGEC (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) pour les professionnels en produisant cinq tonnes par an (100 à 200 repas par jour), le tri des biodéchets s’applique désormais à toutes les entreprises et aux particuliers depuis le 1er janvier 2024. Pour rappel, les biodéchets sont défi nis par le Code de l’environnement comme «les déchets non dangereux biodégradables de jardin ou de parc, les déchets alimentaires ou de cuisine provenant des ménages, des bureaux, des restaurants, du commerce de gros, des cantines, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que les déchets comparables provenant des usines de transformation de denrées alimentaires». En d’autres termes, les épluchures, carcasses, arêtes, restes d’aliments solides et liquides entrent dans ces catégories. Jusqu’à présent, ces déchets finissaient le plus souvent dans les déchets ménagers, destinés à l’enfouissement ou à l’incinération. «Le but est de les sortir de la poubelle pour qu’ils soient valorisés par le compostage sur place, si l’établissement peut le faire et le réutiliser, ou via une collecte séparée avec un prestataire qui vient collecter ces biodéchets», explique Marie Boursier, chargée de mission biodéchets de l’ADEME Île-de-France.

La collecte et le traitement des biodéchets s’inscrivent ainsi dans une logique circulaire, permettant la production de biogaz – par le biais de la méthanisation – ou de compost et de fertilisants naturels pour l’agriculture. Concrètement, en séparant les biodéchets (composés à 80 % d’eau) des autres résidus, le compost sera utilisé comme «une matière organique qui est très importante pour nos sols», ajoute Marie Boursier. Si les collectivités ont la compétence de collecter les biodéchets pour les ménages, les professionnels doivent passer par un prestataire privé. Mais la situation ne semble pas si simple. «Les petits commerces se trouvent dans un entre-deux et la question se pose toujours de savoir qui doit payer : la collectivité ou le commerce lui-même», note Sébastien Gacougnolle, cofondateur de Tryon Environnement, une entreprise qui implante des micro-unités de méthanisation au plus près des sources de production de déchets.

La gestion des biodéchets revêt donc des particularités spécifiques à chaque territoire, qu’il soit urbain ou rural, rendant son organisation assez complexe. De plus, «il y a une grande différence entre un fast-food avec des approvisionnements très optimisés et des processus qui génèrent 40 g de déchets par couvert, et un gastronomique où cela peut monter de 300 à 400 g. Sans compter les déchets carnés et les coquillages qui pèsent lourd», précise Martin Guinement, responsable grands comptes en Île-de-France pour Les Alchimistes, société collectant et valorisant les biodéchets en compost. À noter également que les professionnels qui n’appliquent pas cette réglementation du tri à la source des déchets, s’exposent à une amende de 75 000 € et à un emprisonnement de deux ans.

Titres-restaurants : prolongation des achats en supermarché 

Cette question continuera certainement à animer des débats dans la profession. Pour autant, la dérogation concernant l’utilisation des titres-restaurants en grande et moyenne surface (GMS) et dans les supermarchés se prolonge. En effet, la loi n° 2023-1252 du 26décembre 2023 prévoit une période dérogatoire, jusqu’au 31 décembre 2024, de la prolongation des produits éligibles à l’achat avec un titre-restaurant. Ainsi, cette année encore, le salarié peut acquérir des fruits et légumes, du poisson, de la viande, du lait et des produits laitiers, des desserts, des viennoiseries, de l’huile, de l’eau, du café ou encore des jus de fruits en GMS. Seuls les boissons alcoolisées, les confiseries, les produits infantiles, les produits animaliers et non alimentaires restent inéligibles à l’achat avec un titre-restaurant. Cette loi n’a pas été spécialement bien accueillie par les restaurateurs. «Les organisations syndicales étaient contre, ils ont envoyé un courrier pour s’opposer à l’utilisation du titre en GMS. Cela était consensuel entre nos quatre collèges», confie Patrick Bouderbala, président de la Commission nationale des titres-restaurants (CNTR).

À la suite de l’annonce de cette prolongation, l’Umih avait fait savoir que cette mesure allait entraîner « un manque à gagner très important pour des milliers de restaurateurs qui ont besoin de cette activité pour le service du midi». Quant au plafond quotidien des paiements en titre-restaurant, il se stabilise cette année à 25 €. Par ailleurs, en application de la loi de finances pour 2024, le plafond d’exonération de la contribution patronale à l’acquisition par les salariés de titres-restaurants est fixé à 7,18 € par titre. «La valeur du titre-restaurant ouvrant droit à l’exonération maximale est comprise entre 11,97 € (participation employeur de 60 % de la valeur faciale) et 14,36 € (participation employeur de 50 % de la valeur faciale)», précise le CNTR.

Titres de séjour, une loi en suspens 

«Les écoles ne fournissent plus la ressource métier dont on a besoin, c’est un fait», nous déclarait Thierry Marx, en novembre dernier. Le président de l’Umih ne souhaitait alors «pas prendre position» sur le sujet de la loi «immigration», ajoutant que le débat n’était pas apaisé «pour aborder cette question cruciale». Pour sa part, Catherine Quérard, présidente du GHR, demandait aux législateurs –à la même période dans nos colonnes –que «la procédure soit à la main des travailleurs étrangers et que l’entreprise cesse de payer une taxe de régulation». La nouvelle présidente de l’organisation patronale espérait également que les métiers de la restauration et de l’hôtellerie «soient inscrits sur la liste des métiers en tension». Le 19décembre, le projet de loi «immigration » a été adopté non sans heurts, après plusieurs rejets du Parlement. Le texte initial proposé par le Gouvernement prévoyait l’obtention «de plein droit» d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers s’ils prouvaient leur résidence en France depuis au moins trois ans, et justifiaient huit fiches de paie. Le texte finalement adopté par la Commission mixte paritaire (CMP) a repris «une grande partie des mesures adoptées par le Sénat qui avaient durci le texte du Gouvernement», estime Le Monde, dans un article publié le soir de l’adoption de la loi. En effet, «le travailleur devra prouver qu’il a travaillé 12 mois dans un métier en tension au cours des 24 derniers mois, au lieu de 8 dans le texte initial», poursuit le quotidien.

Si la CMP a validé l’autonomie de la demande de régularisation par rapport à l’employeur, il sera exigé un casier judiciaire vierge au demandeur d’un titre de séjour. Pour autant, cette loi n’a toujours pas été promulguée. Elle a même fait l’objet de saisines auprès du Conseil constitutionnel, notamment par le président de la République. Les neuf sages se prononceront donc le 25 janvier prochain sur cette loi, afin de juger si le texte voté est conforme à la Constitution. «Dans un régime démocratique avancé comme le nôtre, on peut toujours modifier l’état du droit mais, pour ce faire, il faut toujours veiller à respecter l’État de droit», a déclaré Laurent Fabius, président de Conseil constitutionnel. Enfin, pour éviter qu’on lui reproche une ingérence politique, l’ancien Premier ministre de François Mitterrand a tenu à préciser que le Conseil constitutionnel n’était «ni une chambre d’écho des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix du Parlement, mais le juge de la constitutionnalité des lois.»

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