La déferlante du poké bowl

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Apparu en France en 2016 avec des enseignes comme Pokawa, ce plat d’inspiration hawaïenne a trouvé ses lettres de noblesse en Californie. Composé d’une base de riz vinaigré surplombée de poisson mariné, de fruits et légumes, le poké bowl coche toutes les cases du succès : sain, rapide à consommer et coloré, il fait fureur sur les réseaux sociaux.

Poké Bowl, photo d'illustration. Crédit Pokawa
Poké Bowl, photo d'illustration. Crédit Pokawa

Poké bowl… Quèsaco ? Si vous n’avez pas encore entendu parler de cette préparation à base de riz et de poisson mariné, vous n’êtes pas forcément has been : l’arrivée de ce plat dans nos contrées remonte à un peu plus de trois ans. Malgré tout, la déferlante est telle que le « poké », comme on l’appelle couramment, est loin de passer inaperçu. D’abord cantonné à des enseignes spécialisées – Natives, Pokawa, Poké Bar, Dice Poké ou encore Hawaiian Poké –, le Poké Bowl a tour à tour investi les restaurants à sushis, puis les restaurants et les brasseries, comme chez Mon Coco, place de la République, à Paris, et chez bien d’autres restaurateurs à l’offre culinaire dépoussiérée.

« Il est sain et équilibré et, surtout, il est très instagramable.»

En livraison, le poké pulvériserait aussi des records, rappelant la conquête effrénée du burger ces dernières années – les ventes sur l’application de livraison Just Eat auraient été multipliées par trois. Bernard Boutboul, fondateur du cabinet Gira Conseil, abonde : « Le poké bowl suit la trajectoire du burger. Le produit part d’enseignes spécialisées avant de se répandre partout. Soudainement, les restaurateurs se sont mis à le servir à table. Il est sain et équilibré et, surtout, il est très instagramable. C’est un plat qui se décline à toutes les sauces grâce à la juxtaposition d’ingrédients. » Une vision que partage François Blouin, fondateur et président du cabinet d’études Food Service Vision : « Les poké bowls sont le symbole de l’influence anglosaxonne sur l’alimentation d’aujourd’hui. Ils associent la qualité à la transparence, avec des ingrédients séparés. Le modèle américain, notamment, est un modèle de juxtaposition. Dans un poké bowl, par exemple, vous remarquez le saumon, l’avocat, le quinoa, etc., l’ensemble vous donnant l’impression d’un plat sain et bon. Le poké bowl se développe beaucoup pour cette raison, mais aussi parce qu’il attire l’œil, sur les applications de livraison. »

Croissance rapide

Il est difficile de quantifier précisément le succès du poké faute de données chiffrées, mais les établissements spécialisés en la matière se portent bien.

Chez Poké Bar, les deux fondatrices, Élodie Macquet et Isabelle Bisseuil, connaissent une croissance impressionnante. Lancé en 2017, leur enseigne compte aujourd’hui huit unités et quatre établissements vont être créés, en franchise, ces prochains mois (le ticket d’entrée est de 25 000 euros). Après avoir essaimé à Paris, Poké Bar va ainsi ouvrir ses portes à Lille et à Lyon. Une ouverture pourrait également avoir lieu sur l’île de la Réunion. Avec un ticket moyen de 13,50 €, les deux restauratrices, qui emploient 46 salariés, ont fait le choix de la qualité et de la régularité, quitte à compresser leur marge. « Nous sommes exigeantes sur la qualité, donc il faut savoir sacrifier de la marge. Mais il faut quand même être rentable, donc tout est pesé, rationalisé et le taux de perte est également calculé pour optimiser les coûts. Nos pokés demeurent généreux, au moins 450 g. Sur ce marché concurrentiel, il ne faut pas lésiner sur les portions. Nous avons d’ailleurs changé de fournisseur de fruits et légumes ; les prix étaient très attractifs, mais la qualité ne suivait pas », détaillent-elles. Poké Bar propose sept recettes fixes ; le poké bowl y est facturé 12,90 € et 9,90 € dans sa version mini (60 g de poisson au lieu de 100). On trouve différentes formules, 14,90 € avec la boisson, ou 17,40 € pour une boisson et un dessert. Pour booster leurs ventes et varier les plaisirs, les deux femmes proposent aussi des séries limitées. Elles ont fait le choix  de s’approvisionner à Rungis, chez Orca Marée pour le poisson et aux Halles Trottemant pour les fruits et légumes.

Le poké est donc rentable, à condition d’atteindre un certain volume de vente, un paramètre bien intégré par les cofondateurs de Pokawa, Maxime Buhler et Samuel Carré. Les deux hommes sont à la tête de 15 unités, avec des ouvertures en province, à l’instar d’Aix-en-Provence ou de Bordeaux. En 2018, ils ont ainsi atteint un chiffre d’affaires de 4,8 millions d’euros HT et cette année a également été un bon cru pour la jeune pousse, puisqu’elle a procédé à sept ouvertures. Maxime Buhler et Samuel Carré emploient aujourd’hui plus de 120 salariés.

Élodie Macquet et Isabelle Bisseuil, les fondatrices de Poké Bar.



Vers une saturation ?

« Le marché est encore naissant, mais les acteurs du poké bowl ne doivent pas emprunter le chemin de ceux du burger. Certaines enseignes n’ont pas été régulières dans la qualité de leurs produits et le développement conduit petit à petit à une perte de l’artisanat. Cet aspect pourrait aussi impacter le poké bowl », analyse Bernard Boutboul. L’explosion du marché du poké bowl n’est pas encore synonyme de saturation. Si ce produit a largement investi la capitale et les grandes agglomérations, nombreuses sont les contrées qui en sont encore démunies. « Le plat va sans aucun doute perdurer, mais les différentes enseignes ne survivront pas toutes. Il est difficile de se maintenir éternellement à flot en faisant du monoproduit », assure le fondateur de Gira Conseil. Les pokés ont l’avantage de répondre à la tendance de fond du « bien manger », ce qui devrait leur assurer un avenir pérenne et radieux. À l’instar du burger, le poké bowl est en passe de s’inscrire à toutes les cartes et semble avoir de beaux jours devant lui.

De la livraison à la restauration assise

Le pionnier de la franchise, Pokawa, avait débuté son activité sur le modèle de la livraison et de la vente à emporter, avant de miser davantage sur la restauration assise. Ainsi, les fondateurs réalisent encore 40 % de leur chiffre d’affaires en livraison, via les plates-formes spécialisées ou leur propre service, mais ce chiffre a fléchi ces derniers mois. La part du chiffre d’affaires de la restauration sur place peut ainsi monter jusqu’à 25 %, selon les unités. À noter qu’en moyenne, une unité atteint 40 m2 et comporte 10 à 20 places assises. Les établissements les plus récents disposent même de terrasses. Pokawa ambitionne aujourd’hui d’accroître son ticket moyen (14 €) de 30 % en se concentrant sur l’innovation des recettes et le sourcing des produits.

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