Approvisionnement : devenir locavore
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Marque de l’engagement du restaurateur, le fait de proposer des produits issus de l’agriculture de proximité porte aujourd’hui un nom : le locavorisme. Alors que l’approvisionnement local en restauration n’a jamais été autant d’actualité, comment s’y prendre pour devenir un acteur engagé de son territoire ?
L’attente des consommateurs est claire : ils désirent savoir ce qu’il se trouve dans leurs assiettes et, si possible, que ce qu’ils mangent viennent des champs voisins. Face à cette demande forte, les restaurateurs n’ont d’autre choix que celui de s’adapter. Si plusieurs chef s’impliquent depuis longtemps dans leurs régions et travaillent avec les éleveurs, agriculteurs et maraîchers locaux, d’autres pensent au contraire qu’il s’agit d’une mission difficile, voire impossible. En cause : le manque de temps pour s’y intéresser vraiment, la peur de coûts trop élevés ou de collaborations directes avec les producteurs trop compliquées, mais aussi une surabondance de possibilités d’approvisionnement rapide, qui vient souvent de loin. Il existe pourtant des solutions pour s’approvisionner de façon locale et engagée.
Des outils dédiés
Chaque région de France a son propre terroir et ses agriculteurs. Il est, avant tout, possible pour un restaurateur qui souhaite s’engager de faire lui-même le tour de l’offre locale. Toutefois, pour gagner du temps et faciliter la collaboration avec les producteurs locaux, plusieurs outils sont mis à leur disposition. Par exemple, c’est le cas avec Via Terroirs, une entreprise qui rapproche les chefs et les producteurs de la région lyonnaise. « Nous avons constaté que les restaurants traditionnels n’étaient pas outillés pour répondre à la demande des consommateurs qui souhaitent savoir d’où vient ce qu’ils mangent », lance Olivier Michel, président et cofondateur de Via Terroirs. Il y a cinq ans, il a donc codéveloppé une solution digitale pour aider à la fois les producteurs et les restaurateurs. « Cette technologie moderne nous permet de lever les freins entre les producteurs et les acheteurs pour coopérer et pouvoir travailler dans la durée tous les deux », explique-t-il.
Sur cette interface numérique, le restaurateur peut choisir ses producteurs locaux, mais aussi passer commande, régler en ligne et suivre ses livraisons. En un seul espace, le restaurateur peut gérer une multitude de collaborations avec des producteurs proches de chez lui, dans un rayon de 50 km en moyenne. « Nous sommes des facilitants, et pour moi, ce qui est bien, c’est que l’on crée un réseau d’amis, avec des liens forts et une proximité forte. On crée des relations professionnelles, mais aussi personnelles avec des gens qui sont indépendants », ajoute Olivier Michel. Via Terroirs travaille actuellement avec différents marchés de territoire dans d’autres régions, comme celui du Pays de Lapalisse, et cherche à en développer ailleurs en France. Au niveau national, on retrouve Jardin d’Ici, la démarche engagée et responsable de la communauté Creno et de ses affiliés. « Toutes nos entreprises ont dans leur ADN le fait de travailler avec des produits et des producteurs locaux, donc cela a donné naissance à une démarche engagée de défense du territoire », mentionne Franck Andrieux, directeur commercial et marketing de Creno. Avec jardindici.fr, Creno souhaite simplifier la vie des restaurateurs, quelle que soit leur région en France, à l’aide d’un outil numérique permettant d’avoir accès de façon instantanée à l’offre locale disponible en saison. Cette interface Web, disponible gratuitement pour tous les clients, s’appuie sur trois critères de recherche : si le restaurateur souhaite des fruits ou légumes, son rayon kilométrique, ainsi que la période. « L’outil jardindici.fr permet de trouver des producteurs locaux dans un rayon de 150 km autour de l’adresse de son restaurant », précise Franck An-
drieux, ajoutant que le rayon de 150 km est un usage dans la profession et non une règle, car aucune n’encadre les circuits courts.
Le restaurateur doir jouer le jeu et adapter ses recettes en fonction des saisons. Photo Ⓒ Brooke Lark – Unsplash
Puisque trouver des producteurs locaux peut parfois prendre beaucoup de temps, plusieurs labels écoresponsables proposent des audits pour aider leurs partenaires. C’est, par exemple, le cas d’Écotable et de Green Food. « Nous délivrons un audit, avec des recommandations personnalisées, notamment pour l’approvisionnement de proximité et responsable », présente Marion Favre, chargée de communication d’Écotable. Parmi les conditions pour obtenir ce label écoresponsable : avoir au moins 15 % de produits bio ou locaux dans l’approvisionnement et une carte 100 % de saison. Même son de cloche du côté du label Green Food, qui a défini l’approvisionnement local comme une des conditions obligatoires pour être labellisé. « Le sourcing c’est la base, si le restaurant n’est pas local à au moins 30 %, il n’est pas possible d’obtenir notre label », explique Augustin Brahimi, cofondateur de Green Food. Pour aider les restaurateurs, son équipe propose d’effectuer un « travail de fourmis » et de faire le tour des producteurs locaux en mesure de démarrer une collaboration. « Nous, notre objectif c’est aussi d’accompagner les restaurateurs qui veulent s’approvisionner en local. On va chercher des alternatives durables pour aider le monde de la restauration à s’améliorer sur leur éthique. On essaie de proposer des solutions variées et différents producteurs », ajoute-t-il. Il assure toujours trouver des alternatives locales pour les produits, « sauf si un restaurateur tient à avoir de la mangue ou bien de la tomate en plein hiver ».
Questions de coûts
Reste l’argument du prix, qui constitue parfois un frein. « Quand on passe par les grossistes, on va payer le packaging et la livraison, donc on ne va pas forcément en sortir gagnant », rappelle Augustin Brahimi. « Acheter du local en saison, ce n’est pas forcément plus cher que d’acheter en import. Par exemple, faire monter un camion de tomates de l’étranger, quand on est en pleine saison de la tomate, ce n’est pas forcément plus économique que de faire travailler un producteur local », assure Franck Andrieux. De plus, selon Olivier Michel, « en règle générale, en début de saison et fin de saison, le local est imbattable ». Il précise d’ailleurs que la saison dernière, la pomme la moins chère de Lyon était celle proposée en direct producteur. « Même pour des IOP, comme la volaille de Bresse, elle est moins onéreuse en direct producteur, car elle ne descend pas de Rungis par exemple », rappelle-t-il. Enfin, pour ne pas augmenter ses coûts, le restaurateur doit jouer le jeu et adapter ses recettes, notamment en fonction des saisons, mais aussi réduire ses cartes. « Tous nos restaurants partenaires ont au moins une carte d’hiver et une d’été », ajoute Augustin Brahimi.
L’approvisionnement local et durable devient une obligation, encore plus depuis la crise sanitaire. Photo Ⓒ Alice Mariette
Bénéfices collatéraux
Si dans certains cas, le prix en local est légèrement plus élevé, il est nécessaire de tenir compte de l’ensemble des avantages liés au fait de devenir locavore. Avant tout, en faisant travailler le tissu régional, le restaurateur aura un impact à l’échelle de tout un territoire. « Cela sera un moteur de contribution au territoire et finalement à son attractivité, territoire auquel les restaurateurs eux-mêmes appartiennent », défend Olivier Michel. L’agriculture sera aussi plus durable localement et cela permettra d’améliorer les pratiques à la fois des producteurs et des restaurateurs. De plus, un chef qui s’approvisionne en local peut le valoriser auprès de sa clientèle. « C’est aussi une histoire que l’on peut proposer à nos clients, qui va être contributrice au succès de mon établissement », pense-t-il.
Selon Franck Andrieux, aujourd’hui, aucun restaurateur n’échappe aux besoins de recourir aux produits locaux. « Tous les consommateurs veulent savoir ce qu’ils mangent, savoir d’où ça vient, et idéalement de voir les fraises ou les carottes qui poussent à 50 m du restaurant », affirme-t-il. Même si certains restaurants leur commandent encore de la tomate en hiver, il assure que cela devient de plus en plus rare dans la restauration commerciale. « On fait aussi de l’import pour répondre à la demande, mais notre démarche d’approvisionnement, c’est d’abord en local, ce qui est disponible en saison, puis en France et sinon on sort du territoire », explique-t-il. C’est aussi une responsabilité de tous, qui relève du civisme, selon lui. « On ne va pas aller chercher des produits dans d’autres régions, quand ils sont disponibles dans la région où on est implanté », ajoute-t-il.
De son côté, Olivier Michel estime que l’approvisionnement local et durable devient une obligation, encore plus vraie depuis la crise sanitaire. « Désormais, avec ce qui nous arrive, nous avons besoin de liens, de coopérations locales, avec cette notion de résilience. Nous devons nous demander comment faire pour que notre territoire vive au maximum avec les ressources qui sont les siennes », défend-il. Le restaurateur a donc tout intérêt à s’intéresser à l’approvisionnement local, en plus d’avoir une réelle responsabilité sociétale et environnementale.
En faisant appel au tissu régional, le restaurateur contribuera au développement de l’agriculture durable, ce qui permettra d’améliorer les pratiques à la fois des producteurs et des restaurateurs. Photo Ⓒ Heather Gil – Unsplash
Photo de Une : Ⓒ Josh Hild – Unsplash