Un saké made in Loire

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Après avoir découvert le saké lors d’un voyage au Japon, Grégoire Bœuf a lancé sa propre brasserie, Les Larmes du Levant, dans la Loire. Un produit original qui tape dans l’œil des chefs.

Depuis 2017, Grégoire Bœuf fabrique du saké aux confins de la Loire, à deux pas du Rhône, sur la commune de Pélussin. Un projet peu commun qui a pris racine lors d’un voyage au Japon en famille en 2013. « J’ai découvert le saké à Tokyo, j’ai trouvé le produit génial et étonnant sur les accords mets-vins et dans ses variations de température proposées à la dégustation. » Quelques bouteilles emportées dans les valises lui permettent de faire découvrir le produit à son entourage. « On m’a alors parlé d’un importateur de saké que j’ai pu rencontrer », se remémore-t-il. Comme une blague à la fin de la soirée d’échanges avec quelques amis vignerons et brasseurs, l’idée est lancée : et si on fabriquait du saké en France ? Un projet pas si farfelu, puisque l’importateur lui-même y pensait déjà depuis longtemps… « Nous sommes restés en contact et en septembre 2015, je suis parti au Japon me former. » Du rêve à la réalité, Grégoire Bœuf apprend le précieux métier ancestral japonais auprès de Umetsu Shutzo, brasseur de saké depuis six générations dans le sud-ouest de l’archipel. Là-bas, l’homme prend aussi le temps de travailler dans un isakaya, l’équivalent du bar à vins dédié au saké, pour maîtriser l’art de la dégustation en plus des secrets de fabrication nipponne.

Grégoire Bœuf fabrique du saké aux confins de la Loire. © Ludovic Maisant

Chaud ou ultra frais

Originaire d’Annecy, il choisit la Loire pour installer son unité de brassage, dans un ancien bâtiment industriel. « C’était idéal car l’eau de source du Pilat rhodanien est de très bonne qualité ici, et c’est indispensable dans la préparation du saké », dit-il. Les travaux débutent en décembre 2016, et les premiers brassages démarrent dès le mois d’avril 2017. Grégoire Bœuf fait venir le riz du Japon avec des variétés spéciales, dont les grains sont plus ou moins polis pour garantir différentes variations. Il fonde ainsi l’une des premières sakagura (brasserie de saké) en France. Les Larmes du Levant ont commencé à couler et cinq cuvées ont vu le jour. Toutes uniques et s’alliant merveilleusement avec la gastronomie occidentale. « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le saké se boit à table, et non en apéritif ou en digestif. Il ne fait pas plus de 12 ou 14 degrés et valorise très bien la gastronomie française » , précise-t-il.

Le riz provient du Japon. © Ludovic Maisant

Ainsi, chacune des bouteilles qui naissent dans la Loire apporte une nouvelle vision, en France, de cet art presque sacré au pays du Soleil levant. L’Aube, parfaite pour une cuisine épicée. La Vague, étonnante par ses notes de sous-bois et de cèpes qui accompagnent les champignons et les œufs. Le Tonnerre, puissant, qui peut se consommer très chaud. Ou encore la tête de cuvée, Le Vent, qui avec ses notes de fruits blancs va pouvoir sublimer un poisson. La cinquième cuvée est issue d’une macération d’un an avec des abricots, en écho à l’umésaké, tradition japonaise fruitée. Des bouteilles qui ont déjà trouvé leur place sur les cartes des sommeliers des belles tables. Comme chez Anne-Sophie Pic à Valence et à Paris, chez Bernard Loiseau en Bourgogne ou chez Troisgros, dans le département des Larmes du Levant. Aujourd’hui, le saké a le vent en poupe, « il y a encore cinq ans, personne n’en parlait. Maintenant, le monde de la gastronomie s’y intéresse. Il marche très bien dans les interstices du vin, avec des légumes racines, des plats épicés ou des bouillons par exemple ». Inattendu, surprenant et dépaysant. Tout étant made in France.

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