Vente à emporter et livraison : des contenants plus responsables
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La vente à emporter a explosé au cours des derniers mois, et avec elle la nécessité pour les restaurateurs de se fournir en contenants appropriés. Mais comment les choisir pour garantir un service de qualité sans nuire à l’environnement et à l’image du restaurant ?
Au moment où la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire bannit bon nombre d’objets en plastique à usage unique, les restaurateurs se retrouvent contraints de mettre sur le marché quantité d’emballages pour poursuivre leur activité. S’ils génèrent un coût supplémentaire pour la vente des plats, c’est aussi un défi de les intégrer dans l’image de marque d’un établissement. « Les emballages, ça a été un vrai casse-tête. À la fois en termes d’esthétique et de praticité, raconte Fabien Beaufour, chef du restaurant gastronomique Cent 33 à Bordeaux. Cela a aussi un coût et il faut clairement se poser la question : où est-ce qu’on veut mettre l’argent en vente à emporter, dans l’emballage ou dans le produit ? Lorsqu’on va sur du packaging premium, les tarifs sont très élevés, certains de mes confrères utilisent des emballages à 6 € pièce. De mon côté, j’ai choisi des contenants écologiques, en kraft glacé au maïs, complètement étanches et recyclables. Comme dans mon restaurant, ce que les gens achètent se trouve surtout dans l’assiette, pas dans le cadre. » Pour surprendre ses clients, le chef a tout de même rusé en détournant la fonction de certains des contenants : d’un pot à couvercle, il a par exemple fait une cloche à dessert. Une manière de ramener un peu de service à domicile.
La plupart des acteurs de l’emballage proposent désormais des gammes comme celles qu’il a choisies, en matériaux recyclables, compostables ou biosourcés (voir en p. 39 Sélection produits), plus en phase avec la fameuse loi anti-gaspillage . Les principales innovations tendent vers des matériaux issus de déchets de l’industrie, comme la pulpe de canne à sucre, ou encore le PLA, fabriqué à partir d’amidon de maïs, nouvelle alternative au plastique très prisée pour sa transparence et son étanchéité. Ces nouveaux contenants écoresponsables, s’ils présentent une alternative du point de vue du sourcing de la matière, manquent malgré tout de débouchés pour leur fin de vie. En effet, après avoir remis un plat à emporter à un client, le restaurateur ne maîtrise plus le destin du contenant : trié, jeté au tout venant ou jeté avec les biodéchets. C’est en réalité à ce stade que se joue la pertinence environnementale des emballages écoresponsables. Non trié, un emballage recyclable ne sera jamais revalorisé. Par ailleurs, le PLA, réputé compostable de manière industrielle, ne dispose en réalité aujourd’hui d’aucune filière massive de collecte des biodéchets ménagers. Autrement dit : à moins d’être correctement trié dans les déchets de cuisine par le consommateur final puis convoyé vers un composteur industriel, ce type d’emballage finit tout bonnement dans un incinérateur. Le restaurateur a donc un rôle à jouer en mettant en circulation, en faisant preuve de pédagogie auprès de ses clients.
La consigne arrive en CHR
Le meilleur déchet, c’est encore celui qui n’est pas produit. En juillet dernier, l’ex-Secrétaire d’État à la Transition écologique, Brune Poirson, sommait les principaux acteurs de la livraison de réfléchir à un plan zéro déchet. En tête des projets en développement, la consigne prend de l’ampleur dans la restauration et des réseaux s’organisent pour assurer la logistique. Plusieurs start-up ont investi le marché et commencent à structurer un écosystème où tout est à faire. Elles s’appellent Pyxo, Bare-pack, Reconcil ou encore Greengo et réfléchissent à un avenir sans emballages à usage unique. Ces entreprises sont toutes membres de l’association Réseau Consigne, et bien que chacune propose son propre système, la mutualisation de leurs ressources permet aux consommateurs de retourner les contenants sales dans n’importe quel restaurant faisant de la consigne. La plateforme de livraison éthique Resto. paris propose d’ailleurs déjà ce service avec le réseau Reconcil ou en propre pour certains restaurants. Le site pourrait également mettre à profit son réseau d’établissements pour matérialiser de futurs points de collecte des contenants. « On a intérêt à avancer tous ensemble pour que la transition se fasse le plus en douceur possible pour les restaurateurs, comme pour les consommateurs, souligne Benjamin Péri, cofondateur de Pyxo. C’est en mutualisant et en interconnectant les réseaux de consigne qu’on parviendra à réduire les coûts inhérents à cette transition, et notamment la logistique. »
Sur le papier, la consigne est la solution idéale pour mettre fin au tout jetable. Mais sa mise en place demande un changement profond de la manière de consommer du plus grand nombre pour que l’ampleur du réseau d’établissements qui la propose permette la viabilité du modèle économique.
Chez les moins de 35 ans, 75 % * en moyenne sont prêts à prendre leurs boissons à emporter dans des gobelets réutilisables, dans des bouteilles consignées ou à rapporter leurs propres contenants. En face, seuls 21 % des restaurateurs proposent l’une de ces possibilités. Chez Bare-pack, on mise pourtant sur eux pour être prescripteurs. « Il faut qu’on atteigne une masse critique de restaurants pour que ça débloque quelque chose chez les consommateurs », note Nicolas Piffeteau, manager de Barepack France.
L’enjeu de la solidité
Les contenants réutilisables, eux-mêmes, posent également question. Quels matériaux privilégier pour résister à un usage intensif et alimentaire ? Quelles contenances ? Pour l’instant, l’offre reste minimaliste, les différents catalogues présentant moins de cinq capacités et peu de variété en matière de forme. L’entreprise MonBento a été approchée par plusieurs acteurs, dont Matcha café to go et Barepack.
« On est obligés de standardiser les contenants pour que ça fonctionne, mais on travaille à faire évoluer l’offre rapidement », confirme Nicolas Piffeteau. Et la mayonnaise commence à prendre. En janvier, le fabricant de vaisselle Arcoroc a présenté la gamme So Urban, quatre contenants en verre éprouvés pour une utilisation à emporter en CHR. Une première sur le marché de la vaisselle professionnelle qui pourrait intéresser les acteurs de la consigne. De son côté, Pyxo a choisi de développer son propre contenant écoconçu et projette de le diffuser en marque blanche. « C’est dans notre intérêt de proposer des contenants durables parce qu’on les loue. S’ils s’usent trop vite, on perd de l’argent » déclare Benjamin Péri.
La consigne pourrait même trouver rapidement une vitesse de croisière en restauration collective, par le biais d’offres de livraison groupées ou des food corners qui fleurissent dans les entreprises. Le spécialiste de la livraison Foodchéri est dans les starting blocks depuis le printemps dernier.
La crise et le télétravail n’ont fait que freiner leur élan. « Le B to B va nous servir de laboratoire pour affiner notre logistique, mais la finalité c’est bien sûr que les contenants réutilisables puissent se déployer en B to C, se félicite Caroline Vignaud, cheffe de cuisine R & D chez FoodChéri. Le souci, c’est qu’on manque d’acteurs pour y aller, le modèle doit encore s’affiner… et les habitudes des consommateurs doivent évoluer. » La balle est désormais dans le camp des CHR et de leurs clients.
NOTE* Étude C10, septembre 2020.