Le retour en grâce de l’agneau du Quercy

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L’agneau du Lot fut victime de sa réputation. Pendant plus d’une décennie, il a été déprécié par les pratiques de négociants peu scrupuleux. La filière n’a dû son salut qu’à la mobilisation des éleveurs locaux.

Dans le Quercy qui est un pays plein de collines, sec et aride presque partout, on élève de forts beaux moutons dont la chair est délicate. » La citation, anonyme, daterait de 1770. Ainsi, pendant des siècles, sur les rudes plateaux calcaires de Martel, de Gramat ou de Livernon, le seul élevage fut celui des brebis. Au fil du temps, une solide tradition de négoce permit aux bouchers expéditeurs lotois de faire connaître la qualité de l’agneau quercynois sur le marché parisien.

Au début du vingtième siècle, le marché de la Villette en recevait 75 000 têtes par an : un agneau réputé pour sa tendreté et son goût délicat jusque dans les années 1970. Profitant de la réputation d’excellence de la filière, d’autres négociants flairent alors le bon coup et importent massivement des agneaux de toute l’Europe pour les faire abattre dans le département. « Les carcasses, exemptes de toute traçabilité, repartaient avec le tampon “Agneau du Lot”, pointe Éric Lagarde, actuel responsable qualité du label Agneau fermier du Quercy. Cette situation a duré plus de dix ans. En 1981, on abattait dans le département quatre fois plus d’agneaux que les éleveurs locaux n’en produisaient ! »

Un camion d’agneaux hongrois intercepté par des éleveurs

La réputation de cette production emblématique devient rapidement galvaudée. Les prix payés aux producteurs chutent, et parmi la profession la colère monte. « Au plus fort de la crise, on ne nous achetait même plus nos bêtes, renchérit Jean-Claude Goudoubert, président du label et éleveur à Floirac. Si cette situation avait continué, il n’y aurait aujourd’hui plus un éleveur de moutons dans le département. » Une action syndicale dure se met en place : le 2 juillet 1982, après plusieurs nuits de veille, un groupe d’éleveurs intercepte un camion d’agneaux en provenance de Hongrie. Les bêtes sont débarquées dans la cour de la préfecture.

L’affaire fait grand bruit; via l’association qu’ils viennent de créer, les éleveurs s’imposent un cahier des charges drastique. Objectif : mettre en place une traçabilité sans faille.

Soutenus par les élus locaux et une poignée de bouchers, ils sont bientôt près de 700 éleveurs à adhérer à l’association. Quelques années plus tard, en 1990, une première victoire est remportée avec l’obtention du label Rouge. La consécration suivra six ans plus tard avec l’attribution d’une indication géographique protégée (IGP).

Une filière qui peine à recruter de nouveaux éleveurs

Né, élevé, engraissé et abattu dans le département du Lot et ses cantons limitrophes, l’Agneau fermier du Quercy est élevé au lait maternel jusqu’à l’âge minimum de 70 jours. Complémenté au foin et aux céréales jusqu’à 150 jours maximum, il reste en bergerie, à l’abri des intempéries, attendant la tétée du soir lorsque sa mère revient des pâturages. Selon les estimations, 60 % des brebis lotoises entrent aujourd’hui dans cette démarche et environ 1 000 agneaux sont expédiés chaque semaine vers l’abattoir de Gramat.

Avec 250 exploitations pour 112000 brebis, la filière génère un chiffre d’affaires de l’ordre de 11 millions 270 000 euros. Un beau retournement de situation pour un label qui a fêté en août dernier ses trente-cinq ans d’existence. Seule vraie ombre au tableau : les installations de jeunes se font chaque année moins nombreuses. « C’est la tendance, comme partout en France, déplore Jean-Claude Goudoubert.

Plus de la moitié du cheptel de la coopérative à laquelle je suis affilié est détenu par des éleveurs âgés de plus de 55 ans. La transmission ne se faitplus comme avant. Il y a quelques années, nous étions sept ou huit éleveurs dans la commune, aujourd’hui nous ne sommes plus que deux. Il faudrait plus de candidats, mais reprendre une exploitation coûte très cher, sans parler de l’investissement humain. » Comme l’ensemble de la filière ovine française, l’agneau du Quercy est également menacé par la viande d’importation, près de 55 % des volumes. « Le consommateur et la grande distribution veulent des tarifs bas, explique Éric Lagarde.

Notre stratégie consiste à être fermes sur les prix. Nous voulons nous positionner comme un produit de qualité supérieure : un agneau label, ça se paie, comme un vin. Notre argument, c’est la satisfaction du goût. » L’agneau fermier du Quercy est distribué auprès de 18 grossistes et 157 points de vente (GMS et boucheries traditionnelles) à travers toute la France.

Ambassadeur des produits lotois

Ambassadeur des produits lotois, Stéphane Chambon (aux manettes avec son frère du Pont de l’Ouysse, à Lacave, un macaron au guide Michelin) a fait de l’agneau un incontournable de sa carte. « Nous devons promouvoir les produits locaux, estime le chef. C’est une viande particulièrement tendre, qui n’est pas trop forte en goût. Elle révèle bien le terroir de la région. » Cet automne, Stéphane Chambon a choisi de travailler une noisette d’agneau roulée dans un mélange d’herbes et pliée dans une crépine de porc. Rôtie, celle-ci est servie avec une mousseline d’artichauts, des girolles et un ail confit. Un plat qui se déguste – avec modération – accompagné d’un vin de la région, Cahors, Bergerac ou Rocamadour. Le Pont de l’Ouysse fait partie des vingt-six restaurants adhérents à l’association Les bonnes tables du Lot, dont l’objectif est de mettre en avant le meilleur des produits de la région, en partenariat avec les producteurs locaux.

Où le trouver

Boucherie Le Lann

242 bis, rue des Pyrénées (20)

Boucheries nivernaises

99, rue du Faubourg-Saint-Honoré (8)

Paris viande

60, rue des Entrepreneurs (15)

Boucherie Daguerre

29, rue Daguerre (14)

À Rungis : Bovendis, 22, avenue de Normandie

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