En images : tonnellerie Demptos, une recette ancestrale
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Du bois, du fer, du feu, de l’eau. Depuis près de deux cents ans, la tonnellerie bordelaise Demptos fabrique des barriques à vin à Saint-Caprais-de-Bordeaux, près de la capitale girondine. Alliant une science précise de l’élevage du vin à des gestes ancestraux, elle a su franchir les époques et rayonner dans le monde entier.
En 1825, les premières barriques à vin sortaient des ateliers de l’entreprise familiale Demptos, à quelques kilomètres de Bordeaux. Acteur majeur de son secteur, maîtrisant entièrement la chaîne de fabrication – de l’arbre au tonneau -, le site de Saint-Caprais-de-Bordeaux fabrique aujourd’hui 25 000 barriques par an, qui alimentent les chais bordelais, mais aussi américains, australiens ou néo-zélandais.
Demptos est situé à Saint-Caprais-de-Bordeaux depuis sa création.
L’entreprise a pris un virage international dans les années 1980, lorsqu’elle s’est installée en Californie. Avec les années 2000, viennent deux implantations en Europe, l’ouverture d’une filiale espagnole, puis sud-africaine en 2003 et chinoise en 2006. Pour François Witasse, le directeur, c’est véritablement l’intégration de Demptos dans le groupe TFF, leader mondial de la tonnellerie, qui a propulsé l’entreprise familiale. « Demptos a pris un virage dans les années 1980, explique-t-il. La rencontre avec Jérôme François [le président du groupe TFF, NDLR] a été décisive. Se lancer dans la recherche et le développement a permis de voir le tonneau pas seulement comme un moyen de stockage, mais plutôt comme un moyen de perfectionnement du vin, et d’agir sur lui ». L’entreprise Demptos a en effet lancé en 1991 un programme de recherche sur le bois et la tonnellerie, en association avec la Faculté d’œnologie de Bordeaux. Dirigé par Nicolas Vivas, le Centre de recherche Demptos (CRD) étudie le processus de séchage du bois et son interaction avec le vin, en fonction de critères variés (grain du bois, âge, durée de séchage, rôle du mycélium du bois, etc.).
François Witasse, directeur de Demptos.
Pourtant, lorsque l’on se promène sur le site de fabrication de la tonnellerie, le côté scientifique du processus de fabrication ne saute pas franchement aux yeux… À l’extérieur d’abord, des palettes de douelles, ces lattes de bois destinées à former les barriques, trônent à perte de vue. Onze mille mètres cubes de bois attendent dehors : « Il s’agit du process de maturation. Autrefois, on parlait de séchage » , relate François Witasse. Les palettes, identifiées par lot, date et origine, sont de couleurs plus ou moins claires, blondes ou grises en fonction de leur temps de maturation. À l’origine de ces différentes apparences, un champignon minuscule : « Le mycélium arrive au bout de quelques jours sur le bois, continue le directeur. Nous mettons les piles côte à côte pour que le champignon se disperse. Il change de couleur en fonction de la lumière. »
Comme pour un fromage, ce champignon agira sur les tanins, l’arôme et la résistance du vin au temps. La maison revendique « 188 ingrédients différents », permettant de fabriquer une grande variété de tonneaux. « La matière première va donner différents styles de vin. La plus vieille pile de douelles, qui a six ans, ne va pas être vendue comme telle ; elle sera l’un de nos ingrédients. Les trois quarts de ce que l’on fait vient d’un cahier des charges précis, sinon, nous travaillons au cas par cas. Nous avons beaucoup de contact avec les œnologues », poursuit François Witasse. Grâce au CRD, Demptos a conçu – et breveté – plusieurs modèles de barriques composées d’un mélange de bois de différentes maturités : Essencia, Paradox, Réserve, OH>15, Ultra-premium, etc.
Les douelles sont triées une à unes, en fonction de leurs défauts (noeud, fente) et de la taille du grain de bois.
Elles sont ensuite rabotées et taillée en forme incurvée.
Les lattes prêtes à être assemblées.
Une fois passées les portes de l’atelier, les lattes de bois sont au cœur d’un ballet à la chorégraphie bien huilée, où la main de l’homme est omniprésente. Après une sélection drastique des sections de chêne, celles-ci sont rabotées et taillées mécaniquement en forme incurvée. Elles sont ensuite assemblées à la main les unes à côté des autres, maintenues par des cercles métalliques faisant office de gabarit et forment ainsi les prémices d’un tonneau. Les artisans de l’atelier jouent ensuite du marteau pour mettre en place d’autres cercles en fer et contraindre les douelles à prendre la forme définitive d’une barrique.
Le premier côté de la barrique est assemblé à la main, grâce aux gabarits métalliques.
Pour façonner le deuxième côté, l’ouvrier martèle sur les gabarits qui va contraindre les lattes à prendre leurs formes définitives.
L’étape suivante, la chauffe du bois, est une opération aussi essentielle qu’esthétique à regarder. Les barriques sont disposées sur des braseros qui vont griller le bois à différentes intensités – léger, moyen, moyen plus et fort. Cette chauffe du bois détermine « le nuancier aromatique des fûts », notamment des notes grillées, épicées ou torréfiées. Cette étape terminée, les tonneaux continuent de passer de mains en mains.
Les barriques sont chauffées de plusieurs façons et à différentes intensités selon la finition recherchée.
Le brasero est alimenté par les chutes de douelles inutilisables, triées au début du processus de fabrication.
La chauffe du bois est une opération aussi essentielle qu’esthétique.
Le « fonçage » (la mise en place des deux fonds du tonneau), la détection d’éventuelles fuites à l’aide d’un jet d’eau, la suppression des gabarits métalliques, le ponçage externe et la pose des cercles en zinc définitifs sont quelques-unes des manipulations que subissent les barriques Demptos avant leur touche finale.
La pose des derniers gabarits métalliques…
… Et le rabotage en biseau de la bordure des barriques sont les rares étapes totalement mécanisées.
Le fonçage, la mise en place des fonds du tonneau, se fait à la main.
Dans la tonnellerie, les clients peuvent faire personnaliser leurs barriques, avec une bordure tressée en châtaignier, une gravure au laser ou un double cerclage noir, par exemple. Et là encore, les artisans du site œuvrent à chaque étape. L’homme reste décidément indissociable des tonneaux Demptos, tout comme le vin qu’ils renferment.
Après un test au jet d’eau pour détecter les fuites, les barriques sont poncées puis revêtues de leurs anneaux en zinc définitifs.
La personnalisation des tonneaux, notamment un tressage en châtaignier, est faite à la main.
Exemple de personnalisation : cercles métalliques noirs et bordure tressée.