Smash burger : retour à l’essentiel
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Après avoir conquis le monde culinaire à travers les fasts food puis avoir été travaillé dans un format gourmet en nombreuses déclinaisons, le burger semble connaître un nouveau tournant, dans lequel chaînes spécialisées et restaurants traditionnels s’engouffrent. Immersion dans la nouvelle tendance du smash, le burger écrasé qui ne cesse de conquérir le monde.
Un vendredi soir en début de soirée, une longue file de personnes se constitue devant la devanture jaune de l’enseigne Nellys à Biarritz. Tous s’agglutinent sur un bout de trottoir à attendre leur tour pour déguster la spécialité de l’établissement, le smash burger. Un pain brioché, un morceau de salade, une sauce maison, du cheddar coulant et deux steaks. La particularité de ces derniers : ils sont fins et croustillants, résultat de leur écrasement sur une plancha bien chaude.
La recette, qui paraît pourtant basique, semble faire des émules. À tel point que certains en ont fait un rendez-vous culinaire hebdomadaire. « J’ai toujours été une grande amatrice de burgers mais depuis que j’ai découvert cette adresse, je ne jure plus que par ça », glisse Julie dans la file d’attente. Une déclaration abondée par l’ensemble de sa bande de copains. Un attrait pour ce burger d’un nouveau genre qui semble pourtant aller à l’inverse de la tendance de fond concernant la consommation de burgers dans l’Hexagone.
Quand bien même le burger semble être un indétrônable des denrées consommées par les Français, il perd, depuis peu, des consommateurs. Selon Bernard Boutboul, président du cabinet de conseil Gira, le public commence à se lasser. Avant l’apanage des chaînes de restauration rapide, le burger a petit à petit gagné les restaurants traditionnels. Aujourd’hui, 85% des établissements en proposent au moins un sur leur carte. Selon le cabinet de conseil, 1,23 milliard de ces sandwichs a été consommé dans l’Hexagone en 2023. Un chiffre en baisse de 2,8% par rapport à 2019, année de référence. Bernard Boutboul analyse cette fin de « l’âge d’or du burger ».
Pour lui, le déclin de consommation du burger réside dans une hausse du prix, de l’ordre de 13% en moyenne, du fait notamment d’une montée en gamme du plat par les restaurateurs, qui aurait fait perdre une partie de la clientèle, avec un prix moyen dépassant les 12 euros. Il met également en parallèle de cette hausse des prix, un phénomène de lassitude de la part des consommateurs, évoquant un perpétuel désir de nouveautés gustatives. Une analyse partagée par Joannes Richard, champion du monde de burger en 2023. « Je pense que les gens commencent à se désintéresser des burgers, ils sont trop revisités », commente-t-il.
Simple et réconfortant
À peine est-il en train de décliner, que le sandwich préféré des Français, commence déjà à se réinventer par l’intermédiaire du smash burger. Une nouveauté qui allie prix compétitif et goût prononcé. Pour le prix, il se vend entre 8 et 10 € pour un smash simple. La clé du goût, quant à elle, et même plus largement du concept, réside avant tout dans la cuisson de la viande. Le steak est smashé, autrement dit écrasé finement sur une plancha chaude.
Une intervention qui permet de créer une réaction de Maillard, donnant à la viande un côté croustillant et caramélisé, tout en restant juteuse. « Cela va permettre d’avoir une véritable concentration des sucs et de donner un côté hyper savoureux à l’ensemble », explique Joannes Richard. Une réaction qui nécessite d’utiliser une viande avec un taux de matière grasse compris entre 20 et 22 %, précise celui qui ne cesse d’explorer le concept à travers ses vidéos sur les réseaux sociaux.
Pour lui, le smash burger est à la fois simple, facile d’accès et réconfortant, ce qui permettrait d’inciter un public moins friand de créativité à se réintéresser au burger. Si la tendance semble gagner la France ces dernières années, la naissance du smash burger ne date pas d’hier. La technique serait née dans les diners américains afin de gagner du temps sur la cuisson de la viande et ainsi permettre un meilleur rendement en cuisine afin de gagner en rentabilité. Une histoire que vient nuancer George Motz, expert en hamburger.
En effet, selon lui, le smash burger serait en réalité le premier burger. Il serait issu de la migration des Allemands dans les années 1850, depuis le port d’Hambourg. Ces derniers consommaient un mets appelé « steak d’Hambourg », une portion de viande écrasée avec le dos d’une spatule afin d’en accélérer la cuisson. Un plat qui se mangeait à l’époque avec des couverts. Au fil des migrations, le steak de hambourg gagne les foires régionales des États-Unis. Des lieux dans lesquels il est en concurrence avec le fameux hot-dog américain.
Et, c’est ainsi, que pour faciliter sa consommation, le steak de Hambourg a été mis entre deux morceaux de pain. Au fil du temps, le burger prend une place considérable dans les habitudes alimentaires outre-Atlantique. C’est dans les années 1970 que née, à Denver, la première enseigne de smash burger, au nom éponyme. Une marque qui permettra par la suite de populariser le nom et le concept aux USA, jusqu’à ce qu’il s’exporte il y a une dizaine d’années, pour arriver en France, notamment par l’intermédiaire de l’enseigne Dumbo.
Un marché porteur
De plus en plus d’établissements spécialisés dans le burger écrasé voient le jour ces dernières années. À l’instar des groupes qui, après s’être installés à Paris, cherchent à se développer en province, à l’image de Binks ou Junk. « C’est un marché porteur, il y a une forte clientèle qui se met en place, voire de vrais aficionados du smash », introduit Wissem Ben Amar, qui a cofondé Junk il y a deux ans, rue Montmartre à Paris. L’enseigne est aujourd’hui présente dans huit autres villes de France et s’apprête à ouvrir des établissements à Nantes et Londres.
Le cofondateur loue la facilité de production de ce burger vis-à-vis d’un traditionnel. « La cuisson est plus rapide et il n’y a pas à surveiller chaque viande avec les différentes cuissons demandées par les clients. Cela permet d’avoir plus de débit », expose-t-il, avançant une production journalière avoisinant les 300 unités dans chacun de ses points de vente, avant d’ajouter, « le smash redonne un vrai élan au burger.»
Un constat partagé par Lucas Lavaine, cofondateur de la marque de buns ( des pains briochés utilisés dans la confection des smashs burgers ), Pancobuns. Le trentenaire, grand consommateur de burger, s’est lancé dans cette aventure après avoir découvert les smashs burgers aux Etats-Unis et face à la difficulté de trouver des produits équivalents pour en faire maison, une fois de retour en France.
« En France il nous manquait vraiment ce type de potato bun propre au smash. On ne trouve que des produits importés de temps en temps dans des épiceries spécialisées. C’est pourquoi on s’est lancé avec deux amis à la recherche de la recette idéale. Il y a une vraie technicité. Le potato bun se différencie du pain à burger classique à la fois par ce côté brioché et par le fait qu’il laisse la place à la garniture, il la met en valeur. On ne retrouve pas ce côté chewing-gum, bourratif de certains pains », exprime-t-il.
Après plusieurs années de recherches, il fournit depuis un an ses précieux pains à de nombreux restaurateurs et surfe sur la vague du smash. « Il y a eu beaucoup trop de créations qui ont dénaturé le burger, des grandes tours bancales, tenues par un pic pour que tout ne s’effondre pas. Généralement dans les burgers traditionnels, le gros steak de 200 grammes et les accompagnements finissent par se désagréger et on termine à la fourchette. Avec le smash on revient au côté essentialiste du burger », ajoute-t-il. La tendance n’est pas réservée aux établissements spécialisés et gagne également les restaurants plus traditionnels, allant jusqu’à remplacer les burgers classiques sur les ardoises.
À l’Arantza, à Anglet (64), des serveurs slaloment entre les tables, installées à même le sable, leurs plateaux garnis d’une dizaine de smashs burgers. Depuis un an, la direction a pris la décision de le mettre à la carte en lieu et place du burger classique des saisons précédentes. « C’est un produit tendance, qui marche très bien. De plus, il offre un certain confort de service », relate Sylvain Laborie, responsable de l’établissement, reprenant l’argument de l’uniformisation des cuissons.
Ne souhaitant pas s’avancer sur des données chiffrées, il estime cependant que « le smash marche bien mieux que les burgers précédents.» Une analyse partagée par bon nombre de restaurateurs, à l’instar de Florian Sargazazu, à la tête du bar Ourcq dans le 19e arrondissement de Paris, qui a mis la smash burger à sa carte depuis deux ans. « Nous faisons jusqu’à 400 couverts par jour. La personnalisation des cuissons des burgers mettait les cuisiniers dans le jus. Le smash est une solution aussi bien qualitative que technique. Quand les gens goûtent, ils sont conquis et j’aime cette idée de revenir à l’essentiel, à l’identité même du burger », conclut-il.