Produits de fêtes, vers une consommation étendue

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Foie gras, caviar, huîtres ou encore Saint-Jacques… Ces produits d’exception participent traditionnellement aux fêtes de fin d’année. Cependant, au-delà des problématiques de disponibilité et de prix, les producteurs cherchent à élargir la consommation de ces mets tout au long de l’année.

produits de fêtes
La production de foie gras français sera d’environ 10 000 tonnes en 2023. Crédit : Philippe Asset.

Il s’agit d’un rendez-vous à la fois attendu et redouté. Les fêtes de fin d’année correspondent en effet pour bon nombre de producteurs – de produits festifs – à une période de fortes ventes sur un temps limité. Une période cruciale, donc, qu’il ne faut surtout pas rater. Néanmoins, du fait de l’importante demande, des questions de disponibilité peuvent se poser pour certains de ces produits. Directement liée à cette problématique, celle du prix. Une préoccupation toujours plus importante, notamment au regard du contexte économique morose. Ainsi, les classiques des fêtes seront-ils présents sur nos tables ?

Pour le Cifog, l’interprofession du foie gras, les fêtes de fin d’année 2023 se présentent sous des auspices bien plus favorables que les années précédentes. « La production nationale va tourner autour des 10.000 tonnes. Elle reprend des couleurs après une année 2022 catastrophique à cause de la grippe aviaire, avec une perte de 35% des volumes par rapport à 2021 », se félicite Marie-Pierre Pé, directrice du Cifog. Malgré cette embellie, « il devrait y avoir de la tension sur l’offre durant les fêtes, comme c’est le cas tous les ans ».

Pour le foie gras, reconquérir les CHR

Une tension qui induit donc une flambée des prix, qui devraient tourner autour de 80-90€ le kg « en épicerie fine à Paris ». L’éclaircie, facilitée par les vaccinations des palmipèdes, permettrait donc une montée en régime progressive pour les années à venir. En attendant, les restaurateurs sont à reconquérir pour les producteurs de foie gras français, à la suite de la pénurie d’ampleur vécue en 2022. En effet, certains CHR ont pu se tourner vers la Bulgarie et la Hongrie pour leurs approvisionnements. « Nous souhaitons remettre le foie gras sur les cartes des restaurants. Quand ils viennent en France, les touristes veulent voir la tour Eiffel et manger du foie gras », lance Marie-Pierre Pé.

Dans ces moments de réconfort que sont les fêtes de fin d’année, la tradition a du bon. La directrice du Cifog conseille, entre autres, de « mettre une escalope de foie frais sur du magret, façon Rossini. Le magret, viande rouge, est ainsi l’alter ego du bœuf pour le tournedos Rossini ». Une variante alléchante qui permet de marier du canard avec… du canard. Pour les puristes, le bœuf restera leur premier choix.

D’ailleurs, AHDB, l’interprofession britannique exportant notamment de la viande d’outre-Manche, présente des pièces de bœuf, mais également d’agneau. Elle dispose ainsi de gammes dédiées aux CHR, notamment, l’Herdshire Select Beef. Une viande bovine de bétail jeune, issue du croisement entre une vache laitière et un taureau de race à viande élevé en plein air. Il s’agit d’une viande tendre avec des carcasses dont le poids et donc la taille des muscles sont limités et permettent de calibrer facilement les portions.

Pic de consommation des fêtes 

Autre symbole des fêtes : le caviar. Fort logiquement, la période de Noël correspond à un pic de consommation de ce produit. Mais « la saisonnalité est plus forte en Europe que dans le reste du monde », révèle Michel Berthommier, président du Comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture (CIPA), organisation regroupant des éleveurs d’esturgeons et des producteurs de caviar. De plus, « en période intense, il peut y avoir de légères variations des prix. Mais depuis qu’il y a les élevages d’esturgeons, ces variations n’existent presque plus », ajoute celui qui se trouve à la tête de l’Esturgeonnière – Caviar Perlita.

En outre, alors qu’« environ 80% des restaurants étoilés, principalement d’Île-de-France, achètent du caviar chinois », Michel Berthommier souhaite mettre en avant les atouts de la production tricolore : « La qualité génétique, le choix de l’alimentation des poissons, ou encore le respect des saisons. » Il se veut d’ailleurs optimiste quant à l’aboutissement, en 2024, d’une démarche collective menant à la création de l’IGP caviar d’Aquitaine.

« En période intense, il peut y avoir de légères variations des prix. Mais depuis qu’il y a les élevages d’esturgeons, ces variations n’existent presque plus. »
Michel Berthommier, Comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture (CIPA)

Damien Venzat, directeur général de Cobrenord, organisation de producteurs de la baie de Saint-Brieuc, se veut pour sa part rassurant sur la disponibilité de sa Saint-Jacques. « La ressource se porte très bien. La saison 2023-2024 présente de très bonnes perspectives. Cela est le fruit des efforts de gestion des pêcheurs », indique-t-il, avant de livrer, sans aucune hésitation, son verdict : « Il y aura de la disponibilité sur toute la saison. » Cependant, si le pic de consommation ne devrait pas impacter l’approvisionnement en Saint-Jacques, cela n’est pas le cas du prix. Ainsi, au début de la campagne de commercialisation, en octobre, le prix de la Saint-Jacques entière pouvait atteindre environ 3,50€ le kg et monter jusqu’à 6€ sur le littoral, tandis qu’il peut être compris entre « 6 et 10€ à Paris ».

Impact faible de l’inflation sur le saumon fumé

S’agissant des noix de Saint-Jacques, elles peuvent revenir à 39€ le kg au plus bas et 55€ pour la fourchette haute. « Compte tenu de l’inflation, les restaurateurs regardent davantage le prix des produits. Il y a donc un léger tassement de la demande », constate-t-il. Néanmoins, il assure que ramenés à la pièce, les prix ne sont pas dans la disproportion : « 55€ le kg de noix peut apparaître élevé, mais il y en a une cinquantaine par kg. Ainsi, pour un plat de résistance, cinq noix reviennent à environ 5€. La Saint-Jacques possède une image de produit premium cher, mais, rapportée à l’assiette, elle correspond à une protéine de qualité bien moins onéreuse que la viande. »

Du côté du saumon et de la truite fumés, pas de risque de rupture d’approvisionnement, en dépit du fait que novembre et décembre représentent environ 40% des ventes annuelles. « Les entreprises sont équipées pour faire face à cette suractivité, les usines travaillent en continu », révèle Pierre Commère, délégué général pour l’industrie du poisson au sein des Entreprises du traiteur frais (ETF).

De plus, l’inflation ne devrait avoir que peu d’effet sur le prix du saumon fumé (majoritairement originaire de Norvège et d’Écosse), estimé à « environ 10 centimes supplémentaires par tranche de saumon ». Ainsi, la truite fumée comme alternative moins onéreuse durant les fêtes n’a que peu d’emprise : « Elle est peut être un peu moins marquée par le côté festif. » Concernant les huîtres, « les stocks sont présents, tout comme la qualité », rassure d’emblée Fanny Marié, ostréicultrice et présidente d’Huîtres Charente Maritime (HCM), la marque collective du département.

Démocratiser la consommation à l’année

Néanmoins, son inquiétude se concentre sur l’affinage des huîtres en clair, à cause d’une pluviométrie importante. « Nous aimerions qu’elles gardent le sel et l’iode pour conserver ce petit goût de noisette », précise celle qui travaille dans le premier département producteur d’huîtres en France, avec près de 45.000 tonnes sur les 120.000 produites chaque année. Quant aux prix, ceux-ci, bien qu’en augmentation, ne devraient pas flamber. Et pour cause, « la profession a beaucoup amorti les augmentations de coûts. Nous essayons de continuer à rendre accessible notre produit », note Fanny Marié.

Pour suivre cette stratégie, la solution est toute trouvée : « Essayer d’en vendre plus souvent en démocratisant la consommation à l’année, et ainsi en vendre plus. » Un sacré pari que les ostréiculteurs ne sont pas les seuls à relever. En effet, « c’est tout un défi pour nous de montrer que la Saint-Jacques de Saint-Brieuc peut être consommée pendant toute la période de pêche [du 1er octobre au 15 mai, NDLR] », admet Damien Venzat. Avant que Michel Berthommier ne conclue : « La restauration commerciale contribue à enlever le caractère saisonnier de la consommation. Les chefs ont la possibilité de proposer ces produits un peu n’importe quand. »