Soft drinks : la révolution par la naturalité

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Moins de sucre et plus de goût, voilà en substance le mantra récité par les acteurs du marché des soft-drinks, déclinant à l’envi le concept de naturalité, revoyant leurs recettes pour répondre à des consommateurs gourmands en quête de bonne conscience. Aucun ne fait l’impasse sur la boisson qui tente de résoudre la quadrature du cercle : le thé glacé.

Soft drinks
Soft drinks. Crédit : Pixabay.

Tous les acteurs du secteur parlent – et ils pèsent leurs mots – d’une révolution. Sous la pression des consommateurs, mais aussi et surtout des pouvoirs publics (PNNS et taxe soda en tête), les fabricants de BRSA réduisent peu à peu la teneur en sucre de leurs produits et ajoutent de la naturalité. Comprenez qu’ils privilégient les arômes naturels, allègent la composition de leurs boissons en retirant des additifs aujourd’hui montrés du doigt, optent pour des matières premières labellisées… et le font savoir. « C’est une tendance générale observée sur l’ensemble des produits, même les spiritueux, confirme Camille Delettrez, responsable trade marketing C 10. Cela se résume par la recherche de bien-être, la proximité en termes de fabrication et moins de sucre. C’est ce qui explique le succès des thés infusés par rapport à ceux que nous avions l’habitude de consommer. Cette émergence de recherche de produits plus sains et moins sucrés continuera à jouer dans les années à venir. » Une tendance qui impactera un marché des boissons en CHR qui reprend des couleurs (+ 1,1 % en volume et + 1,9 % en valeur, selon Nielsen) boosté par la reprise de fréquentation de ces lieux de vie par les touristes nationaux et étrangers. « Même si l’on nous reproche parfois d’enfoncer des portes ouvertes, il est nécessaire de souligner que la météo est un élément clé dans la consommation des boissons, rappelle Mathieu André-Frebrero directeur du département Nielsen on trade. À titre personnel, je pense que l’impact est particulièrement important en CHR, car la propension des gens à s’installer en terrasse ou à sortir boire un verre en dépend beaucoup. » Ainsi, l’épisode caniculaire de 2017 s’est illustré par une surperformance des eaux (+ 2,5 %). A contrario, les boissons sans alcool affichent un recul des volumes distribués de 1 %. « Le soda a mauvaise pub et peut sembler moins attractif pour le consommateur, poursuit le spécialiste. Par forte chaleur, il n’est pas perçu comme désaltérant. »

Le marché se renverse

Le premier marqueur de ce changement des comportements de consommation est la chute des colas. Inimaginable il y a encore dix ans, voilà que les consommateurs les boudent. Selon son panel de détaillants hors domicile, Nielsen fait état d’un recul des volumes en 2017 de 1,7 % versus 2016.

« Je ne suis pas très optimiste sur leur avenir, commente Mathieu André-Frebrero. La baisse de consommation des colas est structurelle, les consommateurs sont à la recherche de saveurs moins sucrées. On ne note pas de dynamique particulière de la part des industriels. »

Un constat partagé par le distributeur C 10. « Chez nous, les colas en 2017 représentaient 49,5 % des soft-drinks. En 2015, nous étions quasiment à 51 % et en 2016 à 50,1 %.

Tous les ans donc, ils perdent un peu de terrain par rapport aux autres segments de la famille des soft. » L’autre problématique qu’ils rencontreraient serait la perte de vitesse des boissons light par rapport à celles sans sucre. « On note un vrai changement des attentes des consommateurs, qui conduit à une structuration du business, commente Bruno Cazelles, directeur de la division hors domicile de Pepsico France.

Globalement, on a une catégorie des colas en très fort retrait sur l’année 2017. Une réelle décroissance qui s’opère au profit de boissons perçues comme étant plus saines par les consommateurs. Ainsi, un litre de cola perdu sur deux devient une consommation sur la catégorie des thés. »

La déferlante du thé

Preuve ultime que le segment des colas n’est plus porteur, le leader du marché claironne s’être engagé dans une stratégie de diversification de son offre. « Nous avons pour ambition de lancer au moins une nouvelle marque chaque année d’ici à 2020 sur des segments sur lesquels nous ne sommes pas ou peu présents, notamment les still, avec une priorité sur le segment des thés et infusions », nous explique-t-on chez CocaCola European Partners. Pour justifier ce choix, le géant du cola s’appuie sur les chiffres Nielsen faisant état d’une croissance moyenne du marché des thés glacés de 6,5 % par an depuis 2012 (tous circuits confondus), cinq fois supérieure à celle des boissons sans alcool. « D’après les pré visions, ce rythme devrait se maintenir avec une évolution moyenne de + 7 % par an en volume et + 8 % par an en valeur dans les trois à cinq prochaines années. » Pas question donc de rater le coche. Coca-Cola a choisi dans son portefeuille de marques, Fuze Tea (boisson à base d’extraits de thé, de jus de fruits et d’arômes de plantes) et l’a lancé en France en janvier mais seulement après que « les recettes ont été entièrement retravaillées dans le centre européen de R&D de Coca-Cola afin de plaire aux palais français ». Arômes naturels, thés certifiés agriculture durable, absence de conservateurs ajoutés et peu de calories sont autant d’arguments avancés par la marque pour être « dans l’ère du temps ». Trois mois après son lancement, les premiers indicateurs réjouissent les équipes : la boisson est présente dans 3 400 points de vente de grande distribution, 7 000 de VAE et 6 100 établissements CHR (en IVP 25 cl). En hors domicile, 58 chaînes nationales et 100 % des grossistes la référencent 1 . Dans le viseur, la place de numéro deux du marché que Fuze Tea entend atteindre d’ici à 2020. CocaCola n’aura donc pas mis longtemps à rebondir après la dissolution, fin 2017, de son joint-venture avec Nestlé Waters, pour qui il assurait la distribution de Nestea. Ce remaniement a offert à la division eaux du géant suisse la possibilité de revoir son produit de A à Z et de le faire renaître dans une version premium. La distribution exclusive a été confiée au groupe Eckes-Granini, qui a monté une business unit dédiée, pilotée par Hervé Paris. « Ils nous ont choisis pour notre expertise du marché hors domicile et notre très belle force de vente en GMS. Nestea offre une nouvelle recette et de nouvelles bouteilles, avec un cœur de cible se situant entre 20 et 45 ans. Pour le CHR, nous bénéficions d’un conditionnement adapté et exclusif, en verre perdu de 25 cl, et de deux parfums : Peach au thé noir et Lime & mint au thé vert. » Tout en transparence, la bouteille arbore simplement une feuille de thé, des fruits et le logo Rainforest Alliance attestant d’une production durable dans des exploitations agricoles certifiées. « Nestlé Waters a opéré un sourcing unique, souligne Hervé Paris. Du thé récolté sur les monts Nilgiri, au sud de l’Inde, quand les autres fabricants utilisent majoritairement des blends. » Alors, en quoi se distingue-t-il de la concurrence ? « Par le fait notamment que nos produits contiennent très peu d’ingrédients : cinq contre une dizaine auparavant. Nestea est composé d’eau, d’un extrait de thé, de 4,75 g de sucre par litre, d’acide citrique et d’arôme naturel. Nous ajoutons également de la stévia pour la référence au thé noir. » Nestea bénéficie déjà de 98 % de notoriété, mais les patrons qui souhaiteraient faire savoir qu’ils en proposent à la carte peuvent profiter d’outils d’aide à la vente, tels que des vitrophanies ou de la verrerie. Autre fabricant à faire le pari du verre pour le CHR : Orangina Suntory France. L’année 2018 marque un tournant dans la stratégie maison puisque le propriétaire de May Tea décline pour ce marché sa pépite en CHR en embouteillant son parfum best-seller, le thé vert menthe, en format verre perdu 30 cl. Le produit arrivera avant l’été et sera soutenu par un kit de lancement. Le président de la filiale française du groupe japonais, Bertrand Delmas, ne cache pas son ambition de faire de May Tea le fer de lance de sa révolution de marché des BRSA, la quatrième selon lui, caractérisée par le déclin du cola, rattrapé notamment par les boissons plates aux fruits et les thés. Il espère ainsi voir son thé infusé glacé gagner 40 % de volume par an dans les cinq prochaines années (tous circuits confondus). Cette multitude de nouveaux acteurs pourrait secouer un segment dominé de puis nombreuses années par Lipton, qui assure 80 % de volume en hors domicile 2 . « Lipton a une croissance en hors domicile qui va au-delà de 10 % par an en moyenne, rapporte Bruno Cazelles, directeur de la division hors domicile de Pepsico France. L’objectif est d’être omniprésent sur la catégorie des thés, et nous misons sur notre potentiel pour la développer. Aujourd’hui, on considère qu’il n’y a pas de raison qu’un établissement n’ait pas le deuxième acteur des soft à sa carte. Nous travaillons notamment sur l’association dans les menus sur la partie VAE mais aussi CHR. » Pour garder sa longueur d’avance, Lipton propose, depuis l’année passée déjà, une déclinaison moins sucrée, Lipton Green. Sa marque premium de thé infusé Pure Leaf a également rencontré son public. Le déploiement se fait, pour l’instant, dans les établissements fast casual, mais Bruno Cazelles n’exclut pas de le décliner un jour en CHR, car le directeur de la division hors domicile le martèle : c’est sur son marché que l’entreprise mise pour gagner de la croissance. En dix ans, les équipes sont passées de 6 à 130 personnes, et le chiffre d’affaires a été multiplié par quatre. « Notre objectif pour les cinq prochaines années est d’aller deux fois plus vite en termes de croissance en hors domicile que sur les autres circuits. » S’il s’appuie pour y parvenir sur ses nouveaux clients de la vente à emporter et de la restauration rapide (Burger King, Paul ou Subway), l’industriel le promet, le CHR sera choyé et les indépendants ne seront pas oubliés.

                      

                                                                     

                                



Du citron et des cocktails

Ce portrait du renouveau des marchés des softdrinks dans vos établissements ne serait pas complet sans évoquer le succès rencontré par la citronnade gazeuse de 7 Up Lemon Lemon (sacrée numéro un des BSA 2017). « En 2018, on va pousser très fort cette référence dans les enseignes nationales et chez les indépendants », prévient-on chez Pepsico. De son côté, Orangina Suntory France, avec sa marque citronnée Pulco, connaît aussi le succès, qui se mesure à la croissance à deux chiffres de ses volumes : + 25 % entre 2015 et 2017.

La marque, qui parie sur les petits formats pour conforter ce développement, propose dorénavant sa citronnade dans les bars en bouteille verre 33 cl. Pour sa part, Coca Cola European Partners relance cette année Fïnley en CHR, avec deux gammes complémentaires : les Classic, dont le packaging a été modernisé, et les Mix, pour encourager les patrons sur la voie du cocktail.

« Aujourd’hui, 50 % des Français consomment des cocktails 3, un adulte sur deux privilégie les bars pour les consommer 4 et 60 % des consommateurs de cocktails en CHR en commandent plus d’une fois par mois. En dépit de cette forte demande, seuls 48 % des établissements proposent des cocktails, avec et sans alcool. » L’une des barrières tiendrait dans la difficulté de leur réalisation, et Coca-Cola propose de lever ce frein avec sa gamme dédiée, conçue en collaboration avec des bartenders, de quatre références : deux d’entre elles peuvent être mixées ou consommées pures – Tonic en format 1 litre exclusif pour les professionnels et Ginger Ale -, les deux autres, Sea Salt Lemon Tonic et Muscovado, sont exclusivement dédiées au mélange et ne nécessitent plus que l’ajout d’un spiritueux. « Afin d’accompagner ce relancement, nous avons développé Mixo’Time, une aide au service regroupant carte de cocktails, tutoriels pour réaliser simplement nos recettes, formation des équipes de nos clients… »

Oublier les colas, se concentrer sur ses best-sellers et ne pas multiplier les références, quel que soit l’acteur, la stratégie adoptée est la même. Ne reste qu’à espérer une saison ensoleillée, mais pas trop chaude, et rendez-vous l’année prochaine pour savoir qui aura su tirer son épingle du jeu.

                                                                         

                                                        

Source HMSM : Nielsen, HMSM W9 2018 et source CHR et VAE : relevé interne CCEP Gira 2015 Étude CGA-Nielsen 2016 Résultats Baromètre Sowine 2017

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