Le blues des stations auvergnates
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Le manque de neige menace les stations de moyenne montagne. En déficit, la société qui gère le domaine du Mont-Dore a demandé son placement en redressement judiciaire. Super-Besse et le Lioran s’en sortent mieux, mais la pérennité de l’activité ski dans le Massif central interroge.
La crise du Covid-19 a certes envenimé la situation. Mais les conséquences de la survenue en fin de saison d’hiver n’ont fait qu’exacerber les difficultés que connaissent les stations de sports d’hiver du Massif central, handicapées par un manque chronique d’enneigement. Pierre Leduc, directeur de la SAEM du Super Lioran qui a dû fermer avec quinze jours d’avance, évoquait le 7 avril dans les colonnes de La Montagne une perte de chiffre d’affaires de 15 % pour le domaine skiable. Encore faut-t-il préciser que la station cantalienne n’est pas la plus à plaindre. Elle a réussi, cette année, à passer entre les flocons et à gérer la situation avec ses canons à neige. Elle bénéficie également des investissements importants réalisés sur les remontées ces dernières années.
La société des remontées mécaniques du Mont-Dore (Puy-de-Dôme) est en redressement judiciaire depuis le 2 mars. La station va devoir réduire ses charges et miser sur le thermalisme, les sports nature et le tourisme vert. © Office de Tourisme du Sancy
LE MONT-DORE EN REDRESSEMENT JUDICIAIRE
Le Mont-Dore connaît une situation plus difficile. La station du Puy-de-Dôme n’avait pas connu un si faible enneigement depuis trente ans. Les mauvaises conditions climatiques n’ont même pas permis la mise en route des canons à neige. Les cours de ski ont été annulés et remboursés. Une situation qui a contraint la SAEM du Mont-Dore, aux commandes de la station, à mettre en place au début mars une procédure de redressement judiciaire. La société affiche un déficit de près de 2 M€. « La station ne va pas fermer », tempère son directeur Patrick Déat dans les colonnes de La Montagne. « Cette décision vise à sauvegarder les emplois et à lisser les comptes pour nous permettre de rebondir. Comme nous, de nombreuses stations sont aujourd’hui confrontées à des difficultés majeures liées à l’enneigement. » Dans le massif du Sancy, les flocons ont finalement fait une tardive apparition, mais les stations du Puy-de-Dôme ont connu une saison difficile. Chastreix n’a ouvert que six jours en décembre et en janvier ; à Super-Besse, à la mi-février, on comptait seulement une quinzaine de kilomètres de pistes ouvertes sur les quarante du domaine. Résultat : 4 000 skieurs par jour contre 10 000 en conditions optimales. « Cela n’a pas été une bonne saison, mais moins catastrophique que chez nos voisins », relève Luc Stelly, directeur de l’office de tourisme de Super-Besse. « Ce sont les écoles et les loueurs de ski qui ont le plus souffert. Côté hébergements, le taux de remplissage est de 73 % pour l’ensemble du Sancy. » Super-Besse s’est également diversifiée en proposant des activités fonctionnant été comme hiver. Et ça marche : la tyrolienne géante et le parcours aventure ont enregistré une hausse de fréquentation, bowling et piscine ont fait le plein.
Mi-février, seulement une quinzaine de kilomètres de pistes étaient ouvertes à Super-Besse. © Office de Tourisme du Sancy
À Super-Besse, la vertigineuse tyrolienne Fantasticable (1 600 m de long) permet le survol de la station. ©Office de Tourisme du Sancy
LE LIORAN SAUVE LES MEUBLES
Dans le Cantal, la station du Lioran affiche un bilan en demi-teinte. La saison avait commencé par un bel épisode neigeux à la fin novembre, mais le redoux et une météo humide ont fait craindre le pire avant les vacances de Noël ; grâce aux canons à neige, 26 pistes ont finalement pu ouvrir. Malgré un mois de février moyen, hôtels et locations ont enregistré des taux de remplissage satisfaisants. Beaucoup de terrasses étaient sorties. Si la neige avait complètement fondu en bas des pistes, 13 pistes situées en altitude restaient praticables. La majorité des vacanciers gardaient le sourire en se rabattant sur les animations. En plus du quadbike à assistance électrique, des VTT ou des jeux gonflables, un escape game avait ainsi pris ses quartiers près de la patinoire. De cette saison chaotique, Pierre Leduc, dont c’est le deuxième hiver à la tête de la station après être passé par Laguiole dans l’Aubrac, a retiré un enseignement : « Neige ou pas, il faut qu’on puisse occuper la clientèle. »
Quand la neige n’est pas au rendez-vous, les vacanciers plébiscitent les activités de loisirs et les animations proposées par les offices de tourisme. ©J-Couty
Pour pallier l’absence de neige, beaucoup de loueurs de skis ont investi dans la location de VTT, dont certains peuvent même s’adapter aux conditions hivernales. © Office de Tourisme du Sancy
TROIS QUESTIONS À : Jérôme Lavergne, propriétaire de l’hôtel Le Rocher du cerf à Super-Lioran
Jérôme Lavergne.
A.d.P. : Vous êtes propriétaire de huit établissements dans le Massif central, quel regard portez-vous sur la saison d’hiver 2019-2020 au Lioran ?
J.L. : Nous avons bien travaillé jusqu’à la fin janvier malgré un enneigement moyen. Ça s’est compliqué aux vacances de février entre le manque de neige et le coronavirus : 50 % d’activité en moins par rapport à une année normale. C’est encore difficile de savoir dans quelle mesure ces mauvais résultats sont liés à l’un ou à l’autre facteur. En tout cas, c’est la première année où j’ai pu skier, d’habitude je n’ai jamais le temps !
A.d.P. : Comment avez-vous géré la fermeture de vos établissements en mars ?
J.L. : On a fermé immédiatement, les dernières réservations ayant toutes été annulées. Il me restait dix salariés au Rocher du Cerf. J’ai alors soldé les congés des saisonniers, et les deux permanents sont aujourd’hui en chômage partiel. J’avais anticipé en contactant l’administration le 13 février : On a eu une réponse le 2 avril, ça a été un peu long. Côté moral, je reste optimiste. La prise de risque est inhérente à notre métier. En station, on est habitués aux impondérables liés à neige.
A.d.P. : Quelles sont vos activités aujourd’hui ?
J.L. : J’essaie de préparer la saison d’été, si tant est qu’elle démarre ! Ça va freiner l’activité et surtout retarder d’au moins un an le projet d’agrandissement de l’hôtel : passer de 29 chambres et une salle à 55 chambres avec deux restaurants, piscine, 200 m2 d’espace loisirs et une salle de séminaire. Le but est de moins dépendre de la météo et de travailler sur deux saisons. Le potentiel est là. Un gros flou persiste cependant autour des projets de développement de la station. On attendait une réponse cet hiver, on ne l’a pas encore.
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