Spécial Cantal : l’heureuse surprise estivale
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Après un démarrage poussif au mois de juin, l’activité touristique s’emballe au mois de juillet dans la région du Lioran et les carnets de réservations sont pleins. Comme on pouvait s’y attendre, les Français privilégient les grands espaces rassurant de la moyenne montagne. Mais cette montée en puissance de la saison estivale n’est peut être pas seulement due aux réactions face à l’épidémie.
La station du Lioran va s’efforcer d’oublier rapidement sa saison d’hiver 2019/2020. Marqué par un déficit d’enneigement chronique, ce haut lieu touristique du Cantal, a économiquement souffert. Ironie du sort, alors que d’abondants flocons arrivés en fin de saison auraient pu rééquilibrer la situation, la Covid-19 a précipité la fermeture. Résignés, les professionnels du tourisme n’attendaient pas grand-chose de la saison d’été. Jérôme Lavergne, propriétaire du Rocher du Cerf et du Griou, dans le village voisin de Saint-Jacques-des-Blats, concentre d’habitude ses équipes sur ce dernier hôtel et n’ouvre le Grand Cerf que durant trois semaines en août. Cette année, il a choisi d’ouvrir l’établissement le 10 juillet afin de profiter du week-end prometteur qui s’est ensuivi. Agréablement surpris par la fréquentation, il regrette presque aujourd’hui de ne pas avoir anticipé cette ouverture. Ce cas n’est pas isolé, Bruno Faure, président du conseil départemental confirme le phénomène : « Certes le mois de juin a été médiocre, mais en juillet, les meublés touristiques de la zone du Lioran ont connu un bond de fréquentation de 18 à 20 %. Ils
affichent d’ores et déjà un carnet de réservation complet pour le mois d’août. » Le président du conseil départemental reconnaît toutefois que cette embellie n’est pas générale pour le Cantal et concède qu’à Aurillac, ou Saint-Flour, la situation est beaucoup plus contrastée. Thierry Perbet, président de l’Umih 15 fait le même constat : « Il est vrai que nous enregistrons des retours très positifs de Salers ou du Lioran, mais à Aurillac la situation est plus difficile. Le télétravail qui persiste dans de nombreuses administrations et quelques entreprises, a rendu anecdotique notre activité lors du déjeuner. Nous avons d’ailleurs sondé nos adhérents et les réponses montrent que les inquiétudes sont loin d’être levées. »
COMPLETS DEPUIS LE 15 JUIN
Comme de nombreux experts le prévoyaient, la sortie du confinement a été favorable à des zones touristiques françaises sauvages et peu peuplées, rassurantes pour le public. Le Cantal est bien placé dans ce contexte. À Saint-Jacques-des-Blats, Elodie et Marc Barthélémy qui ont repris l’Escoundillo, un hôtel restaurant de 12 chambres depuis un peu plus d’un an sont sur la brèche et peinent à répondre à l’afflux de la demande. « Nous sommes complets depuis le 15 juin qu’il s’agisse de l’hôtel ou du restaurant. Au pire, nous descendons à un TO de 80 % », confirme Elodie. Cet afflux spectaculaire de clientèle est à la fois touristique et local. L’effet post Covid n’est pas le seul responsable de cette situation favorable. Il amplifie un cercle vertueux enclenché par le couple dès son arrivée dans les murs. Elodie a beaucoup travaillé sur l’authenticité de la démarche à la fois sur le plan du décor orienté vers la montagne, mais aussi sur la cuisine. Elle a ainsi resserré la carte
à 5 entrées et 5 plats afin de mettre en avant les produits locaux développés en circuit court. Le ris de veau concocté par le chef Daniel est devenu un des best sellers de la maison. Chaque semaine 2 kg de ce thymus sont consommés par les clients. La situation très isolée de cet établissement, en retrait du village attire aussi les touristes en recherche de dépaysement. Escoundillo signifie « petite cachette ».
Elodie et Marc Barthélémy. Photo Ⓒ J-M. D. – ACDV
Sur l’autre versant, à Lavigerie, un autre établissement est baptisé La Boudio, à savoir : « le bout du chemin ». Créé il y a 15 ans, il propose « l’ambiance d’un refuge avec le confort d’un hôtel ». Malgré son isolement, il fonctionne huit mois de l’année et propose 12 chambres (46 couchages) et une table d’hôtes pour les pensionnaires, ouverte à la clientèle extérieure sur réservation. L’établissement, très dynamique, vient d’être repris par un couple venu de l’extérieur, Vincent et Marie Rochette de Lempdes. Ils ont signé le rachat en plein confinement. Si Vincent est originaire du Puy-de-Dôme, il a longtemps résidé dans le Territoire de Belfort et travaillait dans l’industrie alors que son épouse était adjointe à la culture de la ville. Cette reprise d’entreprise est un choix de vie et si Vincent est décidé à investir dans la Boudio, il ne souhaite pas renoncer à la démarche authentique qui a fait le succès de l’établissement, à l’image de cette recette qui semble tout droit sortie du film Les bronzés font du ski : le Volcan, un saint nectaire fermier cuit avec de l’ail dans du vin blanc. Vincent s’affirme agréablement surpris de ses deux premiers mois d’activité : « juin a bien démarré, juillet se déroule sur un rythme fort. On a parfois un peu l’impression que nos clients profitent de leur liberté entre deux confinements ».
Vincent Rochette. Photo Ⓒ J-M. D. – ACDV
Non loin de là, à l’Auberge d’Aijean, la propriétaire, Valérie Fabre, fait une analyse plus nuancée de la situation. Son auberge comprenant 7 chambres et un restaurant de 25 places assises est réputée dans la région et elle reconnait « avoir réalisé un mois de juillet exceptionnel. Il y a des personnes qui viennent chez nous pour trouver un lieu rassurant ». Elle précise toutefois que le confinement lui a fait perdre 50 K€ et que son entreprise qui dispose d’une trésorerie restreinte est aujourd’hui fragilisée. Elle avoue vivre dans la crainte d’une seconde vague.
Valérie Fabre. Photo Ⓒ J-M. D. – ACDV
UN HIVER COMPLIQUÉ
Le succès appréciable que connaissent cet été les restaurants et hôtels alternatifs questionnent forcément sur l’avenir du Lioran, largement orienté vers le tourisme estival. L’hiver médiocre en raison du manque de neige a créé un petit séisme dans la station en poussant Philippe Fabre à démissionner de son poste de président de la SAEM Super Lioran. D’importants commerçants de la station réclamaient son départ ainsi que celui du directeur, Pierre Leduc, arrivé en 2019. Philippe Fabre reste toutefois vice-président du conseil départemental et président de Cantal Destination. Pour calmer le jeu, Bruno Faure, le président du conseil départemental, a dû prendre le 2 juillet la présidence de la SAEM. « Philippe Fabre a porté un projet de mutualisation des services qui n’a pas suscité l’adhésion des agents de la SEM Lioran » commente sobrement Bruno Faure. La conjonction de turbulences sociales et du manque de neige dans la station a semble-t-il exacerbé les crispations. Satisfait de l’arrivée aux commandes de la station de Bruno Faure, Franck Raymond patron de la brasserie le Rond Point faisait partie de ceux qui réclamaient du changement à la tête de la Saem Super Lioran. Il relativise aujourd’hui l’affaire : « Il n’y avait plus de pilote dans l’avion au moment où nous traversions une période de turbulence ». La succession de cet épisode et d’un été dynamique met aussi en évidence la fragilité de la destination Lioran pour laquelle le département a beaucoup investi ces dernières années. Face au réchauffement climatique, les stations de moyenne montagne doivent-elles continuer de tout miser sur l’hiver ? Bruno Faure rappelle à la raison : « Nous sommes parfaitement conscients de ce problème. Depuis des années, nous nous efforçons de faire en sorte que la station fonctionne sur les quatre saisons. Mais il convient de rappeler une vérité : Seulement 10 % du CA du Lioran sont concentrés sur l’été. Dans le meilleur des cas des stations françaises, cela ne dépasse pas 20 %. Il faut donc continuer à renforcer nos moyens technologiques de production de neige tout en s’employant à diversifier l’ensemble des activités. »
Le prochain projet d’envergure du Lioran pourrait concilier cette version du « en même temps » à la cantalienne. Laurent Wauquiez, le président de région vient d’accorder 2 M€ de subventions pour la rénovation de la patinoire. Mais la destination du nouvel ensemble pourrait évoluer en intégrant dans le complexe des activités spécifiques à la saison estivale. Reste maintenant à boucler l’aspect financier du dossier et de déterminer qui portera le financement : le privé à travers la SEM Lioran ou le public avec les collectivités locales.