Une vendange en retrait

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Catastrophique pour certains, historique pour d’autres, cette année 2019 aura été éprouvante pour la vigne en Auvergne, après un épisode de gel tardif en avril et une sécheresse inédite. Ces baisses de volume n’enlèvent rien à qualité du millésime, qui s’annonce prometteur.

Cette année, sur les côtes d’Auvergne, les vendanges auront été historiques par leur rendement très faible, dû aux conditions climatiques très particulières qui ont touché la région viticole. « On est sur un manque de volume de 60 à 80 % en fonction des endroits », explique Benoît Montel, président de la fédération viticole du Puy-de-Dôme, lui-même installé près de Riom. Du gel en avril et une sécheresse exceptionnellement étendue dans le temps, ainsi que deux épisodes de grêle qui ont touché le secteur du Crest et de Châteaugay, ont mis les vignes à rude épreuve. « De plus, l’automne dernier, nous n’avons pas eu d’eau, et on a observé un vrai manque dans les nappes phréatiques, explique le vigneron. C’est énorme. On est sur une année bien pire que 2017 avec le gel ou même 2003 avec la canicule, qui avait aussi fait souffrir la terre. Je n’ai pas encore toutes les statistiques, mais au lieu d’être à 50 hl à l’hectare, je suis à 13 hl sur une parcelle de blanc » , pour donner une idée précise de l’ampleur des dégâts. En revanche, en cave, le résultat se veut plus encourageant, avec des raisins très concentrés qui réchauffent le cœur des professionnels, lesquels ont réussi à récolter quelques ares pour faire naître leurs cuvées. « C’est un millésime 2019 très joli qui se prépare, avec de belles couleurs… Mais toutes les cuvées ne pourront pas sortir. De mon côté, par exemple, j’ai fait le choix de ne pas faire de rosé cette année », dit-il.

INQUIÉTUDES

« Après 2017, une année qui n’avait pas été bonne, les vendanges 2018 avaient reboosté le moral des troupes, mais cette année, c’est une vraie catastrophe. Il ne faut pas deux années d’affilée comme celle-là, assure David Pélissier, vigneron à Boudes, qui a perdu 75 % de sa récolte à cause du gel et de la sécheresse. On verra, mais cela fait un peu peur. Les saisons n’existent plus vraiment, l’automne devient la meilleure saison pour se balader. Pour moi, on assiste à un vrai dérèglement climatique. En Auvergne, nous avons observé des températures allant jusqu’à 30 °C en plein mois de février et du gel en avril. Les vignerons n’avaient jamais eu de problèmes de gel de cette ampleur ici. On ne voit cela que depuis 2017. Il y a dix ans, on ne craignait que la grêle, chez nous », confie Benoît Montel. Une vraie inquiétude qui touche tous les professionnels, qu’ils soient indépendants ou en coopérative. « On est tous surpris », signale Pierre Desprat, président de la Cave Desprat Saint-Verny. Aux côtés des pinots noirs et des chardonnays, la syrah (qui fait partie des cépages cultivés en Auvergne, mais n’entre pas dans l’AOC) semble avoir été moins touchée. « On doit se poser de vraies questions. Faut-il intégrer ce cépage dans le cahier des charges ? » Une piste surveillée et envisagée auprès de l’Inao, en vue du changement climatique qui se dessine. Les vendanges qui se déroulaient en octobre vingt ans en arrière ont désormais lieu dès le 15 septembre. « Et tout a été mûr en même temps, cette année. On a tout récolté en cinq jours au lieu de trois semaines habituellement, puisqu’il n’y avait pas de volume », précise le président de la fédération. Sur ce « vignoble jeune et tendance » en pleine révolution, le climat sera le principal enjeu de demain.

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