Vichy : le réveil de la belle endormie
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Cette célèbre station thermale auvergnate se métamorphose depuis 2021. Son classement au patrimoine mondial de l’Unesco et son Parc des sources repris par la ville lui permettent de rénover ses installations et d’attirer des investisseurs. Ainsi, de nombreux projets conduisent aujourd’hui Vichy à tonifier son tourisme et à développer les séjours, en marge des cures.
Les porteurs de la flamme Olympique qui ont traversé Vichy, le 21 juin, ont dû slalomer entre de nombreux chantiers. La ville est en train de subir un lifting général, tant en matière de rénovations privées que publiques. De même, le célèbre Parc des sources, envahi d’engins de travaux et de barrières, n’est pas épargné. La métamorphose de la sous-préfecture de l’Allier apparaît spectaculaire. En cinq ans, la ville a gagné près de 1 000 habitants et dépasse désormais allègrement les 25 000 âmes. Les villes voisines, Cusset et Bellerive, connaissent elles aussi une belle progression démographique. « Ces dernières années, les prix immobiliers ont augmenté de l’ordre de 30%, observe Bernard Kajdan, adjoint au maire chargé du tourisme. Nous sommes une des rares villes d’Auvergne à évoluer au-delà de 2 000€/m2. » Cette effervescence attire les investisseurs de tous bords.
L’hôtellerie en pleine reconversion
Les vieux hôtels, dont Vichy regorge, reprennent des couleurs. Ainsi, le Régina, racheté par le groupe CIR, est reconverti en résidence de 53 logements haut de gamme, avec à la clé un investissement de 7 M€. De son côté, le Masséna, sous l’impulsion du promoteur Urban Vitalim, est réhabilité à travers 18 logements. En revanche, Tours et Charmilles, deux anciens hôtels, ont pour leur part été rasés. Vichy Habitat est en train d’y construire une dizaine de logements. Par ailleurs, non loin de là, dans les anciens locaux de la Banque de France, un grand chantier a commencé derrière la façade datant du XIXe siècle sauvegardée.
Altarea Cogedim s’emploie à créer 25 logements haut de gamme, une résidence pour seniors de 93 logements et une galerie commerciale. « Naturellement, nous veillons à ce que les travaux soient réalisés dans le respect de l’architecture de la ville », insiste Bernard Kajdan. Ces transformations d’anciens hôtels ne sonnent pas pour autant le glas du tourisme vichyssois. Après son lancement par Napoléon III, la station thermale de Vichy a connu un très gros succès. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, elle disposait de 200 hôtels. C’est même cette encombrante particularité qui lui valut d’être choisie comme siège de son régime par le maréchal Pétain.
Avec le déclin des cures, beaucoup de ces hôtels étaient devenus inutiles. D’imposants immeubles aux noms évocateurs – Carlton, Les Princes, le Plaza – furent alors convertis en bureaux ou en logements. Il reste tout de même dans la ville 10 800 lits touristiques marchands. Près de la moitié d’entre eux se situe dans les 33 hôtels qui ont survécu. Mais au regard des taux d’occupation très dynamiques, il devient aujourd’hui souhaitable de créer de nouveaux établissements. Pas question pour autant de réhabiliter les anciens hôtels prévus à cet effet.
Soit leur architecture du XIXe siècle n’est pas adaptée aux critères de l’hôtellerie moderne, « soit ils
n’ont pas la taille critique suffisante pour offrir un seuil de rentabilité », souligne Adrien Southon,
directeur adjoint de l’office de tourisme Vichy Destinations. Il faut rappeler que les congrès et séminaires constituent un pôle important du tourisme vichyssois. Chaque année, 350 congrès accueillent 70 000 personnes. Aussi, la ville négocie actuellement avec des investisseurs la mise en place de deux vastes hôtels, un trois-étoiles et un quatre ou cinq-étoiles. Ils sortiront de terre dans le secteur de Vichy Lac (zone d’élargissement de l’Allier). Ce projet vise également à dynamiser le secteur où depuis des années les responsables de la ville s’efforcent de développer de nouvelles activités autour de la rivière, via des restaurants, des plages et l’installation d’une voie verte de 27 km sur les bords de l’Allier.
De fait, l’année passée, le groupe Paul Bocuse a remporté la concession dans ce secteur de la brasserie La Rotonde. Il devrait prochainement y ouvrir une de ses nouvelles adresses. Il faut aussi évoquer l’Aletti Palace, joyau hôtelier de la ville. Cet ensemble quatre étoiles de 130 chambres a vieilli, faute de rénovation, et subit une fréquentation poussive. Son propriétaire, un groupe syrien, semblerait désireux de le vendre et des candidats seraient en lice.
La reprise en main du parc aux sources
Le classement le 24 juillet de la ville au patrimoine mondial de l’Unesco, en compagnie de dix autres villes d’eau européennes, semble avoir constitué le déclic qui a provoqué le réveil de la belle endormie. « Cette reconnaissance est le résultat de près de dix ans de travail de l’équipe municipale », rappelle Yves-Jean Bignon, adjoint au maire, particulièrement en pointe sur ce dossier. « Une inscription comme cela montre qu’on est exceptionnels, poursuit-il. L’Unesco a évalué des critères d’authenticité et d’intégrité auxquels nous répondons. Cela dit, nous ne mettons pas le patrimoine sous cloche. Nous le faisons évoluer. » Mais pour faire évoluer et même entretenir ce patrimoine, encore faut-il avoir les leviers bien en main.
Or, historiquement, le domaine, c’est-à-dire le Parc des sources (un ensemble de 60 ha qui va de la source de l’hôpital au grand établissement en passant par les bains Callou), appartenait à l’État qui gérait l’ensemble depuis 1862, via la Compagnie fermière de Vichy. Lors de son arrivée à l’hôtel de ville, Claude Malhuret (maire de 1989 à 2017) déplorait le manque d’entretien par l’État du Parc des sources. Il réclamait le transfert de la propriété de cette zone à la ville. Finalement, c’est Frédéric Aguilera, son successeur désigné, qui a signé le rachat de l’ensemble en 2020.
Au-delà du classement par l’Unesco, cet acte de décentralisation réussie va vraiment donner les coudées franches à l’équipe municipale pour relancer Vichy. Ainsi, la Ville a investi 50 M€ dans la rénovation en cours du Parc des sources. Elle devrait s’achever en 2026. Par ailleurs, elle a confié à France Thermes la gestion de cet ensemble moyennant une redevance. Cet apport financier permet à la Ville non seulement de rembourser ses emprunts liés à l’acquisition du Parc des sources auprès de l’État, mais aussi d’investir.
Les recettes de France Thermes sont liées à l’exploitation du domaine thermal, et à la remise en forme. Elles comprennent aussi l’utilisation de l’eau et du nom de Vichy, comme c’est le cas pour les pastilles de Vichy, par son fabricant Carambar & Co, ou pour l’exploitation des eaux Vichy Célestins par le biais de la Société commerciale d’eaux minérales du bassin de Vichy. Un partenariat existe également avec L’Oréal. Il devrait être développé dans les années à venir. France Thermes gère également les trois hôtels liés aux trois établissements thermaux : Ibis (Thermes Callou), Mercure (Thermes des Dômes) et Célestins (Thermes les Célestins).
Le groupe spécialisé dans le tourisme thermal investit ainsi 50 M€ dans la rénovation progressive de ce complexe. Les thermes Callou sont actuellement en rénovation, ainsi que l’hôtel Ibis qui devrait rouvrir ce mois-ci. Pour contribuer au dynamisme de cette destination actuellement en rénovation, l’office du tourisme de la ville a en outre mis en place une politique touristique déclinée en six axes (voir encadré). Celle-ci est destinée à proposer aux touristes de nouveaux motifs de choisir cette destination. Vichy et sa région représentent en effet un ensemble très varié. L’image de cure se révèle aujourd’hui dépassée, voire marginale. La sous-préfecture de l’Allier peut aujourd’hui compter sur une série d’atouts qui en font une station privilégiée pour un tourisme plus vert, culturel et sportif.
Six axes de politique touristique
- 1. Développer les City breaks, courts séjours permettant la découverte du patrimoine (un hippodrome, un casino, un opéra) et des commerces ouverts le dimanche.
- 2. Construire une image de destination sportive, notamment sur les bords de l’Allier à Bellerive, sur des terrains appartenant à Vichy. Le Creps y est présent depuis 1973 et la Fédération française de tennis investit actuellement 7 M€ dans la construction d’un complexe.
- 3. Vendre la Montagne bourbonnaise, qui constitue un terrain de jeu et de randonnée à proximité de Vichy avec notamment la présence d’une petite station de sports d’hiver, La Loge des Gardes (1 071 m). Un espace VTT avec 3 500 km de pistes est envisagé.
- 4. Développer, en marge des cures, le versant remise en forme et bien-être du thermalisme.
- 5. Dynamiser les congrès et séminaires en misant sur le Palais des congrès et les nombreuses structures sportives.
- 6. Favoriser les constructions de résidences secondaires.