« J’ai l’impression d’être un dealer de drogue », les réactions des patrons à Paris
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Si les restaurants ont bénéficié d’un sursis par le biais d’un protocole sanitaire strict, les bars parisiens n’ont pas eu cette chance. Plusieurs propriétaires d’établissements témoignent, laissant apparaître un malaise généralisé à l’ensemble de la profession, et une peur de l’avenir.
« Quand je vais travailler, j’ai l’impression d’être un dealer de drogue. Je me sens comme un hors-la-loi », s’indigne David Rougier, assis au bout de l’une des longues tables hautes de son restaurant dont la décoration se trouve à l’image de sa cuisine, chaleureuse et conviviale. « On est les seuls à être dans cette situation », poursuit-il. David Rougier possède depuis trois ans Coup d’œil, un « bistrot et bar à vins » situé dans le 11e arrondissement de Paris. Il propose des entrées, des plats et des desserts à midi et, le soir, des assiettes qu’il est possible de partager. Il n’est pas concerné par cette fermeture préventive. Le soir, « 98 % des gens viennent dîner », le rôle de caviste ne représentant que 2 % de son activité. Mais il s’inquiète de la défiance envers les acteurs du secteur.
David Rougier, propriétaire du Coup d’œil. Photo Aurélien Peyramaure
Au moment où nous avons réalisé cette enquête sur le terrain, la mesure de fermeture des débits de boissons à 22 h se trouvait toujours en vigueur en Île-de-France. Or le Gouvernement a annoncé le 5 octobre la fermeture totale des bars pour une durée de quinze jours, une nouvelle mesure impactant une fois de plus le secteur.
« On est les seuls à être pointés du doigt »
Sur la question de la fermeture des bars à 22 h, puis sur la perspective de la fermeture totale des bars en Île-de-France, le restaurateur âgé de 30 ans laisse éclater sa colère : « Je ne suis pas d’accord, on est les seuls à être pointés du doigt. »
Même son de cloche du côté de Marc Lioussanne, propriétaire du Mabel Paris, bar à cocktails situé dans le quartier du Sentier, qui ne cache pas son exaspération : « La fermeture des bars à 22 h n’est pas fondée, elle est illogique. C’est un message hypocrite. Pourquoi fermer les bars et ne pas fermer les transports en commun ? ».
Marc Lioussanne, propriétaire du Mabel Paris. Photo Aurélien Peyramaure
Antoine Gilard, propriétaire du Magasin , un « vrai bar de soirées » situé dans le 10e arrondissement, abonde : « On ne peut pas faire de demi-mesures. Tu vas dans un Monoprix où tu touches tout. C’est un peu se foutre de la gueule ». Obligé de fermer à 22 h, Antoine Gilard a tenté d’adapter son offre pour conserver ses horaires habituels. Ses plans étaient toutefois suspendus à la possible annonce de fermeture totale des bars et restaurants. Il avait prévu d’embaucher un cuisinier pour proposer des plats élaborés disponibles à l’individuel ou à partager. Mais du fait de la mesure de fermeture totale des bars, il n’a pas souhaité prendre le risque de créer un emploi.
« Je veux juste travailler »
À l’inverse, Marc Lioussanne a bien fermé à 22 h, pour ne pas perdre sa licence.
« Laissez-nous faire notre métier », pourrait devenir le mot d’ordre de la profession et c’est ce qu’implore le propriétaire du Coup d’œil. « Je ne demande pas de l’argent [au Gouvernement, NDLR], je veux juste travailler » , ajoute-t-il. « On est à deux doigts de tout perdre, il faut réaliser ça », déplore pour sa part Marc Lioussanne, avant de poursuivre : « On nous met en danger et personne ne comprend ça. Le chômage technique c’est très bien, mais notre charge première c’est le loyer ».
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Le Gouvernement a annoncé prendre en charge à 100 % le chômage partiel des salariés du secteur jusqu’à la fin de l’année 2020. Une aide bienvenue, mais pas suffisante. Paul Haber, attablé au milieu de son pub James Hetfeeld’s, dans le 2e arrondissement, propose tout bonnement une annulation des loyers. Une idée « lunaire, débile » d’après David Rougier pour qui « le propriétaire [des murs, NDLR], ce n’est pas le grand méchant loup ». Ce dernier ne se verse d’ailleurs plus de salaire pour payer ses salariés et son loyer.
Paul Haber, patron du pub James Hetfeeld’s. Photo Aurélien Peyramaure
Patrick Robert et Bernard Weber, propriétaires associés du Café Oz, concept de bar à ambiance musicale, présent dans la capitale à travers quatre établissements, souhaitent une « loi pour reporter les loyers une fois que la crise est passée ». Ils ont vu leur chiffre d’affaires passer de 30 millions à 5-6 millions d’euros et réfléchissent à vendre certains bars si la situation n’évolue pas favorablement d’ici au printemps.
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Pour éviter les fermetures, les professionnels du secteur sont pour la plupart prêts à accepter un protocole sanitaire plus strict, même s’ils ne voient pas ce qu’ils peuvent faire de plus. « Limiter la table à quatre clients, au lieu de dix », avance Paul Haber.
Patrick Robert et Bernard Weber, propriétaires du café Oz. Photo Aurélien Peyramaure
La multiplication des normes amène de l’incompréhension : « J’ai arrêté d’essayer de comprendre les mesures, mais je les respecte », témoigne David Rougier. « Je suis quelqu’un d’optimiste, je compte sur les clients », déclare-t-il, souriant, avant de conclure : « Dans la vie, il faut toujours aller de l’avant. »