Terrasses : la bataille du chauffage continue !
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Comme chacun sait, chauffer en terrasse ouverte – même entièrement protégée par des écrans parallèles et perpendiculaires et un store – est interdit à Paris depuis l’été 2022. Si les exploitants ont joué le jeu, un grand nombre d’entre eux reçoivent depuis quelques semaines, non sans surprise, un avis pour régler des taxes de chauffage au titre de … l’année 2023. La raison ? Comme les installations n’ont pas été démontées, la mairie de Paris subodore qu’elles ont fonctionné. Kafkaïen.

Contrairement à ce que l’on pense, la question du chauffage en terrasse n’est absolument pas résolue. Elle rebondit de manière étonnante. Ainsi, de nombreux exploitants parisiens reçoivent depuis mars dernier un « Avis des sommes à payer » leur réclamant un droit de voirie additionnel pour l’installation de chauffage en terrasse. Alors qu’il est interdit de propager de la chaleur à l’extérieur depuis 2022…
«La manière de faire a de quoi surprendre, car on aurait pu penser que la ville enjoindrait aux exploitants de retirer les dispositifs non réglementaires qu’ils auraient maintenus. En réalité, elle préfère continuer de réclamer une taxe…», explique Philippe Meilhac, avocat spécialisé dans la voirie.
L’objectif de réforme était en adoptant des tarifs élevés de dissuader les exploitants à chauffer leur terrasse.
Préférence à la taxe ?
Traditionnellement, l’utilisation de chauffage en terrasse n’était pas taxée, ni du reste l’installation d’écrans de protection. Jusqu’à une délibération, peu connue, votée au Conseil de Paris de mars 2011 lors de la réforme du Règlement des étalages et des terrasses (RET).
« L’objectif de réforme est, en adoptant des tarifs élevés, de dissuader les exploitants à chauffer leur terrasse. On a même interdit le chauffage au gaz mais les syndicats du secteur se sont rebiffés. L’interdiction a été annulée», se rappelle Philippe Meilhac.
Et d’ajouter :«Mais voyant que les dispositifs sont maintenus par les exploitants, la Ville de Paris préfére alors taxer. Y compris en contre-terrasses où aucune tarification n’avait été prévue. Cela a donné lieux à de nombreux contentieux, que nous avons gagné, y compris devant le Conseil d’Etat».
2022, année de l’interdiction
Et les chauffages se sont répandus… jusqu’en 2022, année de l’interdiction. Mais le fait de chauffer ou non n’a jamais fait l’objet d’une déclaration préalable, à la différence de l’installation d’une terrasse (emprise au sol) et des écrans de protection. Autrement dit, c’est aux agents de la Ville de Paris, de répertorier, de faire la tournée des cafés en quelque sorte. Et en cas de contestation, c’est à la Ville de Paris de prouver l’installation effective du dispositif.
Néanmoins, le décret du 30 mars 2022 a prévu deux dérogations : d’une part, pour les installations foraines, et, d’autre part, pour les “lieux couverts, dotés de parois latérales et étanches à l’air”.

« Cette dernière expression a donné lieu à des interrogations sur le périmètre de l’exception. Consulté par les syndicats de la restauration, le Gouvernement a laissé entendre une interprétation extensive. L’exception ne concernait pas seulement les terrasses fermées mais aussi les terrasses ouvertes protégées par des écrans parallèles et perpendiculaires et un store. Sauf que le décret précise bien que la mairie peut aggraver l’interdiction », ajoute Philippe Meilhac.
On imaginait que la maire de Paris adopterait une position identique à celle du Gouvernement… Un arrêté municipal est publié en plein mois d’août (2022) est venu préciser que seules les terrasses fermées au sens du RET pourraient désormais être chauffées.
Confusion ?
Au mois d’octobre suivant, une délibération est votée au conseil de la capitale pour fixer la taxe à réclamer aux exploitants qui maintiendraient le chauffage en dépit de l’interdiction… «Imaginer la confusion dans leur esprit : on interdit un dispositif et quelques semaines plus tard on prévoit une taxe comme pour les dispositifs autorisés!», souligne Philippe Meilhac.
En attendant d’y voir plus clair, de nombreux professionnels optent pour un certain attentisme. et ont alors laissé leur matériel en l’état tout en le débranchant. «Je ne connais personne qui ait été verbalisé en 2023. En revanche depuis mars 2024, bon nombre d’établissements se voit réclamer le règlement du chauffage pour l’année précédente.Sans pour autant de se voir enjoint de démonter leur installation. C’est l’utilisation qui déclenche la taxe et non l’installation des dispositifs » Les contentieux sont en marche…
Cinq catégories et différents barèmes
Quoi qu’il en soit, sur la grille tarifaire pour la taxe chauffage des terrasses applicable pour 2024, il y est notamment écrit en page 11 :
« Supplément pour l’installation de tout mode de chauffage ou de climatisation sur les contre-terrasses de toute nature ». Suit une série de cinq catégories avec différents barèmes à régler par m² occupé chaque année. Pour donner un ordre d’idée, les tarifs s’échelonnent de 271,92 €/m²/an à… 1 535,14 €/m²/an.
« Tous les ans, la grille tarifaire est à la hausse. En général entre 1 et 2 % de plus par rapport à l’année précédente. Et cela sans aucune réelle justification », constate Philippe Meilhac.
Et d’ajouter aussitôt : « Mais l’année dernière et cette année, les tarifs ont progressé de 5 %, ce qui est assez élevé. » Selon les types d’installation, différents tarifs peuvent s’appliquer et se cumuler.
L’étalage-terrasse fermée, c’est un seul tarif. En revanche, pour les terrasses ouvertes-contres-terrasses, trois taxes existent : emprise au sol, chauffage et écrans de protection.
A noter : les couvertures proposées à la clientèle en extérieur ne sont pas taxées. Du moins, pas encore.

Bonjour, combien je vous dois ?
Pour une terrasse de 100 m², en voie «hors catégorie» et «dans le tiers du trottoir» «hors voie piétonne», je paye pour l’année 2024…
-Pour l’emprise occupé : un droit de 117,50 € (tarif au m²/an, code 430) x 100 = 11.750 euros
Si ma terrasse n’est pas chauffée (ou équipée de dispositifs de chauffage ou d’écrans) je ne dois pas payer d’autre somme
– Si ma terrasse est chauffée ou équipée de dispositifs (même débranché mais matériel toujours présent). Elle n’est pas protégée par des écrans, je «m’expose» à un «supplément» de :
511.69€ (tarif au m²/an, code 547) x 100 = 51.169€
En ce cas, je paierai un droit de voirie total de 11.750€ (pour l’emprise) + 51.169€ (chauffage)
« Cher Monsieur, vous devez 62.919€. Merci. »

– Si ma terrasse est chauffée ou équipée de dispositifs (même débranché mais matériel toujours présent). Si elle est protégée par des écrans parallèles (les seuls à être taxés, les écrans perpendiculaires ne font l’objet d’aucune taxe). Je «m’expose» à un «supplément» de :
170,54 € (tarif au m²/an, code 544) x 100 = 17.054€ pour le chauffage et de 511.69€ (tarif au m²/an, code 580) = 51.169€.
« Cher Monsieur, vous devez 79.973€. Merci. »
En revanche, étonnamment au regard de l’avantage qu’ils procurent, stores et bannes ne coûtent (presque) rien