Le café s’affiche sans filtre

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Ce produit prend une nouvelle tournure en restauration. Toujours très présent dans les habitudes de consommation, il est désormais prisé tout au long de la journée, et pas seulement sous forme d’expresso. Les clients cherchent de la gourmandise et un café qui a du goût, une proposition sincère. Dorénavant, l’offre doit être bien étudiée.

Illustration Torréfaction, café.
Illustration Torréfaction, café. Crédits : Au Coeur du CHR / Cafés Richard.

Le café sort peu à peu de ses assignations traditionnelles. Pendant long-temps cantonné au comptoir, à la limite descendu d’un trait juste avant l’addition, il prend désormais ses aises. Deuxième boisson la plus consommée en France, après l’eau, il se fait une place de plus en plus importante dans la journée des consommateurs. «C’est une belle période d’évolution pour le café, notamment véhiculée par l’hybridation des lieux de consommation», souligne Maurizio Cozzolino, directeur général France, Benelux, Iberia de Lavazza. À la faveur des espaces de coworking, de corners cafés plus étudiés dans les entreprises, mais aussi de la vente à emporter – en hausse de 10% à 15% par an –, les moments du café évoluent. Désormais, 40% sont toujours consommés au cours de la matinée, comme un sacro-saint rituel. Plus de la moitié s’étale donc sur tous les autres moments de la journée.

Le café doit-il toujours prendre la forme d’une tasse d’espresso (sic) à l’italienne ? Non.
Maurizio Cozzolino, directeur général France, Benelux, Iberia de Lavazza

L’offre des produits suit ce mouvement, dévoilant cette boisson sous des atours moins conventionnels pour l’ancrer comme un fil rouge journalier pour le consommateur. «Le café doit-il toujours prendre la forme d’une tasse d’espresso (sic) à l’italienne? Non. L’objectif d’une tasse de café n’est plus nécessairement d’apporter un effet booster, pour répondre à un besoin physiologique, mais de s’épanouir sur d’autres moments de consommation.» Cappuccino, latte macchiato et autres boissons plus récréatives représentent un potentiel économique pour qui choisit d’élargir sa carte. La mise en œuvre demande pour autant de la technique, voilà pourquoi la plupart des torréfacteurs disposent désormais de leur propre centre de formation. Toutefois, la réalité économique des établissements et les difficultés de recrutement incitent certains à se tourner plutôt vers des solutions clés en main.

Des machines professionnelles à capsules

JDE Professional, qui adresse plus spécifiquement les segments de l’hôtellerie et de l’entreprise, a mis au point L’Or Suprême, une machine à expresso à capsules, conçue pour un usage en autonomie par le client, en chambre ou sur les buffets de petit déjeuner. L’ajout d’un module pour le lait permet de proposer des boissons plus complexes sans faire appel à du personnel tout en «valorisant le moment café et en améliorant l’expérience du consommateur, détaille Margaux Lafourcade, trade marketing manager hors domicile chez JDE Professional. On pourrait même la retrouver en restaurant, dans de petites unités. Le fait que le café soit portionné assure une qualité constante, et c’est aussi plus simple pour la gestion des stocks.»

De même, après le succès de son cold brew prêt à l’emploi, Illy a voulu aller plus loin autour de ce café froid en développant la machine Illy Cold Brew Blade pour proposer aussi bien la version glacée classique qu’un café plus corsé et mousseux. Une occasion de positionner le produit également sur l’instant cocktail, qui trouve doucement écho. «Il faut aussi voir cette opportunité comme une manière de trans-former le ticket moyen autour du café», affi rme Maurizio Cozzolino.

Café de spécialité, un moteur pour revaloriser ce produit

Le matériel fait aussi pour beaucoup dans l’élévation du niveau en matière de café. «L’évolution des machines en RHD et même à domicile a notamment permis au segment des grains de prendre beaucoup de parts de marché par rapport aux capsules, analyse Maurizio Cozzolino chez Lavazza. Ce qui induit que l’es-sence même de la matière première évolue. » La marque se positionne depuis un an sur le segment des cafés de spécialité avec la gamme La Reserva de ¡Tierra!. Mais surtout, Lavazza a noué un partenariat stratégique avec la manu-facture Alain Ducasse pour créer la marque Lecafé Alain Ducasse avec 1895 by Lavazza. Une dizaine de crus d’exception qui se veulent le vaisseau amiral de Lavazza sur ce segment très spécifique du café. Et des nouveautés à venir dans quelques mois, sans doute à l’occa-sion du Sirha. «Ces cafés typés demandent des savoir-faire en matière d’extraction mais aussi, ils ont besoin d’être expliqués.»

Rappelons-le, le café de spécialité se caractérise par de petites séries de cafés traçables du producteur au torréfacteur. Ils sont issus de terroirs qui leur donnent une valeur gustative élevée, et leur café vert présente une note de la Speciality Coffee Association supérieure à 80/100. «La demande de cafés de spécialité est croissante et s’inscrit dans le besoin de nos clients pour toujours plus de qualité et de traçabilité du grain à la tasse», souligne Claire David, cheffe de produit aux Cafés Richard. La marque dispose de trois références de ce type, labellisées et/ou biologiques.

Les petits acteurs en forte croissance

Mais en la matière, l’entreprise Terres de Cafés reste pionnière en France. Créée en 2009 par Christophe Servell, la marque fait aujourd’hui la majorité de son chiffre d’affaires auprès des CHR d’Île-de-France. «On constate nos plus fortes hausses en B to B sur les petits corners cafés et les coffee shops. Et on commence à travailler avec des brasseries qui choisissent de mieux valoriser leur offre autour du café. Certains sont revenus du modèle féodal que proposent les industriels du café. Les professionnels découvrent véritablement le café et leur niveau de connaissances monte. Il faut sortir le café de cette image de produit de récompense et restaurer sa juste valeur.» En guise d’initiation, Terres de Café propose depuis peu El Cuto, un café du Salvador, plus consensuel que les neuf autres références pointues du catalogue B to B. «Nous avons réussi à monter un projet avec quatre fermes autour de la régénération de terres agricoles, ce qui nous permet de nous projeter sur des volumes un peu plus importants qu’à l’accoutumée.» Ainsi tiré vers le haut, le café en grains entraîne dans sa suite tous les accessoires. Vaisselle et bords de tasse s’adaptent et se bonifient de la même façon. Cafés Richard, par exemple, référence des produits bio ou équitables pour les accompagner.

Le café de spécialité, qui reste une niche, n’est pour autant pas le seul segment à tenter de valoriser ses spécificités. L’Or Professional, qui commercialise sa première gamme de cafés en grains, a choisi le principe des accords mets-café pour «remettre au cœur de son ADN la complexité aromatique de [ses] produits.» De son côté, Nespresso Professionnel renforce sa gamme de cafés biologiques avec des capsules Brazil organic et Colombia organic, s’appuyant sur une tendance forte dans ce sens qui pourrait atteindre + 7,5% d’ici à 2027*. Une référence saisonnière, Congo organic, sera disponible au début de 2023. Peu à peu, le café bénéficie des mêmes égards que d’autres produits avant lui, le vin, la bière, considérés dans tous leurs aspects, du terroir au verre.

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