La noisette de Cervione, trésor de l’automne corse

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Sa culture s’était presque perdue. Grâce au travail de l’association A Nuciola, la noisette de Cervione a retrouvé sa place dans le paysage culinaire corse.

Noisette
La noisette peut se consommer nature, mais aussi transformée, notamment sous forme de farine, d’huile ou de condiments

Agricultrice à Ghisonaccia (Haute-Corse), Raphaëlle Peignier fait partie de ceux qui ont redonné ses lettres de noblesse à la noisette de Cervione. « Je cultive aussi des olives et des figues, mais le noisetier est un arbre auquel je suis très attachée, revendique celle qui est aussi présidente de l’association A Nuciola (la noisette, en corse). Lorsque je me suis installée en 2001, j’ai bataillé pour que cette production, alors considérée comme anecdotique, retrouve sa juste valeur dans le patrimoine agricole et culinaire de la plaine orientale nord de l’île. Aujourd’hui, la filière reste modeste mais il y a de plus en plus de nouveaux vergers, et nous manquons de noisettes pour faire face à la demande. » Déjà propriétaire de 800 arbres, elle-même vient d’en replanter autant en cinq ans. La culture du noisetier en Méditerranée remonte à l’Antiquité. Au Moyen Âge, les noisettes de la République de Gênes (dont dépendait la Corse) s’exportent jusqu’au Levant. Vers 1900, le gel des cédratiers insulaires favorise encore la culture de ce fruit sec.

Hélas, la concurrence des pays émergents fait peu à peu s’effondrer les cours. « Au tournant des années 2000, nous avons regroupé environ quatre-vingts petits producteurs, raconte Raphaëlle Peignier. L’association rachetait leurs noisettes à des prix volontairement élevés. À force, nous avons constitué du stock. Il fallait en faire quelque chose. En 2010, nous avons lancé une pâte à tartiner baptisée A Nuciola, imitée par d’autres depuis. Le produit a rencontré un énorme succès et relancé l’engouement pour la noisette… sous toutes ses formes. » Forte de cette réussite, l’association se dote d’une casserie, implantée à Cervione. Une Indication géographique protégée (IGP) vient couronner le tout en 2014.

Coeur tendre

Débarrassé de sa coque (surnommée « robe de bois »), le fruit, appelé « amandon », présente une forme de cœur. Brun-rouge à l’extérieur, sa chair couleur ivoire est ferme. Son poids plume concentre des arômes boisés et sucrés, légèrement beurrés. Selon l’administration, 53 tonnes de noisettes IGP auraient été collectées en 2023, dont 20 tonnes par A Nuciola. « Malheureusement, la dernière récolte a été mauvaise et cette année ne s’annonce pas meilleure. Habituellement, c’est plutôt entre 45 et 50 tonnes », déplore la productrice. Un crève-cœur, car la demande pour ce fruit sec d’exception se confirme.

Vendues 14 € le kg décortiquées, les noisettes de Cervione IGP sont prisées par une clientèle de professionnels principalement situés sur l’île (chefs, pâtissiers, boulangers, confiseurs et glaciers), même si l’association expédie ponctuellement une partie de sa production. L’exploitation corse transforme aussi une partie de sa récolte : « Grillées puis broyées, les noisettes donnent d’un côté de l’huile, de l’autre une farine sans gluten. Je vends aussi de la pâte A Nuciola et un condiment à base de sel et des noisettes, le Renosu, à utiliser en assaisonnement sur les plats avant cuisson ou directement dans l’assiette. » Des produits naturels et sains : brutes ou transformées, toutes les noisettes issues de la filière n’ont subi en effet ni engrais ni traitements de synthèse, comme l’exige le cahier des charges de l’IGP.

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